XXXIII.

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 Horty tremblait. Il avait fallu un certain talent aux architectes pour rendre cette prison glaciale alors que la ville était l'une des plus chaudes du pays et qu'il fallait littéralement traverser un désert pour y parvenir.

Décidément, on sous-estimait beaucoup la puissance cachée des courants d'air...

Autour d'elle, la plupart des autres détenus dormaient. Comme d'habitude, elle était en décalage. Depuis qu'elle avait mis le pied ici, son sommeil était de plus en plus chaotique. Le fait qu'on lui ait confisqué ses bouchons d'oreilles jouait pour beaucoup. Plus aucun moyen de fuir le cliquetis constant de la ville auquel s'ajoutaient les ronflements, les cris, les pleurs et les crissements de métal de la vie pénitentiaire. Les bracelets inhibiteurs qu'elle portait au poignet et qui résonnaient à chaque fois qu'ils s'entrechoquaient parce qu'elle oubliait leur existence n'aidaient pas.

Un mouvement attira son attention. C'était Ultia qui venait vers elle. Horty se décala pour lui faire une place.

— C'est toi qu'es de garde ? lui demanda-t-elle à mi-voix.

— Oui. Je suis pas debout pour le plaisir.

Horty eut un petit sourire, d'autant plus honnête qu'Ultia avait ramené son propre drap et qu'elle accueillit avec joie ce surplus de chaleur.

Les tours de garde avaient été mis en place dès le premier soir où Rivenzi avait été pris à parti par d'autres prisonniers qui voyaient d'un mauvais œil cette cohabitation avec des altérants. Même ici, ils étaient vus comme des moins que rien. Apparemment, tuer des gens était moins grave que de naître différent. Une bonne ambiance.

— Toujours insomniaque, toi ?

— Comme tu peux le voir.

— Si tu veux, on te met de garde. Je suis sûre que la responsabilité, ça t'aidera à bien dormir.

Horty eut un petit rire.

— Le pire, c'est que c'est vrai... répondit-elle. Je suis vraiment la pire.

— Rohh, mais non, tu peux pas dire ça alors qu'Antoine existe.

Horty eut un pincement au cœur. Elle se dit que c'était sûrement le moment de prendre Ultia dans ses bras. Elle savait bien que ce genre de blague était un moyen pour elle de se rassurer. Personne ne savait ce qu'était devenu Antoine et les rumeurs étaient peu prometteuses... Il en allait de même pour Baghera, mais Horty s'interdisait d'y penser. Baghera allait bien. Baghera allait survivre parce qu'elle était forte et incroyable et que c'était la meilleure sœur qui soit.

Et puis Pouic s'était échappé. Il serait adopté par une famille d'ici qui lui donnerait de l'amour. Elle l'avait décidé.

Sa tentative de rapprochement fut un échec.

— Je sais pas ce que t'essayes de faire, mais vire ta main froide de mon épaule, grogna Ultia.

— Désolée... j'essayais juste de... enfin... tu sais on sait pas encore ce qui est arrivé à Antoine. Ça se trouve, il vit sa meilleure vie avec son ex là.

— Génial, Horty. C'est vraiment un bon moyen de me remonter le moral. T'es douée.

Horty ne put empêcher ses épaules de se contracter de gêne. Comment est-ce qu'elle avait pu dire ça ? Elle retira sa main, non sans noter au passage qu'Ultia avait maigri. Comme eux tous. C'était fou ce qu'une semaine pouvait infliger à un corps.

— Il est vivant et il va bien.

C'était Riv qui avait parlé, faisant sursauter les deux jeunes femmes. Il se hissa habilement sur le lit. On lui avait confisqué son fauteuil et il n'appréciait pas particulièrement d'être porté, alors il s'était résolu à ramper aussi rapidement que possible. Et il était très doué.

La Troupe des DamnésWhere stories live. Discover now