Chapitre LXXXIII

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-Mor wordra misikialirun joh... Re ja verloro fajalio !

Ces paroles résonnèrent au milieu de la mer des îles. Une barque était au milieu de l'eau, entourée de petites îles qui appartenaient aux Îles d'Apeliote. Un jeune homme et une jeune femme étaient couchés dans le petit bateau, couverts de brûlures faites à cause du soleil qui brillait fort. Ils étaient affamés et déshydratés. La jeune femme fixait le ciel sans nuage. Ils étaient fatigués, épuisés même et ils n'avaient plus la force de continuer le voyage. Les deux sentaient que la fin était proche pour eux. La barque commença à se secouer légèrement et le garçon se redressa, observant ce qui provoquait ce mouvement soudain. Il vit un bateau approcher et cela n'annonçait rien de bon. 

-Kali pirjataz ! s'exclama-t-il.

La jeune femme se redressa, l'entendant approcher et elle se retourna. La barque se mit à tanguer vivement avant de se retourner, bousculée par les vagues que provoquait le navire pirate. Les deux perdirent l'équilibre et passèrent par-dessus leur bateau. Le jeune homme plongea, évitant de se cogner mais celle qui l'accompagnait n'eut pas le temps, la tête heurtant le bord de la barque. Elle se mit à couler, le souffle lui manquait peu à peu tandis qu'elle laissait une légère trainée de sang. Une douce voix se mit à chantonner dans ses oreilles, venant la rassurer alors que la vie la quittait. C'était la plus belle chose qu'elle n'ait jamais entendu. Elle ferma les yeux, doucement, se laissant bercer par ce chant divin.

D'un seul coup, elle ouvrit les yeux. Elle se redressa et observa son environnement. C'était blanc. Tout blanc. Elle fronça les sourcils, ne comprenant pas ce qu'était cet endroit. Une femme, vêtue de noir et une faux à la main, s'approcha en chantonnant doucement, lui tendant la main. La jeune femme la prit et elle se releva, ne quittant pas des yeux cette femme qui avait un visage tellement doux.

-Sais-tu ce qui t'est arrivé ? demanda la femme à la faux.
-Je... Je suis morte ? souffla la jeune femme, n'étant pas sûre de la réponse.
-En effet. Tu as quitté le monde des mortels... Tu peux passer ces portes si tu le désires mais tu peux aussi rester ici, le temps d'accepter que tu n'es plus, proposa-t-elle.
-Vous, vous êtes Talia ? l'interrogea-t-elle.
-En effet, répondit-elle avec un doux sourire. 
-Est-ce que je vais me retrouver auprès des dieux ou en enfer ? demanda-t-elle ensuite.
-Tu le découvriras lorsque tu auras passé ces portes, affirma la déesse de la mort.
-Est-ce que je mérite l'enfer ? J'ai tué beaucoup de gens après tout, souffla la jeune femme.
-Seule toi le sais, rétorqua Talia.
-Et vous, plaisanta la jeune femme.
-Et moi, dit-elle en souriant.
-Bon... Je suis morte. C'est... C'est étrange, souffla-t-elle. J'ai pas l'impression d'avoir eu mal, affirma-t-elle. C'était comme s'endormir, bercée par le chant de ma mère. Est-ce que je vais voir ma mère ? demanda ensuite la jeune femme.
-Tu dois passer ces portes pour le savoir, affirma la déesse.
-Vous allez rien me dire, mh ? souffla-t-elle.
-Non, rétorqua-t-elle, gardant un doux sourire.
-Dommage. Ca m'aurait aidée. Je... J'ai peur, avoua la jeune femme. J'ai peur de découvrir que je n'ai pas le droit de retrouver ceux que j'aime auprès des dieux mais vous savez ce qui me fait encore plus peur ? demanda-t-elle à la déesse.
-Non. Dis-moi, fit Talia, attentive.
-De ne pas les retrouver alors que j'ai le droit d'être auprès des dieux. J'ai peur de devoir passer l'éternité sans eux, affirma-t-elle avant de froncer les sourcils. Oh non, j'ai pire encore. Et si... Et si ils n'étaient pas heureux de me voir ? Et si je les avais déçus ?
-Tu ne pourras le savoir que si... réitéra Talia avant d'être interrompue.
-Je passe ces portes. Je sais, souffla-t-elle. Hum... Ca vous fait quoi d'être la déesse de la mort ? Comment vous décidez qui a le droit à la vie éternelle et qui a droit à la souffrance éternelle ? demanda-t-elle.
-Ca ne me fait rien. C'est mon rôle, affirma la déesse en haussant les épaules. Pour ce qui est de décider, c'est un secret, poursuivit-elle en souriant.
-Vous allez rien dire du tout, n'est-ce pas ? C'est à moi de le découvrir, mh ? râla-t-elle.
-En effet. Tu as tout compris, fit Talia.
-Et si je décide de ne jamais passer ces portes ? demanda-t-elle.
-Alors tu passeras l'éternité seule, répondit la femme vêtue de noir.
-Les enfers ou la solitude. Je ne sais pas réellement ce qui est le pire, souffla la jeune femme.
-Penses-tu devoir aller dans les enfers ? demanda Talia.
-Je... Je sais pas. Je dirais que non à première vue mais... Mais peut-être que je me berce d'illusions. En tout cas, je n'ai pas envie d'y aller, c'est certain, affirma-t-elle. 

La jeune femme soupira, passant sa main sur son visage. Talia restait à ses côtés, ne disant rien. Elle releva les yeux vers la déesse qui gardait son doux sourire, impassible. Talia posa les yeux sur elle et la jeune femme détourna le regard, fixant les portes qui se trouvaient en face d'elle. C'étaient deux énorme portes en or qui ne laissaient rien voir ni entendre. Elle ignorait totalement ce qui se trouvait derrière. La jeune femme reposa les yeux sur Talia.

-On vous a déjà dit que vous êtes très belle ? demanda-t-elle en lui souriant.
-Mmh... Non. Les personnes que j'amène ici ne pensent pas à me complimenter, affirma la déesse.
-Ils ont tort, rétorqua-t-elle.
-Essaies-tu de m'amadouer ? fit Talia, amusée.
-Non. Je sais que mon destin est scellé. Je le pense sincèrement, dit-elle avant de lui sourire.

La jeune femme s'assit sur le sol d'un blanc immaculé, croisant les jambes alors qu'elle fixait les portes. Talia s'installa à ses côtés, ne prononçant pas un mot.

-C'est drôle, souffla la jeune femme.
-Quoi donc ? demanda-t-elle.
-Je n'aurai pas pensé me sentir aussi sereine dans un tel moment, révéla-t-elle. Après tout, vous venez de m'annoncer que je suis morte et pourtant, je me sens bien mais en même temps, quelque chose m'ennuie.
-Quelle est cette chose ? la questionna Talia, intriguée.
-J'ai la sensation que ce n'est pas le moment. Que quelque chose est inachevé, répondit-elle en posant les yeux sur elle. Vous voyez ce que je veux dire ? 
-Tu as des regrets ? demanda-t-elle.
-Mmh... Non. Je ne pense pas. Enfin, je suppose que tout le monde à des regrets en un sens. Ceci dit, j'ai fait de mon mieux. Je sais que j'ai essayé d'être quelqu'un de bien de toutes mes forces, que j'ai fait ce qu'il fallait même si ça a coûté la vie à un nombre conséquent de personnes. Je n'ai jamais tué par plaisir. J'ai détesté ça à chaque fois. Évidemment, j'aurai voulu pouvoir faire mieux, épargner ces vies et vivre plus longtemps mais ce ne sont pas des regrets. Plutôt des souhaits, affirma la jeune femme. Hé ! Au fait, on parle la même langue ?
-Pourquoi cela t'étonne ? fit Talia, amusée.
-Je ne sais pas... Je pensais que vous auriez une langue divine, quelque chose comme ça, répondit-elle simplement.
-Je parle chaque langue que les êtres humains parlent. Il me serait compliqué de vous faire passer ces portes si ce n'était pas le cas, affirma-t-elle, amusée.
-C'est vrai, souffla la jeune femme. M'enfin... Pour revenir à ce qu'on disait, ce ne sont pas des regrets. Il n'empêche que je n'ai pas l'impression que ma place est ici, poursuivit-t-elle.
-Parce qu'elle est de l'autre côté de ces portes, dit Talia.
-Non plus. Je veux dire, si je suis si sereine, je ne devrais pas craindre de passer ces portes. Je devrais même être attirée par elle, non ? Je devrais sauter de joie en me disant que je vais retrouver les miens, ceux que j'aime et qui m'aiment, je devrais vouloir la pousser sans aucune hésitation. Vous ne pensez pas ? essaya-t-elle de comprendre.
-Peut-être... Peut-être pas, répondit Talia.
-Vous aimez être vague vous... Vous auriez dû être la déesse des mers, plaisanta la jeune femme.
-Joli jeu de mots, s'amusa-t-elle.
-Merci, merci, lança-t-elle. Aah... Que c'est compliqué de comprendre la mort...

Talia resta silencieuse, observant la jeune femme qui avait reposé les yeux sur les portes dorées. Cette sensation d'inachevé ne la quittait pas. Elle sentait que si elle passait de l'autre côté, elle allait le regretter.

-Dites... Est-ce qu'il y a des gens qui reviennent de la mort ? demanda-t-elle, intriguée.
-Si quelqu'un a quitté les enfers ou le royaume des dieux ? Non. Jamais, affirma Talia.
-Je vois, je vois, souffla-t-elle. 

La déesse pencha légèrement la tête, gardant ce sourire sur les lèvres.

-Donc... Votre rôle est de me faire passer ces portes ? C'est bien ça ? l'interrogea la jeune femme.
-En effet, oui, répondit-elle.
-Vous affirmez que je trouverai les réponses à mes questions derrière celles-ci et que si je refuse, je passerai l'éternité ici ? continua-t-elle.
-C'est cela, oui, confirma la déesse.
-Et que personne n'a jamais pu quitter les enfers ou le royaume ? poursuivit-t-elle.
-La réponse est toujours la même, oui, affirma-t-elle.
-D'accord, souffla la jeune femme.

Les deux redevinrent silencieuses alors qu'elle fixait toujours ces portes. Talia observait la jeune femme, souriant un peu plus.

-Et si... Et si vous mentiez ? demanda-t-elle.
-Comment ça ? fit Talia, intriguée.
-Et si vous étiez en train d'essayer de me retenir ? Et si, discrètement, vous étiez en train de me dire que je peux retourner chez les mortels. Personne n'a jamais pu s'en aller des enfers ou du royaume mais d'ici ? Ca, vous ne l'avez pas dit. Et puis, pour quelqu'un censé me pousser vers les portes, je trouve que vous faites pas très bien votre travail sans vouloir vous manquer de respect. On est là, tranquillement, à discuter alors que je devrais certainement déjà avoir passé ces portes. De plus, j'ai cette sensation qui ne me quitte pas. J'ai envie de les retrouver et de les serrer dans mes bras. Mes inquiétudes se sont envolées et je suis sereine. Je sais que j'aurai le droit au royaume des dieux pourtant, je suis toujours là. Je n'arrive pas à me dire qu'il faut que passe de l'autre côté. Il faut que je retourne auprès des mortels. Ca ne peut pas s'achever comme ça. J'ai des choses à faire et d'ici, je ne pourrais plus rien faire. Si je passe ces portes, ce sera trop tard. J'aurai le droit au bonheur éternel, certes mais... Ce n'est pas encore le moment. Je ne peux pas l'accepter. Je les retrouverai un jour mais pas aujourd'hui. Il faut que vous me renvoyez auprès des êtres humains. On se reverra et ce sera avec plaisir mais pas maintenant... Ce n'est pas mon heure, affirma la jeune femme.
-Enfin, souffla Talia.
-Quoi ? C'est ça ?! s'exclama-t-elle en se levant d'un bond. J'ai rai... 

Une flaque d'eau se retrouva sur le sol blanc. Celle-ci coulait de la bouche de la jeune femme qui s'écroula sur le sol avant de rouvrir les yeux, reprenant sa respiration d'un seul coup, toussotant ensuite alors qu'elle revenait à elle. La jeune femme sentit un souffle sur sa peau et des mains sur sa poitrine alors qu'elle était allongée sur du bois.

-Ah bah enfin ! s'exclama une voix qui ne lui était pas inconnue. T'es de retour parmi nous !
-Comme on se retrouve, lança ensuite un autre homme.

La jeune femme était perdue. Un instant elle était dans l'eau, l'autre instant elle discutait avec Talia et maintenant, elle était trempée mais hors de l'eau et visiblement vivante. Avait-elle halluciné ou cette conversation avait-eu réellement lieu ? Elle n'arrivait pas à dire si cela était vrai ou si elle avait rêvé pourtant cela lui semblait réel. Elle sentit une main prendre délicatement la sienne avant que la personne ne se jette sur elle, la serrant dans ses bras. Elle eut un léger rire, le serrant à son tour contre elle. Au moins, même si elle n'était pas certaine d'avoir réellement parlé à la déesse de la mort, elle était sûre d'être vivante. Elle était soulagée à vrai dire. Elle était certaine que ce n'était pas son heure.

-Que s'est-il passé ? demanda-t-elle. 
-Votre barque s'est retournée quand on est passé tout près. On s'est donc arrêtés et on vous a repêchés. Ton ami a tout fait pour que tu reviennes. On te pensait morte mais visiblement, c'est lui qui avait raison, lui expliqua une personne.

La barque... Des pirates ! C'étaient des pirates qui avait renversé le bateau. Ils étaient donc sur leur bateau. 

-On s'est encore fait capturer ? souffla-t-elle en se redressant.
-Pas cette fois gamine, entendit-elle alors que des pas lourds approchaient. Vous rentrez chez vous ! lança-t-il ensuite.
-Stok loanjikalim e lakr booskoram, Rhiannon, souffla doucement Tiomah en souriant.

The Lost Kingdom [EN COURS]Where stories live. Discover now