XXV.

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 Antoine buvait trop. Il le savait. Il l'avait senti au premier verre. Il le sentait autant au quatrième.

— Tu devrais arrêter, lui avait conseillé Ultia au deuxième verre.

— Tu veux le finir ? avait-il proposé avec un sourire méchant.

Elle s'était tue et il s'en était voulu. Elle avait réussi à ne pas toucher à une goutte d'alcool depuis plusieurs mois et voilà qu'il jouait les connards en lui offrant de retomber dans ses travers. C'était vraiment une merde. Et c'était ce constat qui l'avait encouragé à enchaîner sur le troisième.

Après avoir confié la nouvelle à ZeratoR, qui comptait la présenter à tout le monde le lendemain, il avait suivi l'invitation de Ponce à rejoindre la soirée qui battait son plein au-dessus d'eux dans le réfectoire.

— Ça te changera les idées, avait-il lancé avec un sourire.

Ultia avait haussé les épaules, l'air de dire : comme tu le sens. Au fond de lui, il savait qu'il aurait dû refuser. La soirée était déjà assez forte en émotions. Lui qui pensait que la situation avec Rayenne était réglée se rendait compte que c'était loin d'être le cas et lorsqu'il repensait à la prophétie de DFG il avait l'impression d'étouffer.

Il n'avait osé en parler à personne. Pas même à Ultia. Elle avait déjà ses problèmes à gérer et au lieu de l'aider il la poussait au vice. Il devait affronter ça seul. Son arrivée ici avait été assez chaotique pour qu'il n'ait pas envie d'emmerder un peu plus sa famille d'adoption, aussi dysfonctionnelle soit-elle.

Alors il était monté. Il n'aimait pas particulièrement danser et il n'était de toute façon pas un très bon danseur. Mais la musique, l'alcool et les encouragements de Rivenzi eurent raison de lui. Il se laissa aller dans la pénombre réconfortante.

Ultia l'accompagna un moment avant de disparaître. Il croyait se souvenir qu'elle lui disait qu'elle allait se coucher, mais il n'était plus tout à fait sûr. Il n'était plus sûr de rien. Peut-être qu'elle l'avait quitté parce qu'elle s'était rendu compte qu'elle ne voulait pas être avec un pauvre gars comme lui. Tous ses souvenirs tourbillonnaient sans qu'il puisse vraiment comprendre à quoi ils se rattachaient.

Il revoyait ses premières discussions avec le prince Guendil, lorsque son père avait réussi à s'élever assez haut pour qu'ils fréquentent le même bal. Les coups de foudre n'existaient pas. Il n'y croyait pas en tout cas. Pourtant, le courant était tout de suite passé avec le jeune homme. Ils s'étaient recroisés à l'occasion d'autres soirées, de concerts, d'entraînements au maniement des armes... Ils s'étaient tournés autour un moment. Méfiants. Chacun se demandant quelle était la tactique de l'autre. Là-haut, il n'y avait pas de place pour les actions désintéressées.

Puis, il y avait eu le premier pas. Un baiser volé entre deux portes. Un accord muet de n'en parler à personne.

Ils avaient été aussi discrets que possible, mais la discrétion ne suffisait jamais. Les rumeurs avaient commencé à fleurir autour d'eux. Ça avait été la première déchirure dans leur relation. La source des premières tensions. Antoine voulait partir. Ils étaient différents et ils étaient amoureux. Deux choses strictement interdites dans leur monde.

Rayenne voulait rester. Il était héritier du trône, persuadé que sa position lui permettait tout s'il faisait preuve d'assez de patience. Il lui avait demandé d'attendre, lui avait promis de trouver une solution.

Et puis, ce qui devait arriver arriva.

Antoine était en train de jouer du piano. Rayenne avait les yeux fermés, la tête posée sur son épaule. Il faisait doux. Le soleil se couchait.

La Troupe des DamnésDonde viven las historias. Descúbrelo ahora