Chapitre LXXVIII

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Cela faisait déjà deux semaines que Garmen avait quitté Antarsia pour aller à Orien. Arlorn était donc en charge de la rébellion. Cependant, cela ne devait pas autant durer. Nyala n'était toujours pas rentrée et Kassandra s'inquiétait de ne pas la voir revenir. Ce n'était pas normal. Elle craignait qu'il ne lui soit arrivé quelque chose de grave. Pendant un court instant, elle avait même pensé que Nyala avait peut-être décidé de disparaître avec Rhiannon, les abandonnant mais ce n'était pas du tout le genre de la jeune femme. Elle avait donc bien vite oublié cette théorie. Quelque chose l'avait peut-être retardée ou quelque chose s'était passé. Elle espérait que ce ne soit qu'une histoire de retard que quelque chose de grave. Les jours défilaient et cela l'inquiétait de plus en plus mais elle se devait de garder la tête froide. Tout le monde craignait qu'elle ne revienne jamais et Garmen était parti aussi. Il était donc compliqué de garder le moral ces derniers jours mais ils devaient rester forts et unis. Arlorn faisait de son mieux pour que tout le monde reste soudé. Il ne cherchait en rien à imposer son autorité. À vrai dire, il ne se sentait pas légitime d'être à ce poste. Il avait l'impression d'être un imposteur même si c'était le second de la cheffe qui lui avait donné l'ordre de s'occuper d'eux. La rébellion avait l'impression d'être un peu perdue sans leurs chefs. L'ambiance était pesante parmi les rebelles. Ils ne savaient pas ce que l'avenir leur réservait et c'était étrange. Ils continuaient d'agir comme d'habitude. Ils s'occupaient du village et des maisons, ils faisaient la fête chaque soir mais plus les jours défilaient et moins ces moments festifs semblaient sincères. Ils avaient besoin qu'ils reviennent et reprennent leurs places. Après tout, c'était Nyala qui les avait rassemblés là et avait fait construire le village. C'était elle qu'ils voulaient suivre et personne ne savait où elle pouvait se trouver et ils s'étaient sentit abandonné par Garmen qui avait pourtant promis de s'occuper d'eux jusqu'à son retour. Pourtant, ils devaient agir comme si tout allait bien alors que ce n'était pas le cas.

Kassandra essayait de rester positive et de faire en sorte que tout le monde garde le moral, leur lançant des petites phrases d'encouragements comme Nyala le faisait quand elle constatait qu'ils avançaient bien sur une construction. Après un tour des rebelles, elle alla au temple, ayant besoin d'être entendue par les dieux. Elle alluma une bougie avant de se mettre sur les genoux. Elle posa ses mains au sol pour qu'elles accueillent son front. Elle poussa un long soupir.

-Dieux et déesses... Entendez-moi, je vous en prie. Faites qu'ils rentrent sains et saufs. Faites que Nyala rentre bientôt. Les rebelles se démoralisent et nous avons besoin d'elle pour nous guider. Sans elle, nous n'avons plus de but, souffla-t-elle. Faites que Garmen revienne avant qu'elle ne rentre. Elle a besoin de lui... Merci pour votre temps, dit-elle avant de se relever.

Elle ne savait pas s'ils allaient lui accorder du temps pour exhausser ses prières mais il fallait essayer et les en remercier d'avance. Peut-être que Garmen allait revenir rapidement et que Nyala avait simplement prit du retard mais était en route pour Antarsia. Elle l'espérait sincèrement. 

La nuit couvrit le ciel de son manteau noir et ils s'installèrent tous à table pour manger mais ce n'était guère joyeux. Tout le monde se posait des questions. Le fait que Nyala ne rentre pas donnait l'impression qu'elle était morte ou qu'elle ne reviendrait jamais. Pour ce qui était de Garmen, il les avait simplement abandonné pour aller faire ils ne savaient quoi. Seul Arlorn et les nouveaux arrivants d'Orien le savaient mais ils ne disaient rien puisqu'ils estimaient que si Garmen n'avait pas donné ses raisons alors c'est qu'il ne désirait pas que cela s'ébruite. Malgré tout, les musiciens jouèrent mais les gens ne festoyaient pas. Ils discutaient, s'inquiétant de leur sort. Et s'ils avaient quitté leurs familles pour rien ? Et s'ils avaient tout donné à la rébellion pour rien ? Et s'ils avaient été lâchement abandonnés ? Et s'ils avaient construit Antarsia pour le laisser à l'abandon à son tour ? Il y avait tant de questions sans réponses. N'ayant pas le cœur à danser ou chanter, les rebelles retournèrent dans leurs maisons et leurs dortoirs. Kassandra, qui vivait provisoirement dans la tente de Nyala, y retourna à son tour, s'endormant le cœur lourd.

Alors que la nuit était paisible, des cris réveillèrent la jeune femme. Elle sortit de sa tente et sentit une odeur de brûlé. Des gens sortaient des dortoirs, ayant aussi été réveillés par les cris et la forte odeur. Elle couru rejoindre Arlorn et lui demanda de garder les rebelles derrière le rempart. Elle passa de l'autre côté, se trouvant dans le village qu'elle voyait brûler. Des soldats était en train d'envoyer des torches sur les maisons et elle les vit tuer une femme et son enfant. Elle couru vers une autre famille qui allait se faire tuer et se mit courageusement devant pour barrer la route au soldat.

-Mais qu'est-ce que vous faites ?! hurla-t-elle avec colère. Pourquoi est-ce que vous nous attaquez ?!
-Ce sont les ordres de notre roi. Nous devons éliminer la rébellion, affirma-t-il. Maintenant, meurs.
-Attendez ! hurla-t-elle en plaçant ses mains devant elle pour se protéger. Mais qu'est-ce que vous racontez ?! La rébellion ?! Quelle rébellion ?! Est-ce que vous trouvez que nous avons l'air de rebelles chevronnés, prêts à se battre ?! Nous ne sommes qu'un simple village ! s'exclama-t-elle. Vous pensez réellement que nous aurions des enfants ?! Voyez-vous des gens essayer de vous arrêter, arme à la main ?! Nous ne sommes qu'un village naissant ! Vous vous trompez lourdement ! Je ne sais pas quelle est cette histoire de rébellion mais cessez vos actes horribles ! Nous ne sommes pas ces gens ! Nous ne sommes que des nomades qui ont eu envie de trouver un endroit où vivre ! Je vous en prie ! Arrêtez de massacrer de nos enfants et nos familles ! leur demanda-t-elle, les implorant avec conviction.
-Halte ! Cessez ! fit le chef à qui elle avait eu la chance de s'adresser directement. Pourquoi ces remparts dans ce cas ? demanda-t-il, voulant voir si ses arguments se tenaient. 
-Et bien, regardez nous. Nous ne pouvons pas nous protéger mais un mur le peu. Nous n'avons pas fini et c'est bien regrettable vu la situation présente, argumenta la jeune femme. 
-Et celui là ? fit-il en montrant le deuxième rempart qui cachait les dortoirs.
-Oh, et bien, c'est simple. Derrière, il y a les ruines d'un ancien château. Nous avons choisi cet endroit en pensant pouvoir l'utiliser mais elles sont bien trop instables. Nous avons eu trois morts, tombés dans des trous et ensevelis par les gravats. Nous avons donc pris des mesures pour la sécurité de tous et surtout de nos enfants. Ils sont curieux et aiment explorer donc nous avons dû construire ce mur pour les empêcher d'y accéder. Comme vous pouvez le voir, nous avons même fait en sorte qu'ils ne puissent pas y grimper... Je vous en prie. Si c'est pour les impôts, nous paierons. Il nous faut juste un peu de temps pour rassembler l'argent mais nous paierons. Je vous en supplie, épargnez-nous. Revenez dans quelques mois et nous vous paierons ce qui sera dû au roi...
-Si vous ne pouvez payer maintenant, vous ne le pourrez pas plus tard. Cent pièces par famille par semaine... Enfin, ça, ce sont vos affaires... Nous ne sommes pas là pour cette raison. Mais dans ce cas, savez-vous s'il y a un camp de rebelles dans les parages ? On nous a indiqué le nord d'Imisy et nous n'avons trouvé que cet endroit... se renseigna le soldat.
-Non... Je n'ai pas connaissance d'un camp mais à mon humble avis, ils doivent se déplacer. Qui serait assez bête pour se faire appeler rebelles mais rester au même endroit ? C'est évident que cela va attirer l'attention de notre roi, rétorqua-t-elle, espérant qu'il goberait toute son histoire.
-Ce n'est pas faux, souffla-t-il avant de soupirer. Je crains qu'il y ait eu maldonne. Nous ne pouvons réparer notre erreur mais nous partons. Plus personne ne vous embêtera, souffla-t-il. On s'en va, ordonna-t-il ensuite à ses hommes qui quittèrent les lieux sans broncher.

Kassandra poussa un long soupir de soulagement lorsqu'ils s'en allèrent. Elle alla ensuite voir les blesser tandis que ceux qui allaient bien essayaient d'éteindre les incendies. Ils avaient quelques morts sur les bras. Elle compta huit hommes, cinq femmes et six enfants. Les soldats s'étant bien éloignés, des rebelles sortirent de leur cachette et ils aidèrent à éteindre les feux alors que d'autres creusaient des trous pour leurs morts. Les pertes n'étaient pas conséquentes en nombre mais cela allait très clairement affaiblir davantage le moral des troupes. Ils avaient déjà du mal ces derniers jours mais là, ça allait être encore pire. Des hommes et des femmes pleuraient les pertes, leur mari, leur femme, leur enfant. C'était horrible. Kassandra savait qu'elle avait risqué sa vie mais elle avait réussi à épargner des pertes plus grosses à Antarsia. C'était tout ce qui comptait.

Les soldats étaient retournés à leur camp, s'installant autour d'un feu. Ils se sentaient tout de même mal d'avoir pris la vie à des innocents. Ils ne pensaient pas qu'ils allaient avoir à faire à un village naissant mais les arguments de cette femme se tenaient. Les hommes et les femmes avaient essayé de se battre pour défendre leurs familles et eux-mêmes mais il n'y avait pas d'armes, pas de combattants entraînés, rien. Ce n'était qu'un pauvre village comme un autre. 

-Vous pensez qu'il savait ? souffla un soldat.
-Ca ne m'étonnerait pas. Silo est pire que son père, grogna l'un d'eux.
-Suffit de voir les nouveaux impôts. Il sait que personne ne pourra payer sans crever de faim, souffla un troisième.
-Quel monstre... Nous faire croire que ce sont des rebelles alors que ce ne sont que de simples villageois... lança un autre.
-Imaginez si ça avait été nous, nos familles... fit un homme en serrant le poing.
-Parfois, je me dis que la rébellion a raison d'exister. Les Rexaron étaient l'opposés de ces serpents, rétorqua un soldat qui avait travaillé avec les anciens rois et les nouveaux.
-Alors qu'est-ce qu'on fait ? demanda un énième à leur supérieur.
-Et bien... Je ne sais pas. S'il savait, on ne peut pas lui dire qu'on a pas terminé le travail. Il en enverra d'autres, encore et encore. Juste pour son simple plaisir de faire souffrir les autres. Je propose que l'on lui rapporte que nous avons accomplis notre mission. La rébellion est morte et laissons les dieux choisir le destin qu'ils lui réservent. Je suis fatigué de faire couler le sang pour ces gens, grogna-t-il. Est-ce que nous sommes tous d'accord pour taire la vérité ? demanda-t-il ensuite à tous ses hommes.

Ils acquiescèrent, ne voulant pas s'en prendre à de pauvres innocents comme lors de cette soirée. Ils avaient beau être les soldats des Venom, ils n'étaient pas mauvais. Ils ne faisaient qu'obéir aux ordres mais cette fois, Silo avait été trop loin d'après eux. Ils refusaient donc de poursuivre la mission. Le sang des innocents ne devaient pas couler et ils commençaient à penser que la rébellion devait survivre pour accomplir leur quête. Sous Tiphon, il était déjà parfois compliqué d'obéir car il était loin d'être un saint et lorsqu'il avait commencé à se radoucir, ils étaient plutôt content du résultat. Il se montrait bon et bienveillant mais il avait fallut qu'il meurt empoisonné. Les soldats n'étaient d'ailleurs pas dupes même s'ils ne pouvaient rien dire. Ils savaient tous que Silo était responsable de la mort de son père. Ses larmes de crocodiles leur avaient été rapportées et ils se rappelaient parfaitement comment Silo avait éclaté de rire en voyant sa propre mère se trancher la gorge devant lui. Jamais il n'aurait pleuré pour son père. Il était froid et sans cœur. Il n'avait aucune compassion. Il avait par contre du mépris pour son paternel qui était devenu faible selon lui. Ils refusaient d'obéir à des ordres qui avaient une base de mensonge donc s'ils pouvaient aider ce village pour se racheter, ils allaient le faire. C'était d'ailleurs assez simple. Ils allaient, comme convenu ensemble, dire qu'ils avaient éliminer les rebelles sans aucun problème, les prenant par surprise. Ils allaient dire qu'ils avaient détruit le village, ne laissant que des cendres après leur passage pour éviter qu'ils aient à payer des impôts exorbitants et sans aucune raison valable puisque Deos était riche et tous les savaient. Les Rexaron avaient amassé une fortune en prenant de petits impôts durant des années où il n'était pas nécessaire de dépenser puisque les royaumes étaient en paix. Silo ne désirait que semer misère, chaos et terreur sur son passage. Les soldats voulaient donc au moins éviter cela à quelques personnes, ce serait mieux que rien. En tout cas, il était certain qu'ils avaient tous préféré être sous les ordres du nouveau Tiphon que ceux du nouveau roi...

Kassandra avait réunis tout le monde derrière le rempart au cas où il leur viendrait l'idée de revenir. Il fallait protéger tout le monde. Les rebelles s'étaient préparés à une éventuelle bataille mais personne ne venait. Malgré tout, ils ne fermèrent pas l'œil de la nuit. Il fallait qu'ils soient prêts mais la nuit passa et le soleil se leva petit à petit. C'était pour ce genre de raisons qu'ils avaient besoin de Nyala et Garmen. Surtout Nyala. Ils auraient fait la fête comme d'habitude et tout le monde aurait été derrière le rempart mais la déprime globale avait fait qu'ils avaient été se coucher, laissant les soldats attraper des gens. Ils auraient tous été protégés et ils auraient pu répliquer sous les ordres de la cheffe. Ils avaient eu de la chance que les mots de Kassandra parviennent à les convaincre mais elle aurait aussi pu se faire trancher la gorge et son corps serait au fond d'un trou. Il fallait qu'ils reviennent, à tout prix...

The Lost Kingdom [EN COURS]Where stories live. Discover now