Chapitre XXXIII

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Le jour se levait sur Deos. Le soleil éclairait le château et la ville de son éclat étincelant. Il était bas et le ciel lui empruntait ses couleurs orangées. La ville était paisible en ce jour. Doucement, Deos s'éveillait. Les marchands sortaient pour installer leurs stands tandis que les fermiers s'occupaient de leurs animaux, les agriculteurs de leurs champs. Tous commençaient leurs travails tandis que dans le château, Tiphon se réveillait tranquillement.

Le roi sortit de son lit et prit un bain pour bien commencer sa journée. Il avait envie de se détendre. Il prit donc son temps, profitant de chaque seconde passée dans l'eau chaude. Lorsqu'il en eut marre, il en sortit et s'habilla. Il mit de beaux vêtements aux couleurs de sa maison. Depuis un peu plus de deux mois, il était serein. Il retrouvait sa vie sans tous les tracas que lui avait causé cette petite peste de Rexaron. Elle n'était plus et il ne pouvait qu'en être ravi. La prêtresse noire qui travaillait pour lui l'avait conforté dans cette idée. Il lui avait demandé si elle se trouvait encore dans ses visions et elle affirma que ce n'était plus le cas. Elle n'y voyait plus Rhiannon. Elle n'était donc plus une menace. Tiphon était très reconnaissant des précieuses informations que lui avait confié Alin. Lui qui avait toujours haït les Trafalgar, il s'en était fait des alliés. En une pierre deux coups, il lui avait permit d'éteindre la flamme de la rébellion et de tuer celle qui pouvait lui reprendre le trône. Il n'avait donc plus à s'inquiéter. Il osait quitter sa demeure à présent. Il en profita donc pour aller se promener. 

Un mouchoir en tissu imbibé de parfum sous le nez, il se baladait entre les échoppes des marchands qui criaient pour attirer l'attention des potentiels clients. Il observait ce qu'ils vendaient. Poissons, viandes, épices, légumes, tissus, parfums et petites babioles. Il y avait de tout. Il ne comptait rien acheter mais il avait simplement envie de voir d'autres visages que ses conseillers, ses gardes ou son fils. Il avait envie de revivre. Il s'était enfermé si longtemps dans son château qu'il en avait presque oublier les odeurs du marché et de la ville bien que celle-ci ne lui manquait guère. Deos était toujours plongée dans une puanteur asphyxiante. C'était bien pour cela qu'il tenait son petit mouchoir sous ses narines. Après avoir fait son petit tour tranquillement, il sentit que la faim tiraillait son estomac. Il rentra donc au château et demanda à ce qu'on lui prépare à manger. Il s'installa à table alors qu'une soupe aux oignons et deux miches de pain lui furent apportées. Il trempa des morceaux dans le liquide, les mangeant à son aise avant de boire ce qu'il lui restait dans le bol. Repus, il se servit un grand verre de vin et le dégusta tranquillement. Durant quelques semaines, restant dans le doute, il était tout de même resté cloitré entre ces murs. Il ne sortait régulièrement que depuis trois ou quatre semaines. Cela lui faisait un bien fou. Comme une impression de renaître. Ayant fini de manger et de boire, il se dirigea vers la salle du trône.

Installé sur son siège royal, il profita de son regain de puissance avant qu'un messager entre dans la salle. Tiphon le fit approcher et l'homme s'inclina avant de commencer à lui donner les nouvelles.

-Mon roi, je vous apporte des nouvelles d'Orien, dit-il d'abord.
-Je t'écoute. Quelles sont-elles ? demanda-t-il.
-Alin Trafalgar, comme vous le savez, est au pouvoir. Depuis la mort de Jordin et l'exécution de Salma Trafalgar, le royaume est en révolte. Cependant, comme il l'a promis, ceux qui se rebellent se font exécuter. Depuis le début du règne du lord d'Orien, j'ai compté, environ, trois cents cinquante exécutions, l'informa-t-il. Peu à peu, les gens se calment. Sûrement de peur de finir comme leurs voisins, amis ou familles.
-Bien ! Je vois qu'il sait comment gérer son peuple. C'est une bonne chose. Nous devrions peut-être lui donner une place au conseil royal, dit-il en souriant. C'est un jeune homme prometteur.
-Comment osez-vous dire une telle chose alors que vous me refusez cet honneur ?! grogna Silo qui était tapis dans l'ombre.
-Tu es bien trop impulsif, soupira Tiphon. De plus, personne ne croirait que ce sont tes capacités qui t'auraient amené là mais le simple fait que tu es mon fils, affirma-t-il ensuite.
-Ce n'est pas juste ! J'ai le droit à une place autour de cette table ! s'écria le prince.
-Cesse de te comporter comme un enfant. Nous en avons déjà discuté et je viens de te répondre. Je n'ai rien à ajouter à cela, grogna le roi.
-Il n'est pas ton fils ! Moi, si ! rétorqua Silo.
-Cela n'a aucunement à voir avec un quelconque lien de parenté, Silo. Il sait comment garder son peuple sous ses ordres. Il élimine les rebelles et garde le contrôle. Qu'as-tu fait jusqu'ici ? Rien. Tu ne fais que pleurnicher tel un gamin à qui l'on aurait volé son jouet. Sors donc d'ici, tu me déranges, lui ordonna Tiphon.

Silo serra les dents avant de s'en aller, tapant des pieds. Il était en colère mais le souverain n'en avait que faire. Il poussa un long soupir, se massant les tempes.

-J'ai bien trop gâté cet enfant. Il est devenu capricieux, souffla-t-il en pensant à voix haute. Peu importe... Vous, envoyez un corbeau à Orien. Proposez à Alin une place au sein du conseil. Dites-lui que j'insiste. Je souhaiterais l'avoir à mes côtés lorsqu'Orien sera parfaitement sous contrôle. Qu'il ne se hâte pas pour autant, je ne tiens pas à ce que le peuple tente de le renverser à son départ. Qu'il s'occupe d'abord de tout cela mais une fois que ce sera fait, qu'il vienne ici pour que l'on discute de son poste, ordonna-t-il au messager.
-Bien, mon roi. Je m'en occupe dés maintenant, dit-il en s'inclinant à nouveau avant de quitter la salle.
-Rien d'autre ? Aucune réclamation aujourd'hui ? demanda-t-il.
-Rien, affirma l'homme qui s'occupait d'évaluer celles-ci.
-Parfait ! J'aime les journées comme celle-ci, affirma-t-il en souriant.

Deos semblait en paix. Personne n'avait rien à réclamer, aucune raison de râler. C'était un réel plaisir. Une journée dans la détente et avec de bonnes nouvelles. Certes, Silo avait légèrement tâché cette matinée mais il n'en avait que faire. Il savait qu'il était capable de siéger au conseil mais il ne lui faisait pas entièrement confiance pour certaines choses. Il était encore bien trop immature sur certains points malgré son âge et il était surtout trop impulsif. Il agissait trop souvent sous le coup des émotions. Silo ne prenait pas assez le temps de réfléchir et cela n'était guère bon pour quelqu'un du conseil ou un souverain. La preuve en était puisque Tiphon avait agit sous la crainte et l'inquiétude et il avait perdu en crédibilité durant un temps. De plus, il s'était attiré les foudres de plusieurs villages et villes de Ponenterra mais tout cela appartenait au passé à présent. Il ne craignait plus que son trône lui soit volé par une sale gamine. Elle était morte. À chaque fois que cette pensée le traversait, l'homme ne pouvait s'empêcher de sourire. Tous les Rexaron, pour de bon, étaient morts. Tous sans exceptions. Il jubilait en y repensant. Et dire que tout cela venait d'un Trafalgar était encore plus jouissif pour lui. Leurs alliés de toujours qui les trahissaient... Un régal ! La roue avait tourné pour eux. Ils avaient toujours été trop confiants en leur pouvoir et voilà que ceux qui avaient toujours été leurs amis se trouvaient être leurs ennemis bien que ce n'était plus nécessaire puisqu'ils n'existaient plus. Sur les neuf maisons qui régnaient sur les quatre continents et les neuf royaumes, il n'en restait donc plus que huit. Les Valerin, les Stornald, les Trafalgar et les Venom à Ponenterra. Les Reath et les Rotovo sur les îles d'Apeliote. Les Jagor à Ateleio. Les Wistle et à nouveau les Venom, à Sand, à Notos. Sur les huit, deux étaient ses alliés, les Jagor et les Trafalgar. Les Wistle étaient neutres et les autres... Il n'en avait que faire. Ils avaient tenté de reprendre le pouvoir et ils avaient perdu la bataille. Ils restaient donc à leur place, faisant ce qu'ils avaient à faire dans leur coin. Tant qu'ils ne tentaient pas de folie, il se fichait pas mal qu'ils l'apprécie ou non. Seul son autorité comptait et ils se tenaient dans les rangs. Lorsque Tiphon demandait quelque chose à ceux qui ressentait de l'animosité pour lui, ils obéissaient donc cela lui était bien égal. C'était tout ce qui comptait. Il était le souverain des neuf royaumes. Aucun n'osait se soulever ou ne le désirait et cela lui convenait. Il régnait d'une poigne de fer par la terreur qu'il inspirait. Un bon roi en somme d'après Tiphon. 

Alors qu'il se délectait de ses victoires, repensant à la bêtise qui l'avait animé ces derniers temps à cause d'une enfant qui serait incapable de reprendre le trône, un homme entra. Un garde. Essoufflé d'avoir monter les marches qui menaient au château, il reprit un instant son souffle avant de clamer.

-Quelqu'un est arrivé avec une femme. Il dit que c'est celle que vous cherchez ! s'exclama le garde.

Tiphon se leva d'un bond de son siège, fronçant les sourcils. Il n'en cherchait qu'une et elle était morte. La prêtresse noire se serait-elle trompée ? Aurait-elle mentit ? Son éclaireur en aurait-il fait de même en lui rapportant que la seule femme brune aux yeux bleus restante n'était pas la princesse ? Il sentait son cœur accélérer dans sa poitrine. Impossible ! Il ne voulait pas y croire. Il ne la cherchait plus alors pourquoi quelqu'un affirmait la détenir ? Il serra les poings et secoua la tête. Il refusait d'y croire et pourtant, il voulait la voir malgré tout. Il le fallait. Il fallait qu'il s'assure de ses propres yeux qu'elle n'était pas celle que cette personne prétendait avoir apporté. Et si elle s'avérait être la princesse Rhiannon, il la tuerait sans aucune hésitation, ne lui laissant même pas le temps de parler. Lui qui passait une excellente journée, à savourer l'idée qu'elle soit morte, voilà qu'on lui gâchait son plaisir en lui annonçant qu'une erreur avait potentiellement été commise. Il grogna de frustration et demanda à ce que la prêtresse noire soit amenée à lui. Il fallait qu'elle confirme ou non si c'était la jeune femme de ses visions.

-Vous ! Vous m'avez dit qu'elle n'était plus dans vos visions ! s'énerva le souverain.
-C'est ce que j'ai dit, en effet, répondit-elle impassible.
-Alors, expliquez-moi pourquoi quelqu'un attend à la porte avec une femme en prétendant qu'elle est celle que je cherche ?!
-Je n'en ai aucune idée, roi Tiphon. Une erreur, peut-être ? fit-elle avant d'hausser les épaules.

Le roi grimaça de colère avant de soupirer, reprenant ses esprits. Ne pas se laisser dominer par ses émotions. Il redevint calme et demanda à ce que l'on fasse entrer l'homme et la femme qu'il amenait, priant pour que ce ne soit pas elle et qu'elle soit donc bien morte, coincée dans les enfers de Talia.

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