XLVII.

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 — Ouah, il est vraiment parfait ! s'extasia Baghera.

— Je suis pas certain d'être le gars le plus qualifié pour tendre les cordes, répondit Onutrem, penaud.

Baghera leva l'instrument dans les rayons d'Astra qui avait décidé de pointer le bout de son nez juste avant le repas. Elle avait passé la matinée à sécher tout ce que les diverses fuites avaient imbibé d'eau à travers le camp. Onutrem l'avait interceptée alors même qu'elle se rendait au réfectoire pour lui dire qu'il avait pu avancer sur ce qu'elle lui avait demandé.

— T'es vraiment le meilleur !

— J'ai juste fait les plans, c'est Ponpon qui a fait la majorité du boulot. Et puis, je le redis, mais je suis vraiment pas certain de sa qualité.

— On s'en fout, c'est pour dépanner !

Elle attira Onutrem dans un câlin. Il était toujours un peu mal à l'aise avec ce genre d'effusions, mais en l'absence de témoin il se laissa aller. À cette heure-ci l'atelier était vide, l'appel du déjeuner était trop fort. Baghera regrettait un peu l'ancien bureau de l'inventeur, mais ils n'avaient pas les moyens de lui réserver une salle entière pour le moment et il ne s'en plaignait pas. Il était déjà content d'avoir de quoi travailler après les premiers jours où la faim les avait tous condamnés à se reconvertir dans la chasse et la cueillette.

— Qu'est-ce qu'on ferait sans notre petit ingénieur. Tu veux voir sa tête quand je lui offre ?

— J'ai une boîte si tu veux.

— T'es vraiment le meilleur !

Elle glissa le violon tout neuf dans la boîte en métal qu'il lui tendait et l'entraîna vers la sortie. Elle sentait qu'Étoiles avait du mal à trouver sa place parmi eux. Antoine essayait bien de l'intégrer, mais l'ancien prince ne semblait pas encore prêt à l'accepter en tant que simple ami. Angle avait au moins Horty à coller pour ne pas se retrouver seule.

Le regard fuyant du jeune homme, son air toujours un peu perdu et son sourire un peu niais dès qu'on lui adressait la parole de manière amicale le rendaient attachant. Elle se sentait responsable de lui. Sans elle, elle n'était pas sûre qu'il aurait fini ici. Bon... il n'avait pas non plus trop le choix d'après ce qu'elle comprenait, mais tout de même. Alors elle comptait bien sur ce violon pour lui redonner le sourire. Peu importe que le son soit nul.

Elle aurait préféré pouvoir l'accompagner au piano, mais ça demandait déjà plus de matériaux et de préparation. Et puis plus de place. Le camp était loin d'avoir retrouvé sa gloire d'antan. Ça finirait sûrement par arriver, elle devait simplement prendre son mal en patience.

Le brouhaha des discussions se fit de plus en plus fort alors qu'elle s'approchait du bâtiment qui servait de cafétéria. Elle regarda les petits groupes qui se faisaient servir et discutaient un peu avant d'aller s'asseoir sur les marches en bois ou les quelques bancs. Les plus aventureux tentaient d'utiliser des coins d'herbe humide.

Pas d'Étoiles en vue. Pourtant il devait bien être là, il lui était formellement interdit de sauter des repas. DamDam avait commencé à cerner son organisation de vie un peu chaotique et lui avait fait comprendre qu'ici on n'avait pas le temps pour se plier à ses particularités. Pour le moment du moins. Alors il avait adopté le rythme de la troupe.

Onutrem tapota sur son épaule et lui désigna la cafétéria. Elle plissa les yeux. Il était effectivement là, en train de servir les repas, dans un tablier trop grand pour lui avec un nœud sur le côté.

Elle resta un moment sans bouger. L'image était si absurde qu'elle avait du mal à y croire. L'ancien prince du pays qui faisait la cuisine ? Et bah au moins, on ne pouvait pas lui reprocher de ne pas essayer de s'intégrer.

La Troupe des DamnésWhere stories live. Discover now