Chapitre XVII

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Un soldat sur son cheval s'approchait du château, se faisant hurler dessus par les habitants du royaume. La révolte battait son plein dans les rues de Deos. "Assassins, meurtriers, monstres, bâtards, sales chiens"... Les insultes fusaient de toutes parts. L'atmosphère était remplie de haine et pour cause, ils avaient commencé par le royaume lui-même. Des jeunes femmes, ayant la vingtaine, les cheveux bruns et les yeux bleus, s'étaient faites sortir de leurs lits en pleine nuit, s'étaient vues arracher à leurs parents, à leurs maris pour ensuite se faire massacrer. Venom avait commencé par faire le nettoyage dans ses propres rues, désireux d'éliminer la menace qui planait sur lui. Cependant, cette purge s'était étendue dans les contrées de Ponenterra et continuaient. Cela faisait un mois que ça avait commencé déjà et ils étaient loin d'avoir fini puisque cette maigre description était commune. 

L'homme de rang entra dans l'enceinte du château et il se retrouva rapidement devant le roi Tiphon qui semblait songeur alors qu'il entendait les cris d'insurrection qui provenaient de l'extérieur tant ils étaient nombreux à être indignés par ce qu'il se passait. Le soldat se mit sur un genou pour démontrer son respect au souverain.

-Quelle nouvelle m'apportes-tu ? souffla le roi après quelques longues secondes de silence.
-Mon roi, nous avons éliminé énormément de jeunes femmes. Trois cents environ, déclara-t-il d'abord. Cependant, nos hommes commencent à être réticent à cette idée. Nous ne savons pas pourquoi nous le faisons, dit-il ensuite plus timidement.
-Seriez-vous en train de contester un ordre du roi ? grogna Tiphon en se levant de son trône.
-Non... Bien sûr que non mais...
-Alors que fais-tu ici ?! hurla-t-il, l'interrompant. Tous ceux qui protesteront, déserteront, refuseront d'obéir seront exécuté sur le champ ! s'emporta l'homme de pouvoir. 
-Mon roi... Nous avons, pour certains d'entre nous, des filles du même âge et qui correspondent à ces critères donnés... Devons-nous tuer nos enfants ? C'est cela que vous nous dites de faire ? demanda-t-il, indigné.
-Tuez-les toutes ! cria-t-il. Brûlez-les ! Égorgez-les ! Massacrez-les toutes ! Me suis-je bien fait comprendre ?! 
-Je crains que vous soyez contraint de faire face à une rébellion avec un tel ordre, mon roi, souffla le soldat. Aucun n'acceptera de tuer son propre enf...

Le roi s'était approché alors qu'il parlait et il lui trancha la gorge. L'homme plaqua sa main sur l'entaille alors qu'il s'étouffait avec son propre sang. Il s'écroula rapidement sur le côté, agonisant. Les gardes présents dans la salle observèrent la scène sans rien dire mais n'en pensant pas moins. Ils voyaient leur roi sombrer dans la folie à ce stade. Il voulait tuer une jeune femme en particulier, c'était évident et pour cela, il en massacrait des centaines qui, bientôt, se compteraient par milliers. Personne ne comprenait ce qu'il se passait dans la tête de Tiphon Venom. Il était évident que certains cachaient maintenant leurs filles, la nouvelle s'étant répandue et que les soldats n'accepteraient jamais de s'en prendre à leurs enfants sans même comprendre la raison de cette hécatombe. Seul le roi savait pourquoi et il refusait de dévoiler ses raisons. Les peuples se soulevaient et bientôt, les soldats en feraient de même si cela continuait en ce sens. 

-Père ? Que vous arrive-t-il ? demanda Silo, étonné par ce comportement.

Le souverain de Deos était d'un naturel calme et confiant, pourtant, il semblait perdre la tête depuis quelques temps. Le jeune homme pensait d'abord que le suicide de sa mère était la première raison et qu'il s'en remettrait mais plus le temps s'écoulait et plus il perdait la maîtrise qui le caractérisait. 

-Père ? répéta le jeune homme.
-Cesse donc de me poser des questions ! grogna Tiphon.

Le prince soupira et quitta la salle du trône sans demander son reste. Le roi se réinstalla sur son siège et poussa, à son tour, un long soupir alors qu'il passait une main sur son visage.

-Dehors ! Tout le monde dehors ! J'ai besoin d'être seul ! cria-t-il.

Les gardes et servants présents obéirent directement, ne cherchant pas à comprendre cette attitude qui ne lui ressemblait pas. L'homme au pouvoir fixait le corps de ce soldat, le regard vide, l'air ailleurs. Il était perdu dans ses pensées. L'homme leva les yeux vers le ciel.

-Talia, pitié, entends mes prières. Emporte cette jeune femme dans ton royaume des morts. Prends son âme et débarrasse-moi de ce secret qui me pèse, supplia-t-il avant de baisser les yeux sur le cadavre face à lui. Je ne peux me permettre de subir une révolte qui m'accablerait de toutes parts. J'en perdrais mon titre et ma tête, dit-il ensuite avant de se lever.

Il sortit de la salle du trône pour se rendre aux écuries. Il prépara son cheval et l'enfourcha aussitôt. Il savait ce qui pouvait arrêter ce carnage. N'ayant rien dit à personne, il ne pouvait avoir une réelle confirmation. Il devait toutes les tuer mais la prêtresse noire qu'il avait consulté pourrait peut-être lui confirmer que sa vision avait changé. Il l'espérait du plus profond de son être. Il le fallait ou il n'aurait d'autres choix que de poursuivre ou d'arrêter, au risque que sa vie prenne fin plus vite qu'il ne l'aurait imaginé. Impossible. Il ne pouvait l'accepter. Jamais il ne laisserait sa vie entre les mains de cette gamine. Jamais !

Il arriva chez la prêtresse qui lui ouvrit la porte avant même qu'il n'ait eu le temps de frapper. Elle le laissa entrer et il s'installa sur la chaise, songeur. 

-Vos peurs vous tourmentent, roi Tiphon. Je le lis sur votre visage. L'énergie que vous dégagez n'en est que plus révélatrice encore, affirma la femme. Votre peuple se retourne contre vous, vos hommes se retournent contre vous... Il vous faut cesser cette tuerie si vous désirez retrouver votre position, poursuivit-t-elle.
-Impossible... Je ne le peux. Sauf si vous me dites qu'elle n'est plus de ce monde, rétorqua le souverain.
-Je peux consulter les dieux mais je vous l'ai dit lors de notre précédente rencontre... Si les dieux désirent qu'elle vive, alors elle vivra. Peut-être ne l'avez-vous pas trouvée encore mais peut-être ne la trouverez-vous jamais. Vous devez en avoir conscience sinon cela vous mènera à votre perte, lui expliqua la prêtresse.
-Quoi que je fasse, je suis le perdant de l'histoire. Si j'arrête le massacre, elle vivra. Si je ne l'arrêta pas, ils me tueront, soupira Tiphon. Aidez-moi à trouver la solution ou, mieux, dites-moi que j'ai accompli ce que je devais faire pour effacer cette vision...

La femme hocha la tête et elle tapota sa table. L'homme posa une bourse sans dire un mot. Il ne la quittait pas des yeux, attendant qu'elle demande aux dieux ce qu'il devait faire ou si il n'y avait plus rien à faire. 

-Talia, Godea dim mia ditha, givakoriaran nuna mi powaki dim zejoforia ufe mia yona womina poja ku seanusoriarus betoriarus in vo rokinauma, incanta la prêtresse après avoir jeté sa poudre dans le feu.

Elle attendit et rien. Aucune vision ne lui vint. La femme se tourna vers le roi et secoua la tête de droite à gauche.

-Je n'ai pas de réponse, roi Tiphon. Elle n'est pas parmi les morts. Vous avez échoué, déclara-t-elle simplement.
-Merde ! dit-il en frappant la table de son poing. Comment suis-je censé faire sans me mettre à dos les neufs royaumes ?! Guidez-moi ! s'exclama-t-il, désespéré. 
-Impossible, répondit-elle sur un ton neutre. Je ne peux rien faire. Il vous faut cesser d'être la mort qui pèse sur les royaumes. Le destin peut-être changé mais il est entre vos mains. C'est à vous de déterminer quelle sera votre fin...
-Je mourrais dans tous les cas ! grogna-t-il.
-Vos méthodes, roi Tiphon, sont bien trop radicales. Vous pensez avec vos émotions, votre peur guide vos pas, vous n'agissez pas avec votre tête, affirma la femme.
-Que dois-je faire puisque vous semblez en savoir tant ?! s'énerva-t-il.
-Trouvez-la et tuez-la. Mettre à mort des jeunes femmes innocentes ne vous apportera rien de plus que le malheur qui s'abat déjà sur vous... Envoyez des espions partout dans les royaumes, récoltez les informations et là, vous la trouverez. Seulement là, vous pourrez mettre fin à sa vie, lui proposa-t-elle.

Le roi l'écouta attentivement avant de soupirer, se couvrant le visage d'une main avant de se tirer la peau en la baissant. Il se rendait compte qu'il n'avait pas agit de la bonne manière. Pire, il avait alerté les neuf royaumes et elle pouvait maintenant être cachée n'importe où.

-Merci pour ces conseils avisés, dit-il en se levant. Si vous le désirez... Une place pourrait vous être donnée au sein du château. Votre présence ne pourrait que m'être bénéfique. Vous pensez avec la froideur de Snow, proposa l'homme de pouvoir.
-Je réfléchirai à votre proposition, répondit-elle simplement.

Le roi hocha la tête et il quitta la cabane de la sorcière pour retourner au château où il allait donner ses nouvelles directives. En effet, il ne pouvait pas se permettre de perdre le peuple et son armée. Le peuple n'était déjà pas friand de sa présence sur le trône mais si ses hommes refusaient de le protéger contre les rebelles, il signait sa fin, à deux mains. Il comptait donc écouter les conseils de la prêtresse. De plus, il lui avait offert cette place à ses côtés car grâce à cela, il pourrait facilement avoir accès à ses visions et à ses conseils. Il était persuadé que cela lui donnerait la possibilité de conserver sa place à Deos et de ne pas périr dans les flammes comme elle l'avait prédit. 

De retour au château, il entra dans sa salle du trône et ordonna à l'un de ses servants de rassembler ses hauts gradés pour qu'il puisse donner ses nouvelles instructions. Il espérait que cela calmerait les peuples des neuf royaumes et que ses soldats se calmeraient aussi. Lorsqu'il fut informé qu'ils étaient présents, il monta à l'étage pour les rejoindre. Il entra dans la salle du conseil et s'installa en bout de table. Ses hommes semblaient à cran et il savait pour quelle raison puisqu'il avait tué le messager. Il n'en tint pas rigueur, commençant à s'exprimer.

-Messieurs, merci d'être venu, dit-il d'abord. Je vous ai réunis ici car j'ai de nouveaux ordres à vous donner. Nous allons changer de stratégie. Je me suis rendu compte que cette élimination de masse ne donnait rien et n'était pas nécessaire, faisant souffrir bien trop de gens, s'expliqua-t-il ensuite.
-Oh ! Vous ne voulez plus que nous brûlions nos enfants ? grogna l'un des hommes autour de la table.
-Je dois admettre mon erreur... J'ai été porté par mes émotions et j'ai tué un pauvre homme sans raison. Je vous demande de pardonner votre roi et d'écouter ses nouvelles requêtes, répondit-il, calmement avant de reprendre. Rappelez tous vos hommes. Qu'ils reviennent à Deos. Cessons ce massacre dès maintenant. Envoyez des corbeaux, qu'ils arrêtent toute activité et marchent vers leur roi.
-Allez-vous nous dire pour quelle raison vous nous avez demandé de tuer ces pauvres femmes ? souffla un autre.
-Il m'a été rapporté qu'une rébellion était en marche, guidée par cette femme. J'ai cru bon d'éliminer la menace mais je m'y suis mal pris, répondit-il sans plus de détails. Allez donc, ordonnez à vos hommes de se replier et de rentrer, ajouta Tiphon avant de se lever.
-C'est tout ? siffla le premier.
-Pour le moment, oui, conclut-il en sortant ensuite de la salle.

Les hommes, qu'il avait convoqué, restèrent là, perplexes. Ils ne comprenaient pas ce revirement de situation. À peine quelques heures plus tôt, il ordonnait à ses hommes de les tuer toutes et là, sans explication si ce n'était un acquit de conscience, il avait fait un demi-tour complet. Cela ne ressemblait pas énormément au roi qu'ils connaissaient. Cependant, ils trouvaient que c'était mieux ainsi. Aucun n'avait envie de tuer ces femmes sans savoir pour quelle raison. Ils avaient d'abord obéi, pensant peut-être à une bâtarde qu'il ne voulait pas divulguer mais cela n'avait pas grand sens. Il était connu que le roi avait batifoler à droite et à gauche sans jamais se soucier des conséquences. Malgré leur ressenti, ils s'acquittèrent de leur tâche, sachant qu'ils n'auraient pas plus de réponse. Des corbeaux furent donc envoyés aux quatre coins de Ponenterra pour stopper les massacres dans les villes et villages. 

Tiphon, quant à lui, était retourné dans ses quartiers privés. Il se devait de rester calme et de ne pas céder à la panique, il l'avait comprit. Si la prêtresse le lui avait dit, il écouterait. Elle était la seule à pouvoir le convaincre, grâce aux paroles et aux visions des dieux, de ce qu'il était bon ou non de faire. Il demanda ensuite à voir une personne en particulier. Celle-ci frappa à la porte et fut permise d'entrer. 

-Mon roi, vous m'avez demandé ? demanda-t-elle.
-Makila, dit-il avant de sourire. Vous avez fait vite, dit-il ayant un hochement de tête en guise de réponse. Bien ! J'ai besoin que vous envoyiez vos espions à travers les neuf royaumes, poursuivit le roi.
-Que doivent-ils chercher ? demanda la femme.

L'homme garda le silence, fixant Makila dans les yeux. Pouvait-il lui faire confiance ? Est-ce que cela s'ébruiterait ? Il serra les dents, ne sachant pas si il devait le faire mais c'était nécessaire. Il ne pouvait donner comme consigne qu'elle demande à ses espions de chercher après une jeune femme aux cheveux bruns et aux yeux bleus. C'était bien trop vaste. Les royaumes les comptaient par milliers... Cela ne l'avancerait pas plus et il fallait qu'il la trouve. Sans cela, cette vision s'accomplirait mais s'il la trouvait, alors tout s'arrêterait. 

-Mon roi ? Que doivent chercher mes petits rats ? répéta-t-elle, ayant besoin de l'information pour exécuter l'ordre qu'il lui donnait.

Tiphon restait perdu dans sa réflexion. Il avait peur. Lui qui était connu comme le roi sans foi ni loi, celui qui ne craignait rien ni personne, pas même les dieux, se retrouvait face à une gamine dont la simple existence l'effrayait. Il avait fait la même erreur que son ancêtre. Il avait laissé quelqu'un vivre cette nuit là mais il avait caché ce secret durant toutes ces années et pourtant, il allait devoir le dévoiler s'il voulait corriger sa faute. Il avait fait l'erreur de se réjouir trop tôt et lorsqu'il fut l'heure de vérifier si tous étaient bien morts, il s'en était rendu compte mais il était trop tard. Lorsque le corps lui avait été amené, il avait vérifié les yeux et ceux-ci étaient verts. Il avait donc compris qu'elle n'était pas celle qu'elle était supposée être. Il avait ensuite simplement espéré qu'elle avait été tuée ailleurs ou qu'elle avait succombé dans sa fuite puisqu'il ne lui avait jamais été rapporté qu'elle respirait encore jusqu'à cette vision. Ce secret, le seul qu'il était à connaître, celui qu'il avait gardé pendant une décennie, ce mensonge qui l'avait rongé pendant toutes ces années, ... 

-Mon r... souffla-t-elle avant d'être coupée.
-Rhiannon Rexaron.

The Lost Kingdom [EN COURS]Where stories live. Discover now