XIX.

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 Baghera était sortie prendre l'air dans l'espoir que la nuit apporte un peu de fraîcheur dans cette ville étouffante. Elle s'était trompée. Il faisait aussi putain de chaud qu'en journée. Elle se demanda un moment si ce n'était même pas pire.

Elle aurait pu rentrer se coller devant le ventilo de sa chambre en sous-vêtement avec des glaçons à grignoter, mais ces derniers temps, l'ambiance y était encore plus lourde qu'à l'extérieur.

Depuis qu'Antoine avait ramené Horty endormie de leur escapade aérienne, sa sœur ressassait en permanence la conversation qui avait eu lieu en soulignant chaque mot et chaque détail pour lui prouver que Florence allait finir par la rejoindre et qu'il fallait simplement qu'elle prenne un peu de temps pour y réfléchir.

Sans nouvelles, elle commençait tout de même à douter d'elle-même. Mais elle ne l'aurait admis pour rien au monde. Alors elle s'était plongée dans une passion étrange. C'était quelque chose qu'il lui arrivait souvent de faire. Un moyen de se protéger et d'oublier le monde. Cette fois-ci, elle était retombée dans son étude du mythe du hérisson bleu.

Le magnétophone de leur chambre diffusait en permanence des faits scientifiques sur ces étranges animaux. Horty n'avait jamais été très douée pour la lecture et Onutrem avait bricolé une machine qui pouvait lire à voix haute les livres. Une véritable révolution pour sa coloc. Mais Baghera commençait à en avoir un peu marre d'entendre parler de cette bestiole bleue dont les épines étaient dotées d'étranges dispositions.

Baghera crut entendre un mouvement dans son dos. Elle se tendit.

— Qui est là ?

Aucune réponse. Elle se plaqua contre la caravane la plus proche. Celle que partageait Mynthos et Onutrem.

Elle entendait du bruit vers le chapiteau et savait qu'une petite soirée avait lieu au-dessus du réfectoire. Qui pouvait se promener ici ? Et qui s'amuserait à lui faire peur ?

Elle retint sa respiration et tendit l'oreille. Seul le cliquetis des milliers d'engrenages lui parvint. Est-ce qu'elle avait halluciné ? Est-ce que c'était simplement un engrenage mal huilé qui avait grincé un peu trop fort ? Est-ce que c'était Mynthos et Onutrem qui étaient engagés dans des activités bruyantes ?

Elle ne savait pas pourquoi son esprit avait décidé de formuler la chose de cette manière, mais l'image mentale qui suivit lui arracha un petit cri de dégoût.

Une porte grinça. Cette fois, aucun doute. Tant mieux, elle préférait encore chasser un fantôme que de penser à des gens à poil. Ou du moins à ces gens à poil. Elle avait reconnu le timbre si particulier de l'entrée du réfectoire.

Quelqu'un venait d'y entrer. Quelqu'un qui n'avait pas répondu à son appel. Peut-être qu'elle aurait dû aller chercher des renforts. Si elle avait effectivement à faire à un intrus, ce serait plus sûr. Ils avaient déjà subi des attaques de terroristes anti-altérants. Mais habituellement ZeratoR veillait au grain s'ils parvenaient à passer la barrière que Gius et MoMaN formaient à l'entrée.

Et puis, peut-être tout simplement que c'était un membre sourd. Elle alluma une flammèche dans sa main, par précaution, et poussa la porte du réfectoire. Personne. La lumière était éteinte.

Au-dessus d'elle, elle entendait la soirée battre son plein. Vu les crissements, Rivenzi devait monopoliser la piste de danse. C'était le seul dont les roues pouvaient faire un tel vacarme. Au moins, si elle se trouvait face à un ennemi, elle pourrait toujours crier à l'aide.

La jeune femme alluma la lumière et se mit en quête de dénicher la petite souris qui avait réussi à s'infiltrer. Après avoir fait un tour dans la salle, elle se demanda si elle n'avait pas simplement été victime du seul coup de vent qui avait traversé la ville. Ou si c'était simplement un invité tardif qui était monté à l'étage.

La Troupe des DamnésWhere stories live. Discover now