Plonger dans tes yeux

De l'autre côté du mur...

La pièce était sombre, Flora fut la première à y pénétrer. Elle se dirigea immédiatement vers la vitre sans tain et s'y colla, les mains tremblantes. Dans le silence de cet instant, on ne pouvait qu'entendre le souffle haletant de la vieille dame. Par pudeur,même le spécialiste loquace ne broncha pas. Liam s'avança et se plaça près de sa mère qui avait la main posée sur la parois, des larmes déferlant sur ses joues creusées. De l'autre côté, Rose était paisiblement installée regardant le programme télé et ignorant tout du paradoxe qui se déroulait de l'autre côté du mur.

Romane trouva la scène surréaliste, elle n'était sans doute pas la seule. Justine et elle s'échangèrent de nombreux regards interrogateurs, se demandant comment réagir. Impuissantes, elles n'osaient ni intervenir, ni s'approcher par pudeur pour Flora prise de pleurs spasmodiques.

— Je vous propose de sortir un moment, décida le médecin bien avisé.Laissons madame Laurence avec son fils, afin qu'elle puisse se calmer avant de voir sa sœur.

Les deux femmes acquiescèrent, approuvant le bon sens du docteur. Avant de quitter la pièce, Liam tourna le visage vers Romane et l'expression qu'elle put y lire lui était inconnue jusque là, l'inquiétude...Flora dans ses bras sanglotait toujours.

— Allons prendre un café, il ne faut rien précipiter pour le moment, exprima le médecin.

— C'est un choc pour madame Laurence, elle a besoin d'un peu d'intimité, exprima l'infirmière.

— Oui bien-sûr, je vous remercie de votre humanité et de votre bienveillance, congratula Romane à l'intention des deux soignants.

Les couleurs chatoyantes de l'espace détente vinrent dissoudre l'ambiance pesante qu'ils venaient de vivre un peu plus tôt. Tous trois buvaient leur café sans piper mot, comme pensifs.

— Et vous mademoiselle Saint-Clair, comment allez-vous ? Demanda soudain le médecin en s'adressant à Romane.

D'abord surprise que l'on s'intéresse à ses états d'âmes, la jeune femme partit dans une introspection afin de faire le point sur la situation.

« Humm, j'ai découvert une nouvelle famille depuis trois semaines... se dit-elle. Ma mère est une riche héritière amnésique qui souffre d'une maladie incurable...Ma tante est le sosie de ma mère... Mon cousin officiel est...mon amant. J'ai été adoptée par Rose & Charles, mais j'ai peur de l'avouer car je crains d'être rejetée... J'ai promis d'aider à retrouver la tombe d'une femme décédée, il y a soixante-douze ans, pour qu'elle repose en paix avec son grand amour... Voyons ais-je oublié quelque chose ? Euh oui, pendant qu'on y est retrouver mes géniteurs ! » Elle fixa l'homme dans les yeux :

— Tout va bien pour moi, merci ! répondit-elle simplement et sûre d'elle.

— Très bien, acquiesça le médecin avec un petit sourire. Son œil vif et son empathie naturelle ne le trompaient jamais, il savait déceler les non-dits, mais bien que la jeune femme puisse avoir des raisons de craquer, visiblement elle ne s'en sortait pas si mal.

— Puis-je vous poser une question Romane, vous me permettez de vous appeler Romane ? Poursuivit Justine.

— Oui évidemment, opina l'intéressée ravie.

— Savez-vous si Flora a été dépistée pour la maladie d'Alzheimer ?

— Euh non...pourquoi ? Questionna-t-elle les yeux ronds.

Le spécialiste prit la parole interpellé par cette question. Cette maladie, il la connaissait par cœur, depuis des années.

— Il existe une étude en Suède, commença-t-il. Elle a été menée sur des milliers de jumeaux et a mis en évidence le caractère génétique des risques. Il s'interrompit un instant pour s'éclaircir la voix :