XX.

130 12 5
                                    


 Rayenne avait l'impression que tout son monde s'était métamorphosé en moins d'une heure. Tout ce en quoi il avait cru, tout ce qu'on lui avait appris, tout ce qu'il s'était imaginé. En quelques minutes il n'en restait plus rien.

Il avait essayé pourtant. Il avait essayé de toutes ses forces de voir ces gens comme des monstres. Des monstres qui n'avaient pas eu la chance de naître assez importants et riches pour pouvoir se payer un remède.

Et ça avait été facile. Voir Antoine l'oublier aussi facilement alors que lui le pleurait, ça prouvait bien qu'il n'avait pas vraiment de cœur. Et puis... on avait tenté de le tuer. Ce fameux... Ponce ? Quel nom étrange. Encore une pratique qu'il ne comprenait pas. En revanche, ce qu'il avait compris, c'était le discours de l'homme au nom étrange en question.

Ces mots n'auraient pas dû le toucher... Il aurait dû pouvoir les oublier facilement. Il n'était coupable de rien. Lui n'avait jamais rien ordonné. Au contraire, il attendait simplement de pouvoir arriver au pouvoir pour soigner tous les altérants. Trouver un remède moins coûteux et violent. Faire en sorte qu'ils soient enfin comme les autres. Se débarrasser de ce problème une fois pour toutes.

Mais pourquoi est-ce qu'ici ils avaient l'air d'être comme les autres ?

— Ça va toujours ? lui demanda Baghera.

Encore un nom étrange. La jeune femme blonde à qui ZeratoR l'avait confié s'appelait Baghera Jones... Qui s'appelait comme ça ?

Elle avait pris son rôle de guide très au sérieux, et le baladait dans cet étrange monde en prenant soin d'éviter les rencontres.

— Oui... mais j'ai toujours mal, ça met combien de temps à agir votre truc ?

— Pas longtemps, normalement... C'est bizarre que ça soit aussi lent avec toi.

Rayenne ne répondit pas. Peut-être qu'il avait effectivement été empoisonné sans s'en rendre compte. Il avait baissé sa garde trop vite. Il s'était laissé avoir.

— Donc, du coup, là c'est la salle de concert. En fait, comme on tourne entre plusieurs spectacles, on monte des chapiteaux et des salles différentes. Surtout quand on reste longtemps comme ici. Même si bon, tout le monde préférerait partir vite.

— Ah ? Vous aimez pas la ville ?

— Ah non. Enfin, y a peut-être quelques gens qui aiment bien y passer pour récupérer certains trucs, mais être parqués dans un coin comme dans un zoo, c'est pas incroyablement fun, on va pas se mentir. Et encore, cette fois on a eu de la chance, ça sent pas trop la pisse.

— La pisse ?

— Ouais, normalement on nous refile vraiment les pires lieux.

— Ça peut être pire que ça ?

Le prince héritier se rendit tout de suite compte que sa remarque avait quelque chose de déplacé. Forcément que ça pouvait être pire. Pourquoi est-ce qu'il avait dit ça ? Elle allait penser que ce n'était qu'un petit con prétentieux, et le pire c'est qu'elle aurait raison.

— Oh bah oui, répondit-elle simplement. Moi, c'est la première fois que je viens ici avec la troupe, mais les anciens disaient qu'avant ils nous avaient parqués sur une sortie d'égouts. Ils arrêtaient pas de diffuser du parfum pendant les spectacles pour essayer de garder le public. On a plus le droit d'utiliser de l'essence de rose tellement ça a traumatisé tout le monde.

Tout en parlant, elle tira la tenture qui menait vers la fameuse salle de concert. C'était là où Rayenne avait aperçu Antoine en compagnie de sa nouvelle... en compagnie. Elle ne méritait sûrement pas la vulgarité qu'il s'apprêtait à penser. Ou peut-être que si, cette chienne.

La Troupe des DamnésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant