Chapitre LXI

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La troisième vague de Montvono avait fait son apparition dans la matinée. La rébellion avançait à merveille et le deuxième rempart était terminé. Cependant, ils avaient besoin de défense en cas d'attaque. Nyala trouvait qu'ils étaient chanceux que leur existence et leur position soient encore inconnues de leurs ennemis mais il fallait s'y préparer malgré tout. Ils avaient donc commencé à construire un deuxième mur au second rempart pour qu'ils puissent se poster là-haut et défendre leur camp qui prenait petit à petit des allures de village. Pendant qu'ils s'attelaient au rempart, un temple avait été construit. La taverne était en construction tandis que d'autres étaient occupés à faire des maisons puisqu'ils accueillaient des familles. Il y avait à présent une dizaine d'enfants qui courraient partout, jouant ensemble. L'un d'eux ne regardait pas où il allait, se faisant poursuivre par un autre et il fonça dans les jambes de Nyala qui l'attrapa par le bras pour lui éviter une chute douloureuse.

-Pardon ! s'exclama le jeune garçon.
-Ce n'est rien, dit-elle amusée. Mais file, elle va t'attraper sinon.

L'enfant se tourna et vit son amie arriver donc il se remit à courir comme si sa vie en dépendait. Nyala secoua la tête amusée avant de poursuivre son petit tour des chantiers en cours. La taverne était bientôt finie et les maisons avançaient toutes à leur rythme. Certaines étaient proches de la fin, d'autres en cours et les dernières à peine commencées mais cela prenait vraiment forme. La rébellion avait des allures de village à présent bien que c'était encore loin d'être suffisant. Derrière le second rempart, ils continuaient de construire les logements des futurs arrivants de Montvono et d'autres potentielles arrivées d'ailleurs. Nyala voulait que tous aient un lit lorsqu'ils seraient en leur compagnie. Il était important qu'ils aient un endroit où dormir et se sentir bien. 

Ayant terminé son tour du camp, elle retourna travailler, aidant sur le rempart. D'autres s'occupaient de construire des échelles qui seraient du côté des dortoirs pour qu'ils puissent grimper là-haut rapidement en cas d'attaque. Il n'y avait aucune menace à l'horizon mais il valait mieux être trop prudent que pas assez. Elle aidait donc à la construction du second mur qui se trouvait à un mètre environ du premier. C'était du travail en plus mais elle était certaine que cela ne serait que bénéfique par la suite. De plus, ils avaient trois cents paires de mains supplémentaires bien que les nouveaux arrivants, comme à chaque nouvelle vague, avaient le droit de rester tranquille en cette journée pour se reposer mais certains mettaient tout de même déjà la main à la pâte. Montvono avait envoyé tout type de personnes : combattants, charpentiers, agriculteurs, fermiers, palefreniers, ... Ceux qui venaient de Terragi allaient donc pouvoir bientôt rentrer chez eux mais certains semblaient tenir à rester pour donner toute l'aide possible, ce qu'elle trouvait admirable. Quelques uns avaient même proposé de revenir après avoir été chercher leur famille. Finalement, ils avaient appris à aimer vivre ici et s'étaient fait des amis. Ils n'avaient donc plus tellement l'envie de partir et cela faisait plaisir à Nyala. C'était la preuve que la rébellion avait une bonne cohésion et que tout fonctionnait correctement. Il arrivait qu'il y ait des disputes causées par des désaccords mais cela se réglait assez rapidement. D'ailleurs, la cheffe tourna la tête en entendant des gens crier un peu plus loin. Elle les observa et deux hommes semblaient contrariés, n'acceptant pas la façon de faire de l'autre. Ils commencèrent à se bousculer et elle descendit rapidement de l'échafaudage pour s'en occuper. Lorsqu'elle arriva à leur hauteur, l'un mit un coup à l'autre, le faisant tomber au sol.

-Ca suffit ! s'exclama-t-elle. Vous arrêtez ça, tout de suite. Les problèmes ne se résolvent pas tous par la violence, grogna-t-elle ensuite alors qu'elle aidait celui au sol à se relever.
-C'est lui qui a commencé ! râla celui toujours debout.
-Peu importe ! Discutez mais ne vous frappez pas ! rétorqua-t-elle fermement. Demande-lui pardon, ordonna-t-elle ensuite.
-Ah ça, non ! C'est lui qui m'a bousculé en premier ! affirma l'homme.

Nyala leva les yeux au ciel en entendant ces paroles.

-À croire que j'ai à faire à des enfants, soupira-t-elle. Il faut que je vous sépare, c'est ça ? dit-elle ensuite, les traitants comme tels. Chacun dans leur petit coin pour pas se taper dessus ?
-Rah ! Ca va ! Désolé, grogna-t-il avec aucune sincérité. 
-Ouais, c'est bon, souffla l'homme. Connard, marmonna-t-il ensuite en reprenant son travail.
-Abruti, souffla l'autre.
-Coquebert, continua-t-il.
-Boursemolle, poursuivit celui qui avait frappé.
-Quoi ?! grogna-t-il. Alors toi ! fit-il en levant le poing. 
-Il faut que je vous punisse dans un coin pour que vous réfléchissiez à vos conneries ?! s'énerva Nyala, désespérée par leur comportement.
-Non, grognèrent-ils en chœur alors qu'ils pouvaient entendre des rires provenant des autres, amusé par cette situation.

Les deux hommes reprirent leur travail sans plus s'adresser la parole ni d'insultes. Nyala leva les yeux au ciel, retournant à son travail. Elle grimpa sur l'échafaudage et reprit ce qu'elle faisait. Pendant que ceux qui étaient en hauteur travaillaient, d'autres s'occupaient du bas du second mur terminé. Ils y mettaient des piques pour empêcher les potentiels ennemis de grimper par-dessus pour attaquer de l'intérieur. Nyala savait qu'en cas d'attaque, les habitants seraient à l'abris derrière le deuxième rempart, évitant trop de perte. Il était donc important qu'ils ne puissent pas passer le rempart. 

Après quelques heures à travailler, la soirée approcha, le soleil commençant à se coucher. Petit à petit, les gens quittaient leur poste, comme d'habitude à la tombée de la nuit. Nyala descendit à son tour, après avoir terminé d'emboiter un rondin à un autre. Tous se regroupèrent derrière le rempart pour le festin mensuel. Ils mangeaient déjà bien et faisaient la fête tous les soirs mais à chaque nouvelle vague de Montvono, ils les accueillaient avec des tables remplies de nourriture pour tous. Surtout que le lord Meron prenait le soin de les envoyer, à chaque fois, avec beaucoup de nourriture, de l'eau et du matériel pour leurs constructions. Ils avaient donc tout ce qu'il fallait et les terres qu'ils cultivaient allaient bientôt donner quelque chose d'exploitable tandis que les potagers fleurissaient et offraient de la nourriture. Tout était parfaitement coordonné et personne ne manquait de rien. Elle s'installa donc à table, Garmen à sa gauche et Kassandra à sa droite. 

-Tu m'as l'air soucieux, fit Nyala en observant Garmen.
-Oh, ce n'est rien, souffla-t-il doucement. C'est juste que mon frère était supposé nous rejoindre et il n'est toujours pas là, expliqua-t-il en haussant les épaules.
-T'avait-il donné un moment d'arrivée ? demanda-t-elle en posant sa main sur son épaule.
-Non... Il m'a simplement dit qu'il viendrait mais qu'il ne savait pas quand il le pourrait, répondit le bras droit.
-Alors ne t'en fais pas. Peut-être essaie-t-il de faire venir le plus de rebelles avec lui ? Après tout, je suis certaine qu'il veut t'impressionner et te montrer qu'il ne vient pas les mains vides, dit-elle en essayant de le rassurer.
-Il est vrai que cela lui ressemble... souffla Garmen avant de sourire. Je ne devrais pas m'inquiéter de la sorte.
-Tu as le droit de t'en faire pour lui, rétorqua-t-elle. C'est ton petit frère après tout, poursuivit-elle en souriant.
-Certes mais tu as certainement raison. Il est inutile qu'il vienne seul alors qu'il peut rassembler des rebelles à Orien. Il arrivera avec une armée de combattants, dit-il ensuite amusé.
-Exactement ! Nous vaincrons Venom grâce à ses efforts, continua-t-elle sur le même ton.

Garmen eut un petit rire, regardant ensuite Nyala, lui souriant.

-Merci, souffla-t-il, ayant retrouvé un peu de sa bonne humeur.
-C'est à ca que servent les amis, affirma-t-elle en venant l'étreindre brièvement, un bras sur ses épaules.

Le jeune homme hocha la tête et il commença enfin à manger, son esprit un peu plus apaisé. Nyala poursuivit son repas alors qu'elle sentait le regard de Kassandra sur elle. Elle tourna la tête, haussant un sourcil. La rebelle détourna le regard, faisant sourire la cheffe qui secoua légèrement la tête. Le festin terminé, l'heure était à la fête. Nyala, Garmen et Kassandra trinquèrent ensemble avant de s'adonner à un concours de boisson. Garmen termina en premier, Nyala une gorgée après lui tandis que Kassandra avait un peu plus de mal à suivre. Les deux l'observaient terminer sa pinte, amusés. La jeune femme demanda une revanche, n'étant simplement pas prête. Les deux acceptèrent amusés et le résultat changea mais pas pour Kassandra. Nyala termina à peine avant Garmen, quasi à exæquo tandis que la rebelle finissait encore grande dernière.

-Aaarh ! C'est pas juste, grogna-t-elle en tapant sa pinte vidée sur le bord du tonneau.
-T'es pas rapide mais tu tiens bien, c'est déjà ça, lança Garmen en riant. Bon, je vais danser moi ! s'exclama-t-il ensuite en s'éloignant en dansant déjà, faisant rire Nyala qui posa ensuite les yeux sur Kassandra. 
-T'es pas douée à ce jeu mais tu as pleins d'autres talents, affirma-t-elle en souriant.
-Je peux te les montrer, rétorqua-t-elle confiante, un sourire en coin.
-Dans quelques verres, plaisanta la jeune femme qui replongea sa pinte dans le rhum. Allons danser aussi, proposa-t-elle ensuite en rejoignant le groupe qui bougeait au rythme de la musique.

Kassandra l'observa quelques secondes, se mordant la lèvre avant de la rejoindre. Elles dansèrent ensemble et une femme rejoignit les musiciens, chantant la chanson que les rebelles avaient écrit sur Venom. Tous chantèrent donc ensemble.

"Oh notre bien aimé roi Venom, ce gentil homme, ..."

Tous tapèrent dans leurs mains, s'acclamant amusés de leur prouesse vocale qui était en réalité ignoble mais cela les amusait. Du coin de l'œil, elle put même voir les deux hommes qui s'étaient disputés plus tôt, rire ensemble, bras dessus, bras dessous ce qui la fit sourire. Nyala avait terminé son verre, en renversant la moitié en dansant. Elle alla donc recharger son verre. Kassandra la suivit, terminant sa pinte sur le chemin. Elles remplirent leur contenant avant de trinquer à nouveau ensemble. 

-Combien de verre te faut-il encore ? demanda la rebelle, flirtant ouvertement avec la cheffe.
-Hmmm... Cinq, plaisanta Nyala en la regardant alors qu'elle venait déjà de descendre la moitié de celui qu'elle avait dans la main.
-Cinq ? C'est beaucoup, souffla-t-elle, ronronnant à son oreille alors qu'elle s'était approchée le plus possible.
-J'ai une bonne descente, rétorqua la cheffe en posant sa main dans le bas de son dos.
-Ah oui ? Fais-moi voir ça, chuchota Kassandra à son oreille avant de la mordiller.

Nyala laissa un petit soupir lui échapper, la pressant contre elle de sa main dans son dos. Kassandra glissa ses lèvres dans son cou, l'embrassant sensuellement. La cheffe remonta sa main, la glissant dans ses cheveux tandis qu'elle continuait ses baisers brûlants. 

-Je ne peux pas boire si tu fais ça, souffla Nyala, un petit sourire en coin.

Kassandra se recula, le même sourire aux lèvres. Elle apporta sa pinte à sa bouche sans la quitter des yeux, buvant avec Nyala alors qu'elle restait contre elle. Les doigts de la cheffe avaient quitté ses cheveux pour revenir dans son dos. Kassandra, elle, avait posé sa main libre sur la hanche de Nyala, la serrant légèrement. 

Cela faisait plusieurs semaines que ce petit jeu durait. Elles flirtaient et s'embrassaient mais ça n'allait jamais plus loin. Nyala était toujours trop pleine pour cela. Elle s'endormait très souvent ce qui amusait Kassandra mais la frustrait aussi. Elles n'en parlaient jamais durant le jour et recommençaient leur jeu durant la nuit. Le désir bouillonnait en elle alors que Nyala semblait parfaitement s'en porter. Il lui arrivait même de se demander si elle se souvenait de leurs soirées mais Kassandra préférait ignorer cette possibilité. Après tout, elle ne la forçait à rien donc elle n'avait pas à se sentir mal. Nyala pouvait la repousser à n'importe quel moment mais elle ne le faisait jamais.

Alors qu'elles avaient descendu plusieurs verres, Kassandra revint chuchoter à son oreille.

-Cinq, souffla-t-elle amusée.
-Tu comptes très bien, la taquina Nyala.
-Je peux même compter jusqu'à dix, rentra-t-elle dans son jeu.
-Et jusqu'à quinze ? continua la cheffe.
-Même jusqu'à trente, poursuivit Kassandra.
-Ouuh, impressionnant, s'amusa-t-elle avant de glisser sa main sur sa joue. Je t'ai déjà dit que tu étais vraiment jolie ? demanda-t-elle en souriant.
-C'est pas la première fois mais tu peux me le dire autant que tu veux, affirma-t-elle amusée.
-Et bien, dans ce cas, tu es vraiment jolie, dit-elle sur le même ton.

Kassandra eut un petit rire avant de se mordre la lèvre alors qu'elle ne la quittait pas des yeux. Elles se regardèrent un instant, se perdant dans le regard de l'autre avant qu'elle ne puisse plus résister davantage. Kassandra approcha ses lèvres des siennes, les frôlant sensuellement. Nyala la laissa faire, sentant son souffle alcoolisé se mêler au sien et elle fit le premier pas, venant l'embrasser passionnément. Elles échangèrent donc un baiser brûlant de désir, leurs mains se baladant sur le corps de l'autre. Kassandra glissa ses doigts sur le ventre de la cheffe, sentant sa peau frissonner à son contact. Nyala se laissait aller, partageant ce moment sensuel avec Kassandra qui allait très certainement se finir dans sa tente. 

-Franchement, les Venom ils sont nuls ! Ils ont quand même pas réussi à buter une gamine, dit un homme qui passait à côté.
-Une pauvre petite princesse. Ca m'étonne pas en soi. À l'époque, ils ont pas réussi à tuer le prince et c'est sa descendance qui a reprit le trône, expliqua celui qui l'accompagnait.
-Ah bah peut-être que c'est Rhiannon qui va le reprendre cette fois ! s'exclama-t-il amusé.
-N'importe qui tant que c'est pas les Venom, rétorqua-t-il ensuite.

Nyala avait capté des morceaux de cette conversation mais surtout le prénom qui était ressortit. Elle se recula de Kassandra, secouant légèrement la tête. 

-Ca ne va pas ? J'ai fait quelque chose ? demanda la rebelle, surprise qu'elle la repousse de la sorte, sans raison apparente.
-Je... Non. Tu n'as rien fait. Je suis juste fatiguée, dit-elle, ne voulant pas la blesser. 
-Tu veux que je te ramène à ta tente ? proposa Kassandra, légèrement inquiète.
-Non, ça va. Merci. Va t'amuser, dit-elle simplement en s'éloignant, titubant jusqu'à sa tente.

Nyala se laissa tomber dans son lit, à plat ventre et elle poussa un long soupir. Elle se trouvait stupide. Elle n'aimait qu'une seule personne sur cette terre et elle n'était pas là. Elle comblait ce vide de plusieurs manières mais ça n'était pas sain. Ni pour elle, ni pour Kassandra. Chaque matin, elle se réveillait en ayant oublié ce qu'il s'était passé la veille, tellement alcoolisée. Cependant, cette soirée, elle allait probablement s'en souvenir. Travailler et boire à outrance, ça ne la regardait qu'elle mais elle impliquait Kassandra qui avait des sentiments pour elle et ce n'était pas juste pour la jeune rebelle. Elle s'en voulait. Nyala avait l'impression d'avoir trahi Rhiannon et elle utilisait Kassandra pour combler le vide qu'elle avait laissé. Certes, sur le moment, elle s'était sentie bien et cela lui était agréable d'avoir de la compagnie mais elle savait que ça ne mènerait à rien. Elle se sentait horrible à cet instant. Elle allait briser le coeur de Kassandra et Rhiannon... Elle ne savait pas comment elle pourrait réagir si elle apprenait cela. En un sens, elle n'avait rien à dire puisqu'elles ne formaient pas un couple et en même temps, Nyala avait surtout peur de voir de la déception sur son visage. Peut-être même que cela pourrait ruiner toutes ses chances avec la princesse alors qu'elle était la seule à ses yeux. Kassandra n'était que le bouche-trou qui amenuisait légèrement sa peine, le temps d'une soirée. Bien que dans le fond, Nyala s'accrochait à Rhiannon mais peut-être qu'elle gâchait tout ce temps à penser à elle alors qu'elle était passée à autre chose depuis belle lurette mais c'était différent. Rhiannon la pensait morte alors que Nyala décomptait les jours qui la séparait de son futur voyage à Meridie. Elle se rendait bien comptait qu'elle agissait n'importe comment, ignorant les conséquences de ses actes, aidée par l'alcool qu'elle ingurgitait chaque soir, pour combler le vide laissé par Rhiannon et son absence qui la pesait. Elle grogna à toutes ces pensées alors qu'elle laissait des larmes couler sur ses joues.

-Tu me manques tellement, souffla-t-elle, pensant à voix haute, la tête toujours dans son coussin.

The Lost Kingdom [EN COURS]Where stories live. Discover now