22 - Les cartes sont battues

750 103 18
                                    


Gabriel

°°°

Je crois que j'ai changé. 

Je crois que je ressens la vie, la peur, la joie, la tristesse.

Je ne suis pas convaincu que je me sente dans l'obligation de sauver d'autres vies, mais celle de mes proches, oui. Celles des personnes qui comptent pour moi, soudainement. 

C'est comme si quelque chose s'était ouvert, dans mon coeur et dans mon âme et qu'aujourd'hui enfin, je ne me sentais plus piégé dans ma propre coquille. 

C'est désolant de se dire que cette sensation ne durera qu'un temps et que bientôt, je ne serai plus maître de mon corps. Pour l'heure, je connais mon objectif, et c'est celui d'accompagner Selene dans sa quête. J'en ai fini de la surprotéger, de la penser plus faible qu'elle ne l'est sous prétexte que ce n'est qu'une Non-Mage. 

Selene est bien plus que cela. 

Selene est la persévérance matérialisée dans une si petite femme. 

Je préfère la porter jusqu'à la victoire, plutôt que de la tirer dans l'oubli. 

Alors que nous passons le Passage créé par Baralf, ce dernier me saisit le bras avant que je ne rejoigne les autres. Quand je parle des autres, je veux dire, Hoestrid, Dani et Zerre ainsi que Dorius et Selene. Ces "autres" que Baralf a libéré. Je doute toujours de lui et une part de moi s'en méfiera toujours, pour la simple et bonne raison qu'il est l'homme qui m'a brisé. 

— Aowyn n'a pas cherché à se défendre, il va retrouver son fils et s'alliera à lui, c'est certain, déclare Baralf sans lâcher mon bras. 

Le fils d'Aowyn est un véritable obstacle à cette quête. Il est si discret, invisible, il agit dans l'ombre, comme un fantôme, doucement, il nous capture un à un. 

— Qu'il retrouve son fils, ils finiront par mourir tous les deux. Selene a obtenu les pouvoirs d'Adriel de Vernillac. 

— Et toi, fils ? Les pouvoirs que cette femme a temporairement pourraient te réduire à néant, souffle Baralf. 

— Moi ? répété-je. Tu t'inquiètes pour moi, dorénavant ? 

Je fais un pas en avant pour sonder son regard, me rapprocher de lui, afin qu'il sente toute ma rancoeur.

— Dois-je te rappeler que tu m'as façonné dans la peur et la violence ? Dois-je te rappeler que tu as tenté de me tuer à maintes reprises ? Que s'est-il passé, en l'espace d'une fraction de seconde, pour que soudainement, tu reviennes à toi, Baralf ? 

Il lâche finalement mon bras et relève le menton, restant digne et fier, comme toujours. 

— J'ai voulu te rendormir, toi et ton âme maudite mais quand j'ai touché ta marque, à Eyos, ça m'a renvoyé en pleine figure la personne que tu étais et celle que tu vas devenir. C'est à cet instant que j'ai compris qu'on ne peut pas façonner quelqu'un à son bon vouloir et également, que tu deviendras bien plus monstrueux que ce que nous n'avons jamais connu. Je crains que tu ne mérites pas un tel sort. 

Je plisse les paupières. 

— Gabriel, mon âme est éteinte depuis bien longtemps, mais il est difficile d'enfouir la totalité de ses sentiments. Pour ne jamais avoir de remords, ne jamais douter de mes actes, je faisais en sorte que cette magie noire ne s'estompe jamais. Mais les ténèbres qui t'habitent en ont décidé autrement... je ne suis pas maître de la marque du Fer Rouge. Je ne suis qu'un adepte. 

TENEBRIS LUMINA : L'Arbre de Vie [INTÉGRALE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant