Chapitre 17 : Manigances rime avec apparences

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Ryoka avait exercé un an et demi dans un cirque prestigieux. Elle était accoutumée à jouer sa vie dans des numéros grandioses, à regarder le danger bien en face pour ne s'y soustraire qu'à l'ultime secondes sous les exclamations exaltées du public. Un entraînement rigoureux et quotidien avait développé à l'extrême son habilité à calculer les risques. A présent, elle était capable d'exécuter les cascades et les sauts les plus périlleux sans rien éprouver de plus qu'un frisson d'excitation.

Non, elle ne craignait pas de frôler sciemment la mort. En revanche, elle rechignait davantage à compromettre son intégrité physique. Les choses devenaient tout de suite moins drôles quand la douleur entrait dans la partie.

C'est pas une bonne idée, Ryo. C'est vraiment, vraiment pas une bonne idée, se répétait la jeune femme en s'avançant vers le portail du lycée.

Qu'est-ce qui t'a pris hier, aussi ? Si tu avais tenu tes distances...

Néanmoins Ryoka n'avait pas autant la maîtrise de ses émotions qu'elle ne l'avait de son corps. En réalisant qu'elle était arrivée trop tard à l'entrepôt, manquant Akira d'une poignée de minutes, elle s'était laissée emportée par la colère et la frustration qui croissaient jour après jour en elle. Aussi lorsque Eraser Head avait fait son apparition, la jeune femme n'avait pas eu recours à la même prudence que lors de leur première confrontation.

En son fort intérieur, elle voulait que quelqu'un paie. Elle voulait se déchaîner. Alors elle l'avait provoqué.

Et maintenant tu as le bras cassé.

Elle repéra finalement ce qu'elle cherchait : un petit groupe de troisièmes année de sa connaissance, qui quittait le lycée pour déjeuner. Ryoka les héla, puis les rattrapa sans rien laisser paraître de la souffrance qui lui tenaillait le poignet, ni de l'appréhension qui lui creusait le ventre. Elle attendit qu'ils eurent enfilé quelques rues avant de mettre son plan – plan qu'elle qualifiait déjà de désastreux et foireux – à exécution.

Le reste se déroula sans le moindre accroc. Il lui suffit de chahuter avec les lycéens comme elle avait l'habitude de le faire, de marcher négligemment à reculons pour leur parler, de prétendre être absorbée par leurs pitreries, de se rapprocher, à reculons, du bord du trottoir, de guetter l'opportunité puis...

Puis de calculer la vitesse des voitures en approche et le niveau d'alerte des conducteurs, d'estimer leur temps de réaction...

Pour, pile au bon moment, pile au bon endroit, faire mine de s'engager étourdiment sur la route, sans vérifier la circulation au préalable. Qu'est-ce que je ne ferais pas pour toi, frérot...

Il y eut un hurlement de pneus sur la chaussée, les hoquets horrifiés de ses camarades de classes, mais personne ne put empêcher le capot de heurter Ryoka.

Parce que c'était exactement ce qu'elle avait prévu.

Ils virent tous le pare-choc lui rentrer dedans avec une violence qui la projeta à terre alors que la conductrice freinait désespérément. Mais ce qu'ils ne virent pas, c'est qu'elle s'était partiellement dématérialisée à l'impact, et s'était elle-même jetée sur l'asphalte. Comme elle l'avait espéré, elle se tirait complètement indemne de «l'accident».

Quoiqu'elle ne put se prémunir de quelques écorchures aux genoux et au coude. Pas grave, songea-t-elle en se relevant précautionneusement. C'est plus crédible comme ça.

Tandis qu'on l'entourait avec empressement et que la conductrice se répandait en excuses, elle put enfin cesser de masquer sa douleur et son bras blessé. Bon, pas foireux mais ça manquait quand-même de finesse.

𝐓𝐰𝐢𝐬𝐭 ᴛᴏᴍᴇ 1 ᴬᵇ ᵒʳⁱᵍⁱⁿᵉ ᶠⁱᵈᵉˡⁱˢ 【MHA】Where stories live. Discover now