29 - Une puissance obscure

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Gabriel

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Comment as-tu osé ? Tu n'es pas digne d'être ma fille !

Baralf levait le fouet scintillant de braises et l'abattait contre le dos nu de sa fille, meurtrie, recroquevillée sur elle même, sur le basalte de son domaine. Elle poussait des cris, suppliait son père d'arrêter mais il continuait de la battre, encore et encore, lui infligeant des coupures, des brûlures et des entailles si profondes, que jamais elles ne cicatriseraient.

Je t'en prie, père, arrête ! pleurait-elle. J'ai mal...

Je demeurais immobile, légèrement en retrait, les mains croisées derrière le dos. Mes yeux voyaient, mais mon esprit était si peu vif que je ne me rendais pas bien compte de ce qui se passait.

Que j'arrête ? avait maugréé Baralf en se penchant vers elle afin de sonder son regard.

Tous les deux arboraient des yeux aussi bleus que l'océan. L'une était pure et l'autre était bien trop obscur. Sa pureté à lui, il l'avait dévorée.

— Tu as tenté de te rebeller contre moi ! Ton propre père ! Et tu as emmené tout le monde avec toi ! Fred, Zerre... que dois-je en faire ? Les tuer; eux aussi ? Par ta faute !

— Non ! Pitié ! Pitié... pleurait Dani.

Son visage au teint de porcelaine était rongé par les larmes, sa peau rougissait sous son flot de détresse et moi, j'étais inutile. Le pantin parfait. Baralf s'était redressé, les épaules droites, il s'était tourné vers moi et m'avait tendu le fouet couvert de sa magie.

— Punis-la, avait-il ordonné.

Dani était mon amie. Elle me regardait, les yeux exorbitée, terrifiée, démunie. Dans ses yeux, j'y lisais le supplice et l'espoir que je ne suive pas les ordres de Baralf. Mais comme elle me l'avait si bien dit et répété, mon choix était fait. J'avais pris le fouet, le manche serré dans ma paume et je m'étais avancé vers elle. Dépourvue de vêtements, couverte de tuméfactions, Dani était humiliée et je ne faisais rien pour lui venir en aide. Au contraire, j'accentuais son supplice.

— Je t'en supplie, sanglotait-elle. Gab... pitié... aide-moi... aide-moi...

Elle arborait un regard que je ne pourrai jamais oublier. Mes mâchoires crispées, le cœur battant pourtant de façon si régulière et sereine, j'avais retroussé mes lèvres et, sans un mot de plus, sans même présenter mes excuses, j'avais levé le fouet pour l'abattre sur elle et ce, jusqu'à ce qu'elle soit tellement épuisée, qu'elle ne puisse plus parler.

Je n'avais rien fait pour l'aider et peu de temps après, elle était parvenue à s'enfuir en s'aidant de sa magie, accompagnée de Zerre. Seul Fred avait accepté de rester auprès de moi.





J'ouvre les yeux, le souffle court, quelques perles de sueur sur le front. Je prends quelques instants afin de me situer puis enfin, je me redresse sur le bord de mon lit. Je me masse les globes oculaires, tout en poussant un profond soupir.

— Eh bien, quel joli tatouage tu as là.

Je relève la tête, encore vaseux. Zerre se tient là, vêtu d'une armure de Sentinelle. J'ai compris, Dani et lui se sont engagés afin d'échapper à Baralf. Personne ne met les pieds près de l'Arbre de Vie. Ici, ils sont en sécurité. Mais pour combien de temps ? Je me demande même comment ils ont fait pour convaincre le roi.

— Salut, vieux pote... soupiré-je.

Zerre arbore une esquisse pincée, les bras croisés, appuyé contre l'encadrement de la porte.

TENEBRIS LUMINA : L'Arbre de Vie [INTÉGRALE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant