XLI.

97 8 7
                                    

 La ville était en feu. Baghera suivait OP à travers les ruelles en tentant de se calmer. MV fermait la marche avec Trivia.

Ponce avait laissé entendre que c'était la seule solution pour libérer les autres et elle avait accepté un peu trop vite. Voir les îles volantes s'écraser sur la ville était effrayant. Les cris des victimes lui perçaient les oreilles. Elle avait envie de s'excuser. De demander pardon à tous ces innocents.

— C'est nous ou eux, avait répondu Ponce lorsqu'elle avait posé la question des dommages collatéraux.

Il avait raison. Elle savait très bien que s'ils n'agissaient pas, Horty et tous les autres allaient être exécutés sur la place publique.

Au milieu des cris et de la poussière, elle entrapercevait parfois les affiches qui annonçaient les festivités à venir. Comment pouvait-on se réjouir ainsi de leur mort ? Étaient-ils terrifiants à ce point-là ?

— On y est bientôt, annonça OP.

Au milieu du chaos, ils passaient inaperçus. Des hommes, des femmes et des enfants couraient dans tous les sens en hurlant ou en pleurant. Et c'était de sa faute. C'était elle qui avait fait exploser le générateur de la ville haute comme Ponce lui avait indiqué. C'était elle qui avait détruit leur vie en un instant.

Baghera commençait à reconnaître les alentours. Ils approchaient de leur ancien campement. Il leur était bien sûr impossible de récupérer leurs maisons à roues après tout ça. L'idée était simplement de sauver un maximum de ressources avant de fuir dans le désert.

Ils débouchèrent sur la place qui leur avait été assignée quelques semaines plus tôt et s'arrêtèrent net. Le cœur de Baghera se serra. Elle sentit les larmes lui monter aux yeux.

Il ne restait rien, ou presque, de ce qu'ils avaient construit. Le bois noirci par les flammes ne fumait même plus. Des insultes avaient été taguées un peu partout. MV posa une main sur son épaule.

— Ça va aller ?

Elle acquiesça. C'était faux. Ça n'irait pas. Pourtant, elle savait qu'on les détestait. Elle le savait quand on l'avait privé de nourriture pendant des jours entiers lors de son séjour dans un camp. Elle le savait quand des enfants s'amusaient à jeter des pierres sur leur convoi, encouragés par leurs parents. Elle le savait... et pourtant elle avait refusé de le croire.

— C'est eux ou nous.

La phrase de Ponce ne laissait pas de place au doute, et pour la première fois elle perdit l'espoir qui l'avait toujours animé. Celui d'une réconciliation pacifique. C'était ce que ZeratoR prônait, l'apaisement. Et voilà où ça les avait menés...

Elle fit quelques pas au travers des décombres, les larmes coulant sur ses joues. Les cris ne l'atteignaient plus. Ou alors c'était elle qui les poussaient ? Elle n'était plus sûre de rien. Quelqu'un reniflait. Peut-être Trivia ?

Ses pas la guidèrent naturellement vers la voiture qu'elle et Horty avaient occupée.

— On va voir si on peut récupérer des choses, prends ton temps.

Baghera ne répondit pas alors que MV et OP s'éloignaient pour la laisser seule. Pas de traces de Trivia, elle devait admirer avec la même impuissance la roulotte qu'elle occupait avec Gom4rt et PV.

Plus rien. Les dessins qu'elle avait faits pour décorer leur chambre ? Partis en fumée. Les livres qu'elle avait lus à voix haute à Horty pour la calmer ? Disparus... avec un peu de chance, des gens avaient eu le temps de piller les lieux et les histoires du hérisson bleu iraient éclairer d'autres foyers.

Elle s'arrêta vaguement sur les restes fondus de la machine qu'Onutrem avait élaborée pour Horty. Toutes ces heures qu'il avait passé pour lui faire plaisir, envolées en une seconde.

La Troupe des DamnésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant