XXVI.

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 Rayenne fronça les sourcils lorsque la lumière l'atteignit en plein visage. Il n'oubliait jamais de fermer ses rideaux, d'habitude.

Il ouvrit les yeux en grognant et retint un cri de terreur lorsqu'il vit une silhouette sortir de la salle de bain.

— Bien dormi ? signa Florence.

Qu'est-ce qu'elle faisait là ? Lentement, l'esprit embrumé du jeune homme reconstitua la soirée qu'il venait de vivre. Il avait l'impression qu'elle avait duré des jours. Sa confrontation avec Antoine, Ponce qui essayait de le tuer, ZeratoR qui lui faisait la morale, Baghera qui jouait avec lui... et un homme qui lui avait rendu son altération sans lui demander son avis.

— Oui... je crois, répondit-il.

— Tu te sens comment ?

Le prince mit un instant à répondre. Il se sentait... bien ? Pas de brûlure latente, pas de vertige inopiné, pas de fatigue.

La seule chose qui gâchait cet état des lieux parfait c'était la démangeaison de son bras droit, il était bandé. Des images de la veille lui revinrent en tête et il fut pris d'un vent de panique : il ne s'était pas repiqué depuis son retour, sa mutation pouvait prendre le dessus à n'importe quel moment.

Il fonça vers son armoire et récupéra la précieuse boîte dans l'étui à violon. Il prépara son injection sous le regard compréhensif de Florence.

— Je voulais te la faire hier soir, mais tu t'es endormi trop vite et je pensais que t'avais besoin de te reposer, se justifia-t-elle.

— C'est pas grave, t'en fais pas.

— J'ai essayé de nettoyer les plumes et tout...

— Merci...

Tout était prêt. Il hésita un moment. Il ne voulait pas que Florence le voie dans cet état. D'un autre côté, elle avait vu pire la veille.

— Je vais dans la salle de bain le temps que ça passe, viens me chercher quand c'est fini, comprit-elle.

— Merci... je... je suis désolé. Pas que pour ça, pour tout. C'était injuste.

— On en parle après... Je pense qu'on va avoir beaucoup de choses à se dire. C'est déjà bien que t'aies recommencé à signer.

Elle sourit et s'éclipsa en prenant soin de fermer la porte derrière elle.

L'aiguille s'enfonça dans sa chair. Bien plus épaisse que celle de l'insuline. Il serra la mâchoire et s'empoisonna en silence.

La douleur explosa. Il fixa les yeux vers le soleil levant. Peut-être aurait-il dû demander à Florence de rester. Peut-être qu'une distraction aurait été la bienvenue. Faute de quoi son esprit avait décidé de rejouer son aventure nocturne.

Sa peau avait l'air de fondre sur ses os et il repensait au sourire de Baghera qui le taquinait parce qu'il ne savait pas jouer en duo. Il repensait à ZeratoR et à ce sourire rassurant et protecteur. À la manière dont il parlait de ce groupe.

Eux n'avaient pas besoin de se cacher. Ils n'avaient pas besoin de souffrir. Ils étaient là, ils se montraient au grand jour, placardaient des affiches de partout. Il les haïssait. Il voulait les détruire. C'était injuste. Tellement injuste.

Il les imaginait là en bas. En train de se réveiller doucement en plaisantant. Il se remémorait Antoine qui devait toujours se glisser discrètement en dehors de sa chambre avant que le soleil ne les surprenne.

Maintenant il devait pouvoir traîner au lit autant qu'il le voulait avec cette femme brune dont il ne voulait même pas connaître le nom. Qu'est-ce qu'il avait fait pour mériter ça ? Rien. Lui, il était resté, il avait fait de son mieux pour rentrer dans le moule, il s'était tordu et brisé pour occuper la place qui lui était réservée. Qu'est-ce qu'Antoine avait fait ? Il avait fui. Il avait choisi la solution de facilité. Parce que lui pouvait fuir. Et il avait essayé de l'entraîner dans sa chute.

La Troupe des DamnésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant