5 - Un frère et une sœur

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Gabriel

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Je demeure un instant face au miroir à fixer mon reflet. Je me toise, comme si je toisais un ennemi, comme si je m méfiais de mon propre reflet. J'ai du mal à me reconnaître, mon visage est caché sous des cheveux sales et emmêlés et une barbe mal entretenue devenue bien trop longue. Je passe ma main dessus pour la lisser, je tourne ma tête à gauche, puis à droite avec cette sensation que l'homme que je suis, n'est plus celui que j'étais avant qu'Emilius prenne entière possession de mon corps. 

Je me redresse puis me tourne légèrement pour observer mon torse et la marque du Fer Rouge qui demeure imprégnée dans mes chairs. Je passe mes doigts dessus, elle n'est plus si sensible, voire même indolore. La cicatrice a fini par blanchir et ne laisse dorénavant sur mes côtes et mon pectoral droit, qu'une trace à vie d'un triste passé accompagné de cette magnifique cicatrice boursouflée d'une épée plantée dans l'estomac. Si Emilius n'avait pas été en moi à cet instant, je serai déjà mort et enterré depuis longtemps. 

J'ai perdu du poids, du muscle et toute cette prestance que j'avais autrefois. J'appuie mes mains sur le rebord du lavabo en porcelaine, baisse la tête et pousse un profond soupir. Je prends un instant pour respirer, un instant pour ressentir. Je serre les bords, mes doigts glissent dessus. Je ressens. Trop. 

Je me décide à attraper le rasoir, et je commence à me raser la barbe après avoir fait couler un peu d'eau. Je me regarde avec haine, avec rancœur. J'étais un monstre, sans sentiments et puis, j'en suis devenu un encore pire et cette fois, la culpabilité me ronge. Toutes ces personnes mortes sous les Ténèbres, sans compter Zerre...

Je me coupe la joue en y songeant, grimace et me rince le visage à l'eau froide. Lorsque je relève la tête vers mon reflet, je reconnais un peu plus ma gueule d'ange, bien que cette fois, j'ai du mal à apprécier ce que je vois. 

Après m'être lavé, avoir coupé une partie de mes cheveux, je les attache, enfile un bas propre puis on frappe à ma porte. Je jette la serviette sur mon épaule nue au moment où celle-ci s'ouvre sur Kira qui entre sans que je le lui ai accordé. Elle louche un instant sur la marque du Fer Rouge puis relève ses yeux vers bruns vers moi. Elle croise ses mains devant son bassin, relève le menton d'un air hautain. 

— Je comprends ce que Selene te trouvait, commente-t-elle. 

— Merci ? Je suppose... 

— Gabriel, je t'ai laissé du temp avec Dani et tes autres amis, je t'ai laissé te reposer mais à présent, il convient de discuter et de trouver une entente. 

Je me pince les lèvres puis m'adosse contre la commode au pied du lit tout en croisant les bras sur mon torse. 

— Il n'y a pas d'entente, Majesté. Je vais partir retrouver Selene. 

— Ici, tu es sous mon toit, dans mon Royaume. Tu me dois le respect et allégence. 

— Ne sommes-nous pas de la même famille ? 

— Si, grommelle-t-elle. 

— Penses-tu que j'obéirais à ma sœur au doigt et à l'œil sous prétexte que j'ai retrouvé mon humanité ? 

— Je me fiche de ton humanité. Tu es un danger. 

— Je l'ai toujours été, sœurette

— Arrêtes, grogne-t-elle le visage tiré. 

Elle se redresse puis s'avance vers moi d'un pas déterminé. 

— Tu essayes de ne pas te dégonfler devant moi mais je sais que tu souffres, je sais que tu as peur et je sais que tu regrettes. Tu es rongé par les remords. 

TENEBRIS LUMINA : L'Arbre de Vie [INTÉGRALE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant