On the road

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Lunettes de soleil, cheveux au vent, Romane avait pris la route au volant d'une Fiat 500 rouge Pasodoble, louée pour les vacances. Elle filait à bonne allure vers le sud-ouest de la France, profitant du petit jour et de ses couleurs dignes d'un tableau. Dans quelques heures, elle franchirait la porte de la maison d'hôte tenue par la tante Claudine, la citronnade devait déjà être au frais à l'attendre.

Quatre jours déjà étaient passés. Un silence radio général, la faisait parfois douter de sa bonne santé mentale, se demandant si tous ces nouveaux protagonistes venus étoffer son univers, n'étaient pas tout simplement nés du fruit de son imagination.

Une heure venait de débuter et comme à chaque nouvelle heure, le journaliste de la station FM diffusait les informations d'une actualité sordide. Bien décidée à ne laisser entrer aucun nuage dans son beau ciel bleu du jour, la conductrice pressa l'écran digital pour sélectionner une playlist aléatoire. Aussitôt, les « Brigittes » se mirent à susurrer, un air qu'elle affectionnait, « A bouche que veux-tu ».

Le rythme, les notes cristallines, les voix de sucres...et soudain ces paroles... oui, ces paroles ; qui absorbèrent son attention et résonnèrent en elle. Elle aurait indéniablement pu les prononcer, pour lui... lui qu'elle ne parvenait pas à sortir de sa tête.

En avait-elle envie ? Là était la question. Il l'obsédait, lui prenait la tête à en avoir mal. Pourtant, son image, le timbre de sa voix, l'odeur de sa peau étaient immuablement en elle, malicieusement mêlés à son être tout entier. Le mot « Amour » avait pris une forme inédite alors et depuis elle savait qu'elle ne serait plus jamais la même.

« Je le veux, se dit-elle, mais pas comme un amant, pas une aventure ! Il est l'homme de ma vie, peut-être le père de mes enfants aussi ».

La rencontre entre Liam et Romane ne datait que de quelques semaines, mais la jeune femme était marquée au fer rouge de ses caresses, de cette présence si particulière. Désormais, le monde s'éclairait à ses côtés,l'avenir lui ouvrait une porte.

La décision de ne pas passer la nuit dans ses bras, quelques soirs plus tôt, avait été un vrai supplice, mais elle se félicitait d'avoir su résister à la tentation. Elle ne jouait pas, elle savait parfaitement où elle allait, elle plantait les bases d'une relation durable. Un sourire éclaira son beau visage, elle se réjouit de cette détermination à franchir des montagnes pour lui, pour eux.

Un « bip bip » vint la tirer de sa rêvasserie, déjà deux heures qu'elle roulait.Elle ignora la consigne de pause suggérée et poursuivit son itinéraire. Dix minutes plus tard, un SMS vint de nouveau la rappeler à l'ordre. La tante informée de son horaire de départ, s'assurait à son tour, et comme à son habitude, que son unique nièce arrive entière en respectant les arrêts recommandés. La jeune femme prit la première sortie, répondit au message de la tantine et alla prendre un café bien mérité. Des accents anglais, venus d'un groupe de touristes, vinrent titiller son ouïe, l'arrachant à une scène de contemplation de deux amoureux qui se partageaient un croissant. L'envie irrépressible, d'entendre le son de « sa » voix se fit soudain pressante. Le souffle court et envahie d'une sensation proche du manque, elle frissonna malgré la température qui grimpait déjà. Pour toute résolution,elle repartit s'installer derrière le volant de la voiture et reprit la route.

En fin de matinée, elle se gara enfin sur l'un des emplacements de parking réservés à la clientèle de la maison d'hôte. Aussitôt, Claudine sortit.

— Bonjour ma chérie ! Viens ici que je t'embrasse ! s'écria la femme.

Romane s'exécuta. Sa parente avait toujours été très tendre avec elle, d'ailleurs la jeune femme était convaincue de la mère formidable qu'elle aurait faite si elle avait eu des enfants. La nièce avait malgré tout, la sensation que celle-ci nourrissait des regrets.

***

Bien des années avant, la jeune Claudine avait fait un bon mariage – au sens où ses parents l'entendaient – en s'unissant avec un garçon prometteur, plein d'avenir : Gaspard Cardon.

Effectivement, son époux était issu d'une famille respectable, aux yeux des Saint-Clair, plaçant l'ambition sociale au centre de ses préoccupations, tout comme ils le prônaient eux-mêmes. Après des études de commerce, Gaspard avait placé son pécule dans un projet innovant pour l'époque : une supérette.

Le couple avait alors travaillé dur, ne ménageant pas leurs efforts pour faire fructifier leur affaire, sans fériés, ni vacances. Les années étaient passées, le commerce s'était développé ainsi que le nombre d'employés. Gaspard était un homme pingre, considérant que le labeur de son épouse ne valait pas d'être souligné car le simple fait d'avoir eu l'honneur de s'unir à lui était déjà une récompense en soi. Claudine débordée, avait peu à peu mis de la distance avec ses proches, complètement submergée par le bon désir de son mari. Parents et beaux-parents les visitaient toujours pour les fêtes de fin d'année, ce qui était l'occasion pour Gaspard de se glorifier de sa belle réussite. Quant à son frère Charles et son épouse Rose, ils n'étaient pas les bienvenus, les parents Saint-Clair n'approuvant pas l'union de leur fils avec cette fille sortie de nulle part. Leur garçon avait tenu tête, même face aux menaces de déshéritage, il avait choisi la voie du cœur et l'assumait parfaitement. Claudine n'avait alors pu qu'entretenir une relation épistolaire avec son frère, dans le dos de son époux tyrannique qui la poussait à couper les ponts...

Puis l'épuisement finit par rattraper la femme. Le médecin de famille ordonna un repos urgent loin de la supérette afin qu'elle se refasse une santé. Claudine saisit alors l'occasion pour écrire à son frère qui l'accueillit avec joie au sein de son foyer. La défaillance de Claudine fut vécu par son mari comme une trahison et c'est sans aucun remords qu'il se rapprocha d'une des employées en son absence. Dès lors et en guise de repos préventif, Claudine fut envoyée visiter son frère chaque été, permettant ainsi à Gaspard de s'offrir des libertés avec sa maîtresse.

Puis le mariage sans amour tourna au vinaigre et un jour, Claudine fut congédiée de chez elle, pour que son employée perfide prenne sa place...

De cette union désastreuse, ne lui restèrent que les années perdues ainsi qu'une somme d'argent. Comme tous les étés Charles, Rose et Claudine prenaient la direction du Périgord pour les vacances, c'est tout naturellement qu'elle choisit de s'y installer, pour se lancer ensuite dans une activité de chambre d'hôtes.

***

Romane s'installa dans la chambre qui lui avait été réservée, sous les yeux enchantés de sa parente. La jeune femme adorait cet endroit, elle s'y sentait comme chez elle. C'était le lieu idéal pour un repos bien mérité et en plus, elle aurait tout le loisir de découvrir les secrets de Claudine...

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Romane arrive chez sa tante, peu loquace au téléphone

Nous en apprendra-t-elle plus sur les moments passés

chaque été avec Rose et Charles....


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