XXIX

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 Florence grignotait les barres chocolatées du prince héritier. Elle se demandait à quel point son absence avait été remarquée. Elle avait déjà la réputation de n'en faire qu'à sa tête, avec un peu de chance, on mettrait ça sur le compte d'une de ses énièmes fugues.

Elle n'avait aucune idée de ce qui s'était passé pendant son confinement dans la salle de bain. Elle avait perçu la vibration des pas et était quasiment sûre que c'était le roi qui était venu tirer son neveu du lit. Après avoir attendu sans bouger pendant un moment, elle avait osé s'aventurer dehors pour trouver la chambre vide.

Elle était prise au piège. Aucun espoir de se faufiler par la fenêtre en plein jour et passer par le palais sans se faire repérer était tout aussi impossible. Elle avait donc pris son mal en patience, attendant que le prince revienne et l'aide à se sortir de ce guêpier. Le soleil commençait doucement à se coucher.

Ses pensées revenaient invariablement vers Horty et vers la troupe... Depuis qu'elle lui avait rendu visite, elle sentait de plus en plus ses convictions se fêler. Elle n'avait jamais été à sa place. Elle n'y serait jamais. La vie en bas était difficile... mais est-ce qu'ici c'était vraiment mieux ? Elle et Antoine n'avaient échangé que quelques mots quand le disgracié lui avait expliqué les endormissements subits d'Horty. Quelques mots qui avaient suffi à la convaincre qu'il était tout sauf profondément malheureux là-bas. Et il n'avait même pas son petit-ami... Alors qu'elle avait Horty.

L'idée qu'elle avait l'habitude de rejeter d'un mouvement de poignet commençait à prendre de plus en plus de place dans son esprit. Mais ça voulait dire abandonner Rayenne. Certes, il n'était pas parfait, mais c'était le seul ami qu'elle s'était fait dans cet univers. Si elle le laissait seul... elle n'imaginait même pas ce qu'il deviendrait. Il avait beau prétendre qu'il n'avait besoin de personne, il mentait à tout le monde et surtout à lui-même. Il avait été bien content qu'elle vole à son secours la nuit dernière.

Alors qu'elle se levait pour jeter l'emballage de la sucrerie, elle repéra le mouvement de la porte qui s'ouvrait.

Merde.

Elle se jeta derrière le lit en espérant de toute ses force que ce ne soit pas un serviteur qui avait décidé de désobéir au prince pour venir remettre de l'ordre dans sa suite.

Plaquée au sol, elle reconnut les bottes militaires qui entrèrent dans son champ de vision et se redressa.

— C'est pas trop tôt, signa-t-elle.

Rayenne eut un mouvement de recul face à son étrange entrée, mais il ne sourit pas.

— Il faut qu'on aille en bas, expliqua-t-il rapidement. Qu'on leur dise de partir.

— Quoi ? Il se passe quoi ?

— Le conseil de sécurité a voté une motion pour arrêter la troupe entière. Ils prévoient une exécution publique après une condamnation truquée, pour faire un exemple.

Le cœur de Florence se serra. Elle avait déjà assisté à des exécutions publiques. Les condamnés étaient placés sur une plateforme surélevée au-dessus de la grande place. Ils devaient demander pardon pour leur crime avant d'être mis à genoux, un sac sur la tête... puis un coup de feu dans la nuque.

Elle en voulait à son imagination de se représenter aussi bien une Horty qui tenait à peine debout après son emprisonnement. Elle ne voyait que trop bien le regard que la jeune femme jetterait vers la tribune des nobles. C'était impossible.

Elle se remit debout.

— Comment on descend ? demanda-t-elle.

Rayenne fouilla dans son placard et jeta des vêtements en direction de la grande comtesse.

La Troupe des DamnésWhere stories live. Discover now