Itinéraire d'une vie sacrifiée

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Chaque année, chaque mois, chaque minute avait pesé comme un supplice chinois, venant ajouter des remords aux regrets, maudissant le jour d'une décision aux conséquences désastreuses dans la vie de cette femme. L'heure de la libération avait sonné, face à elle-même et au déni d'une existence, prête à libérer la vérité et à en payer les conséquences...

Claudine prit une grande inspiration :

— Je vais te parler de ta mère, de qui elle était et de ce qui l'a poussé à faire le choix qu'elle a fait, prononça-t-elle résolue.

La mine renfrognée, Romane lui lança un regard noir. Elle s'apprêtait à ouvrir la bouche quand sa parente la coupa.

— Laisse-moi parler, écoute ce que j'ai à te dire ! La voix de Claudine fut tranchante, ne laissant pas place à la riposte. Son visage avait pris un masque grave, sa bouche tremblée. Elle respira profondément une nouvelle fois pour se donner de l'assurance, puis elle adopta une posture franche, lucide sur ce qui découlerait de ses aveux, il n'était plus question de se défiler, elle devait dire la vérité...

— Ta mère biologique était une jeune fille de bonne famille, très respectueuse de ses parents, de leur éducation et leurs principes.

Romane leva un sourcil, accompagné d'une moue blasée.

— C'était une époque bien différente d'aujourd'hui, obéir était un devoir ! Appuya Claudine. C'est dans ce contexte qu'elle épousa un homme plus âgé, pour qui elle n'avait pas de sentiment mais qui promettait de faire un bon mari... surtout c'était un bon parti aux yeux de sa famille.

Romane avait baissé la tête, faisant des grimaces de dégoût en réaction aux informations qui se distillaient dans son esprit embrumé.

— Comment l'as-tu connu ? formula-t-elle alors comme un ordre.

La main de Claudine tressaillit, son aplomb se fêlait.

— Ne m'interromps pas... souffla la tante, d'une voix presque agonisante avant de continuer. Son mariage fut malheureux, elle ne manquait de rien matériellement parlant, mais ne connût pas l'amour... précisa-t-elle en déglutissant avec difficulté. Ses parents étaient satisfaits de sa dévotion. L'époux qu'ils lui choisirent, avait le sens des affaires et la réussite financière qui en découla, rejaillit sur eux avec fierté et honneur. Ils se gargarisaient auprès de leurs connaissances, montant aux nues les qualités de leur gendre et occultant complètement le bonheur de leur fille.

Claudine marqua un temps, se passant la main sur le front. Pas de fièvre malgré les symptômes qui l'assaillaient, juste des phrases difficiles à libérer, des mots lourds à accoucher.

— Les années passèrent, le sens de sa vie s'obscurcit alors que la bonne fortune du couple s'amplifiait. Elle tomba malade et devint un poids pour son mari absorbé par son commerce.

— Et j'arrive quand moi ? pressa la nièce. Tu sais, ce n'est pas la peine de me la faire façon « misérables », cette femme n'attire pas ma sympathie, c'est une lâche ! Hurla-t-elle, rouge de ressentiment.

— Sur ce point, je te rejoins, concéda Claudine abattue. Puis elle poursuivit son récit :

Son frère et son épouse l'accueillirent, lui offrant chaleur et réconfort qui lui permirent de se rétablir. C'est à cette occasion qu'elle fit vraiment connaissance avec sa belle-sœur, une très belle amitié débuta. Elles partagèrent leurs secrets... Rose était une très belle femme, son frère, Charles en était fou... Pour elle, il avait résisté à la pression familiale, il avait choisi de l'aimer envers contre tout.

En prononçant ces mots, les yeux de la femme âgée s'étaient embrumés, ses paroles avaient jeté un voile sombre sur le regard de Romane qui l'observait interdite, choquée.

— Je... me suis confiée à elle, lui ai raconté cette vie qui ne me ressemblait pas... elle fut mon roc. À ce moment je compris la personne exceptionnelle qu'elle était. Une force l'habitait et bien qu'elle fut extrêmement pudique au début, au fil du temps, elle finit par me raconter son histoire.

L'auditrice restait muette, dévisageant sa génitrice d'un œil médusé. Le découvrant comme l'inconnue qu'elle était dans le fond, oubliant l'attachement profond qui avait pu les lier.

— Bébé, Rose a été déposé dans un orphelinat de Corrèze. Un arrangement avait été conclu entre le médecin, chef de service des lieux, et la mère d'une fille-mère, prénommée « Violette ».L'enfant était prévu à l'adoption mais ses pleurs incessants avaient fini par rebuter tous les parents potentiels. Adolescente, Rose a obtenu des renseignements auprès d'une religieuse. Cette dernière avait consolé la jeune domestique chargée d'amener le nourrisson. Cette jeune fille, Marie, avait laissé un bavoir brodé par la future maman, précisant que Violette avait véritable passion pour la nature...

— Ça ne me renseigne en rien sur les raisons pour lesquels tu t'es débarrassé de moi ! proféra Romane les mâchoires crispées.

Claudine eut un sanglot mais se reprit instantanément, esquivant la remarque assassine.

— Tous les étés, Charles et Rose se rendaient dans le sud-ouest pour tenter de retrouver la trace de Violette. J'ai pris l'habitude de les accompagner chaque année et c'est comme ça que j'ai connu ton père... Il était saisonnier pour plusieurs domaines viticoles. Je l'ai rencontré un 14 juillet à une fête de village... c'est la troisième année que j'ai cédé aux sentiments que je nourrissais pour lui.

— C'est une bien belle histoire, dommage qu'on en connaisse déjà la fin écœurante ! lui asséna la jeune femme comme un coup de couteau.

Ne se défilant aucunement, Claudine termina sa confession :

— quand je découvris ma grossesse, la panique me gagna... il m'était impossible d'annoncer mon infidélité et de décevoir mes parents.C'est vrai ! Je n'ai pas assumé, je ne voulais pas faire honte à mes proches ! Clama la femme.

J'ai décidé d'accoucher son X et cette résolution m'a fait perdre l'amitié de Rose ! Elle n'a pas supporté d'être spectatrice d'une histoire qui se répétait, elle m'en a voulu terriblement. Charles et elle ne parvenaient pas à avoir d'enfant, alors ils ont décidé d'assumer à ma place...

Les larmes déferlaient sur son visage déversant toute la culpabilité et la souffrance de ces moments douloureux.

— J'ai refusé leur proposition, je ne voulais pas supporter ça... Rose m'a menacé de dévoiler mon secret, si je n'acceptais pas, je n'ai pas eu le choix, elle était enragée. C'était devenu une affaire personnelle pour elle. Quand tu es née, c'était une révélation, tu étais sa raison de vivre, elle était plus mère que je n'aurais jamais pu l'être, une vraie une lionne ! Et à partir de ce moment, elle a cessé de chercher sa mère...

Six années ont passé avant que je fasse de nouveau partie de ta vie... je regrette... je t'aime, tu sais...

— Non je ne sais plus rien justement... Désormais, tu comprendras que respirer le même oxygène que toi m'est devenu insupportable!

Sur ces mots, Romane tourna les talons, rassembla ses affaires avant de reprendre la route direction Paris, dans la petite voiture de location.

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Certain d'entre-vous l'avez pressenti...

Eh oui Claudine avait un lourd secret et un nouvelle éclairage vient bousculer Romane sur sa propre histoire.

Vous êtes de plus en plus nombreux à voter , commenter et demander la suite de cette aventure et c'est vraiment motivant!

Merci à vous!  Je tenterai d'écrire la semaine prochaine , si ma formation professionnelle ne m'a pas épuisée ;)

En attendant à bientôt

Bises à vous tous

Luce

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⏰ Last updated: Feb 03, 2019 ⏰

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