XLV.

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 ZeratoR ouvrit doucement les yeux. Il était sur un vrai matelas à présent. La troupe était peut-être passée proche d'une ville. Ou alors elle l'avait fabriqué. Après les événements récents, une vague de réutilisation des altérations s'était mise en place pour survivre loin de tous.

Le mage noir en avait des échos lors de ses réveils intermittents. Son corps accusait le départ soudain de l'Autre et de tous ses hôtes. Il avait mis plusieurs jours à reprendre connaissance depuis sa nuit dans le désert et ça n'avait duré que quelques minutes. Le temps pour Ponce de l'embrasser, de lui faire avaler autant de nourriture que possible et de lui dire qu'il l'aimait. Il n'avait pas tardé à sombrer à nouveau, toujours aussi épuisé, mais au moins rassuré de savoir que certains d'entre eux s'en étaient sortis. Il pleurerait les autres plus tard.

Peu à peu, il reprenait des forces et passait moins de temps dans les étranges rêves qui peuplaient ses nuits un peu trop longues.

Il avait reçu la visite d'à peu près tout le monde à mesure qu'il se remettait. Consolant les uns, rassurant les autres, mais surtout se sentant soutenu de toute part. Il voyait dans le regard de tous le soulagement de ne pas l'avoir perdu et il voyait l'air de Ponce qui semblait lui répéter : tu vois qu'on a besoin de toi, espèce d'idiot.

Il avait encore du mal à s'habituer au silence. À l'absence de voix constante qu'il s'était efforcé de considérer comme lui appartenant pour ne pas devenir fou. L'Autre était bel et bien parti. Il avait emporté avec lui l'un de ses amis les plus chers, mais il s'en était allé.

Au départ, ZeratoR n'y croyait pas. Puis il avait été forcé de se rendre à l'évidence. Alors il s'était mis à repenser à ce qu'il s'était passé. Au sacrifice de MV. C'était trop parfait pour être un coup de chance. Et la seule personne qui savait comment l'éliminer était un certain mage qui maniait le bois à la perfection.

Jusqu'à présent il avait gardé ses théories pour lui. Il n'avait pas particulièrement envie de s'infliger une discussion désagréable. Ces derniers temps ils avaient assez souffert pour ça. Il avait même tenté d'oublier cette hypothèse, mais c'était vain. Il fallait qu'il soit fixé.

Il se redressa doucement. Lors de ses premiers réveils, il avait fait l'erreur de vouloir aller un peu trop vite et la nausée qui allait avec la précipitation lui avait appris la patience.

Il avait vu le camp se reconstruire par morceau. D'abord un toit était apparu au-dessus de sa tête. Puis un oreiller de feuilles. Finalement, une réelle roulotte s'était construite, presque digne de celle qu'il occupait avec Ponce dans ce qui semblait être une autre vie. Dans celle-ci, ils n'avaient pas le luxe d'être seuls. Tous les autres blessés la partageaient. Mais plus les jours avançaient, plus les lits se vidaient.

Aujourd'hui, il n'y avait plus que celui d'Étoiles qui était encore destiné à un patient. Entre sa transformation extrême et son diabète, il avait failli y passer lui aussi. Contrairement à Zera, il avait repris possession de ses moyens depuis bien longtemps. Il était ici en observation. La place libre autour d'eux avait tout de suite trouvé une utilité et la voiture d'infirmerie s'était transformée en salle de stockage.

L'oiseau princier n'était pas là, ce qui n'était pas surprenant. Il n'avait pas particulièrement de raison de passer ses journées ici. Même si ZeratoR avait l'impression que le jeune homme faisait aussi un peu de zèle pour tenter de ne pas croiser sa route. Là aussi une discussion s'imposait. Sûrement moins déplaisante que celle avec Ponce.

Il enfila un pantalon et un t-shirt. Dehors, des voix résonnaient. Des voix joyeuses. Vu la lumière qui filtrait à travers les volets, on devait être en début d'après-midi. Des chants d'oiseaux perçaient l'air. Ils étaient donc de nouveau dans une forêt. Tant mieux, c'était un terrain où ils avaient l'avantage.

La Troupe des DamnésWhere stories live. Discover now