Chapitre IV

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-Terre en vue ! cria un marin.

Johan, qui était assis sur le pont en lisant un livre sur les anciennes guerres, se leva et observa les côtes de Meridie. Un fin sourire se dessina sur ses lèvres. Ils avaient vaincu une tempête durant leur voyage et voilà qu'il était enfin arrivé. Le bateau s'amarra et il en descendit, remerciant ses compagnons de route. L'homme leur fit un signe de la main alors qu'ils reprenaient leur route, longeant les côtes vers le port marchand. Johan se mit à marcher jusqu'au château de son ami et beau-frère. Il se présenta aux portes et on le laissa entrer, sa visite étant attendue. Johan fut rapidement accueilli par Jin qui lui offrit une accolade.

-Heureux de voir que tu es arrivé sain et sauf ! Comment va Melusine ? demanda-t-il, prenant des nouvelles de sa sœur.
-Aux dernières nouvelles, elle va bien, répondit le lord de Montvono en souriant.
-Et ton fils ? poursuivit Jin.
-Ce brave gamin va bien. Il voulait venir se battre, mais...
-Montvono a besoin d'un lord, continua-t-il.
-C'est cela, en effet, fit Johan en souriant. Et toi ? Comment va ta femme ? Tes deux enfants ?
-Aargh... Siloe n'a pas supporté l'idée que son fils ait été tué par son propre frère. Elle a chuté d'une fenêtre, soupira l'homme. Mais les enfants vont bien malgré les récents évènements.
-J'en suis navre, mon ami... souffla-t-il.
-Les dieux ne nous ont pas épargné, mais je suis certain que c'est pour nous donner la force de combattre nos ennemis jusqu'à la victoire, certifia le lord de Meridie.
-Tu as probablement raison, dit Johan. Alors... Suis-je le seul à avoir répondu à ton appel ? s'interrogea-t-il ensuite.
-Non. Nous sommes tous réunis. Nous n'attendions plus que toi, lui répondit Jin. Va donc prendre un bain, manger et nous nous réunirons ensuite. Tu en as bien besoin vu ton long voyage, poursuivit-il.
-Merci, dit l'homme.

Johan fut amené dans une chambre où trônait une baignoire en étain. L'eau y fut ajoutée tandis qu'il observait la cour du château. C'était une splendide demeure faite de briques beiges, rappelant le sable des plages où il avait été déposer. La cour était gardée par des chevaliers de pierres, entourés de roses rouges. C'était un bel endroit, semblant paisible bien que les discussions de la soirée seraient loin d'être tendres. C'était le début de la Guerre. Elle n'était pas encore déclarée, mais Johan savait que son arrivée signait le début des hostilités. Les soldats seraient envoyés par milliers à Deos et les combats seraient rudes. Ils allaient subir des pertes, mais tous en étaient conscients. C'était ça la guerre. L'espoir, mais aussi son contraire Beaucoup allaient souffrir, mais ils le faisaient pour un avenir meilleur. Les Venom ne pouvaient rester au pouvoir. Ils feraient bien trop souffrir les nouveaux royaumes et leurs peuples. Cela ne pouvait pas se dérouler de la sorte où l'histoire connaitrait une période bien sombre. 

Lorsque le bain fut prêt, il s'y mit et se détendit, essayant de ne plus penser. Il avait besoin de chasser les pensées qui le tourmentaient. Johan mentirait s'il disait qu'il n'avait pas peur de ce que l'avenir allait réserver. Il fallait être fou pour ne pas craindre la bataille qui déciderait du sort du peuple tout entier. De plus, sans peur, le courage ne pouvait exister. Johan poussa un long soupir et plongea sa tête sous l'eau, retenant sa respiration quelques instants avant d'en ressortir. Il se nettoya et s'habilla avant de demander le chemin vers la salle de réunion. Il y fut conduit avant que la servante ne le laisse, ne pouvant entendre leur plan de bataille. Il fut accueilli par les cinq lords présents. Jin Reath de Meridie. Aramis Rotovo de Thalass. Helin Stornald de Terragi, marié à sa sœur, Cassiopee. Basil Wistle de Mesaio. Leni Jagor de Snow. Et, pour finir, Fredrik Trafalgar d'Orien. Tous étaient là, installés à la table, une pinte de vin, de bière ou de rhum devant chacun d'eux.

-Ah ! Te voilà ! Nous n'attendions que toi, Johan ! s'exclama Helin.
-Helin, comment va ma sœur ? demanda-t-il en s'installant à table après s'être servi une pinte de bière.
-Elle se porte comme un charme ! affirma l'homme.
-Ma foi, enfin une bonne nouvelle, souffla -t-il.
-Navré pour ta perte, mon ami. Thera était une bonne petite...

Johan lui offrit un léger sourire, triste avant de le cacher derrière sa pinte, buvant quelques gorges pour se désaltérer.

-Bien ! Maintenant que nous sommes tous réunis, tout d'abord bienvenue et merci d'avoir accepté de faire le voyage jusqu'ici. Je vous en suis reconnaissant, commença Jin. Comme vous le savez déjà tous, Kal a été tué et toute la famille Rexaron pouvant prétendre au trône, sans compter mon fils, Olivio et la fille de Johan, Thera. Nous nous sommes donc tous retrouvés ici, en ce jour, pour parler des alliances que nous allons faire et des plans de batailles que nous allons mettre en place. Il est connu que l'armée des Venom est grande et impitoyable, mais tous ensemble, nous vaincrons sans aucun doute possible, affirma le lord Reath. Commençons par le nombre d'hommes que chacun de nous est prêt à mettre sur le champ de bataille, sans oublier que nos châteaux et nos peuples se doivent d'être protégés aussi.
-Je suis prêt à offrir vingt mille hommes, lance Helin. En soutien au frère de ma femme et la perte de sa nièce. Cela l'a beaucoup attristé, glissa-t-il à Johan. Terragi tout entier a été peiné par la perte du roi et de sa famille. Nous apprécions tous les Rexaron et nous espérons qu'ils sont en paix auprès des dieux.
-La colère a envahi Orien. Nous étions proches de la famille. Ils étaient nos amis et nos souverains. Quinze mille hommes sont mis à votre disposition, lança Fredrik dans la foule.
-Thalass soutient son proche voisin sans conteste. Le Roi Kal, le Juste, est déjà regretté dans nos rues. Douze mille hommes de plus peuvent être compter dans vos rangs, continua Aramis Rotovo.

Alors que les offres se succédaient, un homme entra dans la salle et s'approcha de Leni Jagor. Il lui chuchota des mots à l'oreille, lui donnant un papier scellé. Tous laissèrent le silence prendre place tandis qu'il déroulait le message. Il le lu et soupira doucement.

-Snow se retire, dit-il, surprenant l'assemblée.
-Pourquoi ? Qu'as-tu reçu ? pesta Jin.
-Un espion est à Deos en ce moment même. Je l'y ai envoyé dès que nous avons su pour la chute des Rexaron. Leur armée compte plus de cent mille hommes et il semble qu'ils soient en train de rassembler plus d'hommes encore. Ils auraient engagé cinquante mille mercenaires de ce que je peux lire, expliqua Leni. Qu'avons-nous ? Vingt mille hommes, quinze mille et douze mille. Ca nous fait quarante-sept mille hommes pour le moment. Je ne peux en offrir qu'une poignet, cinq milles. Cinquante-deux mille. À quatre royaumes, nous ne rassemblons qu'un tiers de son armée. Même en donnant chacun vingt mille hommes pour ceux n'ayant pas encore pris la parole, nous serions moins. Cent douze mille hommes, tout au plus. Ils auront toujours trente mille hommes de plus, ce qui n'est pas négligeable.
-La victoire n'est pas impossible, même en étant moins que ces traitres. Ne dit-on pas que vos hommes comptent pour trois du Nord ? Cela ferait donc quinze milles de votre part, en quelque sorte, demanda Jin.
-J'apprécie vos paroles, mais il nous faut rester réalistes, répondit le lord de Snow.
-Voilà la froideur et le pragmatisme du sud, souffla Helin.
-Il en est ainsi. Je ne vous donnerai que cinq mille hommes seulement si ceux-ci veulent se battre. Mes chefs d'arme seront mis au courant de la situation et la décision leur reviendra. Je ne risquerai pas la vie de mes hommes, conclut-il.
-Vous préférerez laisser ces chiens sur le trône ? grogna Fredrik.
-Le sang chaud de l'Orien à présent, s'amusa Helin.
-Nous n'avions qu'un seul roi, élu à la loyale des années auparavant ! Les Venom ont déjà pris le pouvoir une fois et il me semble que les livres d'histoires n'ont dépeint que des moments sombres, livrés au chaos ! C'est ce que vous voulez pour nos peuples ? s'emporta le lord d'Orien.
-Vous voulez que je vous dise ? Je ne suis venu que par courtoisie car Kal était apprécié mais Snow n'est aucunement en danger. Vous savez que mon château est imprenable et que les tempêtes glaciales d'Ateleio auront raison d'eux bien avant que je n'ai à quitter mes remparts, cracha Leni Jagor.
-Lâche ! Vous n'êtes qu'un pauvre imbécile si vous pensez être en sécurité sous leur règne ! continua Fredrik.
-Vous êtes les imbéciles dans cette histoire. Allez vous battre, laissez vos hommes mourir pour une vengeance puérile si c'est ce que vous désirez, mais la famille Rexaron est décimée ! Ils ne reviendront pas au pouvoir et cela ne ramènera pas vos enfants. J'en suis désolé, mais je ne changerai pas d'avis, peu importe à quel point cet idiot me hurle dessus, termina-t-il en haussant les épaules.
-Je préfère être un idiot prêt à me battre, qu'un idiot qui abandonne ! s'énerva Lord Trafalgar.

Leni Jagor ne répondit pas, restant sur ses positions.

-Allons... Calmons-nous, fit Jin qui ne voulait pas voir les royaumes se déchirer entre eux. Il n'est pas nécessaire de nous énerver de la sorte. Chaque homme est important et certes le sous-nombre peut effrayer, mais nous sommes, j'en suis certain, bien plus forts que nous ne voulons l'admettre. Cinq mille, cela reste mieux que zéro. Je vous prierai, lord Jagor, de nous prévenir au plus vite de la décision de vos commandants.

L'homme acquiesça simplement d'un hochement de tête poli.

-Je suis moi-même prêt à mettre onze mille hommes sur le champ de bataille, ajouta ensuite Jin.
-Onze mille, seulement ? fit Basil, surpris.
-Je n'ai malheureusement que peu d'hommes à ma disposition...
-C'est vous qui nous avez appelés, c'est à vous de nous convaincre qu'il faut batailler et onze mille hommes alors que vous êtes l'initiateur de cette rébellion... Cela me semble bien peu. Je ne vois pas pourquoi Mesaio devrait se battre à vos côtés si vous n'êtes pas disposé à y mettre toutes vos forces. Meridie n'a pas qu'onze mille hommes, nous le savons tous, rétorqua le lord Rotovo.
-Et voila ! Un lâche de plus ! cracha Fredrik. Ces Sudistes, tous pareils ! pesta-t-il ensuite.
Ce n'est pas de la lâcheté. Jagor a raison. Jin nous lance de belles paroles sur une victoire qui n'est en rien assurée et il n'offre qu'onze mille hommes ? Ce sont nos hommes qui vont périr dans cette guerre. Peut-être même que si nous perdons, la famine viendra nous guetter, car Deos ne nous approvisionnera pas si la guerre venait à vexer leur ego. Vous savez que les Venom se fichent pas mal du sort des autres. Ils nous laisseront mourir de faim, nobles comme paysans, pour se venger de cette mascarade. Je ne marche pas. Mesaio se retire aussi.
-Vous n'êtes que des sous-merdes, finies à la pisse ! Sudistes de mes deux ! s'emporta à nouveau Fredrik. On se débrouillera sans vous, mais ne comptez sur aucun de nous quand les temps deviendront durs pour vous ! Nous vous laisserons crever comme les chiens que vous êtes, la gueule ouverte !
-Quelle vulgarité, souffla Basil, levant les yeux au ciel.
-Ça suffit, grogna Johan, tapant du poing sur la table. Assez de ces enfantillages ! Nous sommes alliés ! Il est futile de s'énerver de la sorte !
-Alliés ? À ces lâches ? Sûrement pas ! démenti vivement Fredrik.
-Assez, ai-je dit ! S'ils ne veulent pas prendre part à la guerre, c'est leur droit ! Certes, nous manquerons d'hommes et elle n'en sera que plus dure, mais nous déchirer ne nous mènera à rien ! Il nous faut rester soudés face à l'ennemi ! Et pour reprendre sur le nombre de nos hommes, j'en offre vingt-cinq mille. Ils sont déjà tous prêts à se battre et n'attendent que les ordres pour se mettre en marche vers Deos, assura le lord de Montvono.
-Bien ! Refaisons nos comptes, fit Jin. Vingt milles ici, quinze milles, douze milles, onze milles, vingt-cinq milles et potentiellement cinq milles de plus selon ce que nous rapportera lord Jagor. Ca nous fait donc un total de quatre-vingt trois milles de surs et quatre-vingt huit milles sur un peut-être.
-Ils sont le double... Vous êtes perdus. À croire que vous êtes tous devenus fous, cracha le lord de Mesaio en se levant. Je n'ai plus à prendre part à ces discussions.

L'homme sortit de la salle sans demander son reste, ne laissant plus que six lords sur sept.

-Bien... souffla le lord de Meridie. Nous devrions maintenant discuter de la stratégie la plus adéquate pour reprendre Deos aux imposteurs.
-Mes hommes peuvent directement partir de Montvono et descendre vers Deos. D'ailleurs, vos hommes, dit-il à Stornald, pourraient venir à la rencontre des miens. Nous prendrions l'arrière du château avec les hommes de Trafalgar, tandis que Thalass et Meridie pourraient envoyer leurs hommes par la mer avec des bateaux dotés de catapultes. Ils seraient pris de toutes parts. Si nous faisons ça bien, ils ne nous attendront pas et le temps qu'ils réalisent, il sera déjà trop tard pour les Venom. Nous pourrons prendre l'ascendant grâce à la surprise. Laissons le soin à nos généraux et nos commandants de préciser les tactiques d'approches et d'assauts, proposa Johan.
-Cela me semble être une bonne idée. Nous avons trente bateaux à disposition pour une approche par la mer, répondit Aramis Rotovo.
-Meridie peut en ajouter vingt. Cela fait une flotte de cinquante bateaux, ajouta le lord Reath.
-Nous pouvons rajouter cinq bateaux capables de porter mille hommes pour soutenir les vôtres, laissant dix mille hommes avec Terragi et Montvono, lança Fredrik.
-C'est un bon début. Parlons-en à nos chefs des armées et dès que nous seront prêts et réunis, nous pourrons lancer l'assaut et reprendre ce maudit trône, conclut Helin.

Snow ne prononça pas un mot, écoutant leur stratégie qui ne lui semblait pas être mauvaise, mais il préférait rester en retrait puisque ses hommes n'étaient pas confirmés. Ils signèrent ensemble un contrat, scellant leur alliance. Le lord Jagor se laissa la réserve de ne pas y prendre part puisqu'il n'avait pas de réponse concrète. Étant maintenant tous d'accord, ils envoyèrent tous un message chez eux pour préparer la guerre. Tous savaient que ce n'était pas gagné vu qu'ils comptaient moitié moins que l'armée des Venom en comptant ces mercenaires recrutés, mais ils avaient foi en eux et en leur stratégie. Pas gagné, mais rien n'était perdu pour autant. Ensemble, ils pouvaient le faire. Les Venom allaient se faire surprendre en pleine nuit, tout comme ils l'ont fait avec les Rexaron. Ils s'étaient mis d'accord sur la pleine lune suivant la prochaine, leur laissant un peu plus d'un mois pour se préparer et se rassembler. Ils n'avaient pas besoin de plus de temps. Tous ne voulaient pas vivre sous le règne des Venom qu'ils savaient nocif. Ils ne voulaient ça pour personne et tous ces lords étaient bien décidés à remettre de l'ordre. Ils n'avaient aucunement discuté de qui prendrait le trône une fois Tiphon mort, mais cette décision pouvait attendre. Il fallait gagner la guerre avant tout. Et puisque la marche à suivre avait été choisie, chacun pouvait rentrer chez lui pour se préparer eux aussi. Johan venait d'arriver et il savait qu'il perdrait un temps fou à rentrer chez lui. Il préféra donc rester aux côtés de Jin, décidant de prendre la mer avec lui et ses soldats. Il ne serait pas avec ses hommes, pas directement, mais il les retrouverait bien vite et rentrerait victorieux. C'était ce qu'il désirait le plus. Vaincre et rentrer chez lui, auprès de ceux qu'il aime et qui l'aiment. Alors qu'il était dehors, marchant entre les roses, il fut retrouvé par Jin qui lui offrit un sourire.


-Ne t'inquiète pas, mon ami... Nous vaincrons les imposteurs et reprendrons le trône, lui dit-il, gardant ce sourire confiant sur les lèvres.


The Lost Kingdom [EN COURS]Where stories live. Discover now