9 - La dernière Érudit

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Gabriel

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Je reste assis contre le mur, les jambes repliées contre mon torse, mes poignets appuyés sur mes genoux et je fixe le corps d'Aïda que les gardes s'entêtent à emmitoufler dans un drap propre. Kira les supervise et Baralf et Fred restent debout à côté de moi, à observer cette scène.

Je me ronge les peaux mortes sur mes lèvres encore gercées, et je ne peux que me blâmer pour l'horreur que je viens de commettre. Je n'arrive même plus à distinguer si c'est moi qui ait fait cela ou si c'est lui.

Auparavant, tuer quelqu'un ne m'aurait rien fait. Mes mains sont tâchées de sang depuis bien des années et pourtant, cette fois, je ressens une lourde culpabilité qui pèse sur mes épaules. Aïda ne méritait pas cela, c'est une personne avec qui j'ai voyagé et traversé de dures épreuves, une femme qui malgré tout le mal que j'ai pu lui faire, est restée auprès de moi, m'a épaulé et m'a pardonné.

Elle finit morte, étranglée et tuée par une magie que je ne sais contrôler, sans que je ne sache réellement qui est l'auteur de cet acte. Moi ou ce monstre qui s'est invité dans ma tête ?

— Apportez le corps là où tous les autres sont enterrés, ordonne Kira d'une voix douce. Nous nous occuperons de l'inhumer avec respect.

Les gardes la transportent et je vois ma sœur se tourner vers moi. Elle jette un bref coup d'œil au désordre que j'ai causé puis elle enjambe les débris pour entrer dans la pièce. Je préfère détourner les yeux plutôt que d'affronter son jugement.

— Lèves-toi, Gabriel, grogne-t-elle.

Je me pince les lèvres, sans un mot et je demeure dans la même position.

— Assume tes actes comme un homme et non comme un lâche. Le fait de retrouver ton humanité te rend si faible que cela ?

Je ferme les yeux, inspire par le nez. Je dois garder mon calme. Je ne suis pas un lâche. Je suis un tueur.

— Lèves-toi Gabriel ! s'exclame Kira.

Je me lève et la domine de toute ma hauteur. Elle a beau devoir lever la tête pour me regarder, elle ne cille pas et ne paraît même pas impressionnée.

— Tu me mens, tu me caches des choses, tu...

— Mais je ne te connais pas, l'interromps-je. Dois-je te faire confiance alors que pour moi, tu es une inconnue ?

— À qui la faute ? peste-t-elle en jetant un regard dédaigneux vers Baralf qui ne dit pas un mot. Gabriel, je suis navrée mais je ne peux plus te laisser tenter de voir Selene, il y a plus important que cela, elle doit rester concentrée, c'est indéniable et nous, nous avions un accord.

— L'accord était que je voyais Selene et ensuite nous jugions le Mage qui me sert de père.

Je vois Baralf se redresser du coin de l'œil, il croise les bras mais demeure stoïque.

— Donc l'heure n'est plus à la guerre mais au jugement ? intervient-il.

— Le ménage doit être fait, rétorque Kira. J'ai échoué à vous tuer une fois, la seconde sera la bonne.

— Vous avez besoin des Mages, que vous le vouliez ou non. Je suis dans votre camp, ma fille aussi, sans nous, vous serez perdus.

— J'utilise le feu, pensez-vous que votre magie m'est d'une aide précieuse ?

— Oui.

— Je ne fais pas confiance aux violeurs.

— Je vais vous le répéter encore une fois, je ne suis pas un violeur. Toute cette histoire est un nœud que vous ne pouvez pas démêler.

TENEBRIS LUMINA : L'Arbre de Vie [INTÉGRALE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant