Chapitre XXXVIII

14 5 0
                                    

Un homme était attaché par les poignets, des chaînes le suspendant au mur. Il faisait froid et humide dans la cellule de l'homme. Des rats se baladaient, rasant les murs. Du sang coulait sur son torse dénudé, son visage était tuméfié et ensanglanté. Il était évident qu'il s'était fait torturer à plusieurs reprises dans un court lapse de temps. Le visage baissé, il essayait de garder ses esprits. Il marmonnait des mots que seul lui pouvait comprendre tant c'était faible, à peine audible. Une porte s'ouvrit dans le couloir qui menait à sa cellule. Il ne bougeait pas, continuant de bredouiller. Quelqu'un s'arrêta devant sa grille. Il s'arrêta de parler, levant la tête. L'homme qui se tenait debout, une torche à la main pour s'éclairer, ouvrit la porte et entra. Il se mit face à celui qui était enchaîné et posa sa torche.

-Nous y revoilà, dit-il en souriant. Comptes-tu rester silencieux encore longtemps ? demanda-t-il ensuite.

L'homme le fixait dans les yeux, ne prononçant pas un seul mot. 

-J'ai les moyens de te faire parler, tu sais ? Pourquoi continuer ce jeu idiot ? Tu pourrais sortir et respirer l'air frais, souffla l'homme libre.

Il restait silencieux, ne le quittant pas du regard. L'homme refusait de parler et il comptait bien rester sur ses positions.

-Je suis ton lord, tu es l'obligation de me répondre, s'impatienta-t-il.
-Tu n'es pas mon lord, imposteur, grogna finalement le prisonnier.
-C'est qu'il parle, s'amusa l'homme avant de le frapper d'un bâton qu'il prit dans un coin de la pièce.

Celui qui était attaché gémit de douleur mais il replongea son regard dans le sien, serrant les dents.

-Jordin était mon lord. Sale chien, lui lança-t-il avant de se voir infliger un autre coup.
-Jordin est mort. Tiphon m'a nommé lord d'Orien. Je suis ton lord ! s'exclama-t-il en le frappant à nouveau.
-Un imposteur qui complote avec un autre. Rien de plus. Tu n'as jamais été, tu n'es pas et ne seras jamais mon lord ! rétorqua-t-il avec conviction.

Alin eut un sourire amusé qui s'effaça juste avant qu'il ne le batte à nouveau.

-Peu m'importe ce que tu peux dire ou penser à mon propos. Tu vas me dire qui sont les rebelles ! Tu vas me donner leurs noms, un à un ! affirma-t-il en venant le frapper encore.

L'homme eut un sourire, le fixant toujours, refusant de détourner le regard. Il ne parlerait pas. Il préférait mourir que de donner le nom de ceux qui désiraient fuir Orien pour rejoindre la rébellion. Il ne lui dirait rien. Le prisonnier savait qu'il mourrait qu'il parle ou non. Il préférait donc être la seule victime. Un martyr de la rébellion. Il ne les balancerait pas. Jamais. Très peu acceptaient réellement Alin comme nouveau lord, d'autant plus que tous savaient qu'il était à l'origine de la mort de Jordin et ils l'avaient vu assassiner sa tante sans aucune honte, aucun remord. Ceux qui désiraient quitter Orien avaient de bonnes raisons de le faire. Ils avaient l'espoir que la rébellion ne s'était pas réellement éteinte et que quelque part, quelqu'un poursuivait l'œuvre de Jordin. De plus, même s'il s'avérait que ce n'était pas le cas, ils monteraient leur propre rébellion et ils vengeraient Jordin, leur lord légitime parti bien trop tôt. Ils reprendraient le trône comme il le souhaitait pour que les royaumes soient enfin en paix. Ils refusaient de se soumettre à ce roi de pacotille et à un traître. Ils valaient mieux que ça et ils le savaient. Les habitants d'Orien avaient toujours soutenu les Rexaron, ils avaient soutenu Fredrik, s'étaient battus à ses côtés une décennie plus tôt et ils avaient soutenu Jordin dans sa quête. Ils souhaitaient continuer sur cette lancée. Tiphon serait évincer du trône et quelqu'un le remplacerait. Quelqu'un de bien, d'honnête, de bon, de juste. Quelqu'un qui méritait cette place. Pas cette vipère. Les neuf royaumes allaient être en paix. Ce jour n'était peut-être pas encore arrivé mais il viendrait. C'était pour cette raison que l'homme refusait de parler. Il garderait le silence. Il se sacrifierait pour ses pairs. Il allait donner sa vie pour que la nouvelle rébellion puisse perdurer. 

Alin le frappait encore et encore, répétant toujours les mêmes questions mais l'homme, têtu, tenait bon. Il souffrait mais se taisait. Il continuait de le regarder dans les yeux, signe de provocation. Il n'en démordait pas. Le lord avait beau y aller toujours plus fort, il constatait que cet homme ne dirait rien. Un villageois avait rapporté à Alin qu'un garde lui avait parlé d'une rébellion et qu'il lui proposait donc de la rejoindre pour pouvoir quitter Orien une fois celle-ci au complet. Il avait donc fait arrêter l'homme et depuis une semaine déjà, il le torturait jour après jour, des heures durant mais il refusait catégoriquement de parler. Il perdait patience. Il frappa une énième fois avant de soupirer, passant une main dans ses cheveux blonds.

-Puisque c'est comme ça. Tu as gagné, espèce de fou. Ta place sera sur l'échafaud, lança-t-il avant de soupirer, lâchant son bâton qui tomba au sol.

Le lord d'Orien quitta la pièce. Il fit rassembler la population sur la grande place où se tenait l'estrade. Il fit détacher le prisonnier et il demande à ce qu'il soit amener à ses côtés. Les vagues d'exécutions étaient devenues une habitude. Cela faisait un moment qu'il tuait à tour de bras les pauvres personnes qui refusaient d'accepter son règne. Ils ne le voyaient pas comme leur chef et refusaient de l'admettre comme tel. Leur fierté et leurs valeurs les menaient à leur perte mais ils l'acceptaient. Jamais ils ne se soumettraient à un traître. Telle était leur vision. Alin l'avait bien compris. Il connaissait les habitants du royaume. Il savait qu'il n'en tirerait rien. Gouverner par la peur ne fonctionnait pas avec tous, comme ce soldat par exemple. Il ne parlerait pas mais il espérait que son exécution ferait parler d'autres. Il se doutait qu'une rébellion se mettrait en marche mais il ne l'avait appris que très récemment. Cela l'avait mis en colère et il avait donc décider de faire une chasse aux rebelles mais jusque là, cet homme était le seul qu'il avait et il ne disait rien donc il n'en savait pas plus mais peut-être que s'il faisait peur aux autres, il en saurait plus. C'était ce qu'il espérait en exécutant cette manœuvre.

-Cher peuple d'Orien. Aujourd'hui, nous voilà réunis à nouveau ici. Un traître se trouve parmi nos soldats et il n'est pas le seul. Une rébellion s'est formée. Je sais que plusieurs d'entre vous, ici, en font parti. Sachez que nous vous trouverons tous jusqu'au dernier et que vous prendrez à votre tour cette place. Cependant, comme je suis un homme généreux, je vous laisse une opportunité pour ne pas finir comme cet homme, dit-il alors que le prisonnier était placé, prêt à être exécuté. Je vous laisse l'occasion d'arrêter vos manigances et de venir me donner des noms. Je vous laisserais la vie sauve en échange de ces personnes. Ne doutez pas de mes paroles. Votre vie en dépend, retenez-le. De plus, il est de votre devoir de dénoncer tout ceux qui pourraient vouloir comploter contre moi. Je vous le rappelle, je suis votre lord légitime. Jordin n'est plus. Il est temps pour vous de faire face à cette réalité et de l'accepter. Je suis votre lord et vous me devez respect et fidélité !

Alin sortit son épée de son fourreau et la leva.

-Une dernière parole ? demanda-t-il.
-Ne dites rien ! Vive la rébell...

Le lord n'attendit pas qu'il ait fini, agacé par ces mots. Il lui trancha la tête et elle tomba au sol, roulant sur celui-ci. Personne n'était plus choqué par ces morts. Ils avaient l'habitude depuis qu'Alin était au pouvoir. Toutes les semaines, c'était pareil. 

Une femme dans l'assemblée pleurait malgré tout. Cet homme était son cher et tendre mari. Elle était dévastée par sa perte mais elle savait que cela était un risque lorsqu'ils avaient accepté de rejoindre les rebelles d'Orien. Elle connaissait ses convictions et malgré la douleur qu'elle ressentait, elle était fière de celui qu'elle aimait. Il avait tenu jusqu'au bout et il était resté fidèle à ses valeurs. Elle était en colère aussi. Ce lord de pacotille, cet imposteur, ce traître, ce bâtard... Cela ne la renforçait que davantage dans l'idée que cette rébellion était nécessaire. Jamais, ô grand jamais, ils n'accepteraient cet homme horrible pour leader. Il n'était rien ni personne pour eux. Plus depuis qu'ils savaient ce qu'il avait fait pour atteindre cette place.

Un homme s'approcha d'elle et posa une main sur son épaule. Elle tourna la tête pour le regarder et il lui sourit tristement. Elle lui rendit, ses larmes coulant encore sur ses joues rosées. Il l'emmena ensuite loin de la place. Ensemble, ils retrouvèrent d'autres personnes. Un groupe d'une bonne vingtaine de personnes. Ils s'étaient rassemblés, prêts à quitter ce royaume abandonné par les dieux. Ils refusaient de rester là davantage et de risquer de mourir à cause de personnes qui les vendraient à Alin. Ils étaient donc présents, prêts à recevoir les ordres qui mèneraient à leur départ.

-Merci d'être tous venus, souffla celui qui était à la tête du groupe. Nous avons perdu un être cher aujourd'hui. Un mari et un ami loyal. Nous ne laisserons pas un sale chien nous donner à cette enflure. Il en est hors de question. Cette exécution est le signe qu'il est temps pour nous de nous en aller. Rassemblez vos affaires, le nécessaire. Oubliez le superflu. Nous n'aurons que nos jambes pour nous porter et nous ne savons pas encore où aller. Jordin allait vers le nord de Ponenterra. Nous supposons donc que s'il y a eu des survivants, ils y sont. Nous ne savons pas où mais nous chercherons jusqu'à les retrouver. S'ils ne sont plus alors nous la reconstruirons. Nous ne laisserons pas la mémoire de Jordin périr. Hier, aujourd'hui et demain, jamais nous ne serons soumis ! Rentrez chez vous, ne vous faites pas remarquer et retrouvons nous lorsque la lune sera haute dans le ciel. Nous quittons Orien dès ce soir. Je sais que cela n'est pas chose facile. Vos familles et vos amis vous manqueront, il est certain mais vous les retrouverez lorsque Orien et les autres royaumes seront libres !

Discrètement, ils lancèrent un cri chuchoté, levant le poing vers le ciel. Ils étaient tous prêts à s'en aller. Ce n'était pas sans peine mais ils savaient tous que c'était nécessaire. Ils refusaient d'abandonner Orien à son sort. Jamais. En un sens, ils n'avaient pas le choix mais c'était dans le seul et unique but de libérer leur royaume de la dictature imposée par le cousin traître. Ils reviendraient et libèreraient ceux qu'ils aimaient. Tous quittèrent le lieu de réunion, rentrant chez eux comme si de rien était. Ils prirent des vêtements, de la nourriture, des armes et ils retournèrent dans les rues, se cachant des gardes qui patrouillaient. Certains étaient avec Alin. Tous n'étaient pas contre lui malgré les horreurs qu'il faisait vivre à Orien et son peuple. Certains respectaient le fait qu'il ait réussi à atteindre cette place de lord, peu importe les moyens. Certains le craignaient trop que pour oser s'en prendre à lui. Certains avaient la même façon de penser tordue que le lord. 

La lune était haute dans le ciel, brillant de toute sa splendeur. Peu à peu, les rebelles se retrouvaient à leur lieu de rendez-vous. Lorsque tout le monde était là, ils se dirigèrent vers les portes de la ville. Ceux qui la gardaient leur ouvrirent, étant membres de la rébellion. Alin avait finalement choisi le bon moment pour exécuter leur ami. L'occasion était parfaite. Alors qu'ils s'avançaient, ils entendirent tout un groupe de personnes arriver dans leur dos.

-Arrêtez ! cria un homme.

Les rebelles sortirent leurs armes, prêts à se défendre et à se battre pour quitter leur maison. Ils ne se laisseraient pas capturer sans tout donner. Plutôt mourir que de se rendre. Alors qu'ils avaient leurs armes à la main, ceux qui leur avait sommé de s'arrêter ne firent rien. Ils se regardèrent donc, intrigués.

-Est-ce que vous avez encore de la place ? demanda celui qui avait crié. 

Tous soufflèrent, rassurés. La rébellion rangea ses armes. Celui qui commandait le groupe leur fit signe de les rejoindre et une trentaine de personnes s'approchèrent. Ils étaient un groupe de vingt au départ et voilà qu'ils étaient maintenant une cinquantaine. L'homme savait qu'ils allaient devoir se séparer en plusieurs groupes puisqu'ils étaient bien trop visible en étant un tel nombre mais il s'en fichait pour l'instant. L'important était de s'éloigner d'Orien le plus rapidement possible pour ne pas laisser le temps à Alin de le découvrir et qu'il puisse envoyer des hommes à leur recherches. Ils étaient donc hommes, femmes, jeunes et vieux à marcher vers une destination inconnue. Ils savaient qu'ils allaient vers le nord, c'était la seule indication. Pour l'heure, ils devaient avancer. C'était tout ce qui comptait pour eux. Aucun ne se retourna. Ils avaient le cœur lourd mais ils le faisaient pour Orien. 

The Lost Kingdom [EN COURS]Waar verhalen tot leven komen. Ontdek het nu