Chapitre 35 : Les cicatrices de la foudre

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Akira avait visionné la vidéo plus de fois qu'il ne pouvait le compter. Bien qu'il ne pouvait pas en entendre un traître mot, les sous-titres palliaient à sa déficience. Ce n'était de toute façon pas le son qui importait. Ce qui lui mettait le sang en effervescence, cloquait sa peau de chair de poule et lui hérissait les poils, était la formidable volonté derrière le message. Les convictions de Stain étaient véhiculées par toute sa personne. Le jeune homme sentait les siennes se raffermir, comme de l'acier en fusion plongé dans l'eau froide, chaque fois qu'il repassait son discourt. Trempé de sang, disait Stain. Prônait Stain. Trempé de sang, Akira l'était. Mais pas assez. Et déjà trop.

Il revint sur la page d'accueil de son portable – fournit par Kubo, chargé d'un forfait prit sous un faux nom – et le laissa tomber sur le matelas avant de ramener ses deux mains sur ses genoux, paumes tournées vers le plafond. Ployant et déployant les doigts, il sortit et rétracta les griffes. Trempé de sang, signa-t-il de celles-ci. Elles l'avaient été à de maintes reprise ces derniers mois. Seulement ce n'était pas toujours le bon sang qu'elles faisaient couler.

Sa poitrine se contracta d'un pincement pénible, et il se plia en deux, se prenant la tête à deux mains, coudes appuyés sur ses cuisses. Ryo, je suis désolé !

Jamais auparavant sa sœur et lui n'avaient été capable de la moindre violence l'un envers l'autre. S'il leur arrivait de se disputer, ils ne se permettaient jamais plus qu'une bourrade de l'épaule au paroxysme de l'altercation, qui y mettait en général immédiatement un terme. Mais les choses n'étaient plus ce qu'elles étaient.

Ryoka était Cheshire à présent. Et elle s'était alliée avec Eraser. Pourquoi ? Pourquoi avait-elle enfilé le masque ? Qu'est-ce qu'elle foutait avec son ancien professeur ?

La première fois qu'ils s'étaient retrouvé en face à face, au moment où il s'y attendait le moins, Akira en avait conçu une rage folle. Il croyait sa sœur partie, elle ne pouvait pas simplement revenir et interférer avec ses affaires, les compromettant, lui et toute la bande !

Rien que d'y penser, ses tripes se soulevaient encore de fureur. Puis il se revoyait lui planter les griffes dans le dos ; il sentait l'écoulement fluide du sang sur ses bras, le sang de sa propre sœur ; il revoyait la luminosité de ses yeux vaciller sous le masque comme la flamme d'une bougie, et la culpabilité le crucifiait. Labouré de colère, lacéré de remords, les deux émotions continuellement aux prises l'une avec l'autre le ravageant de l'intérieur jusqu'à lui donner la nausée, jusqu'à lui donner envie de rugir et de tout faire cesser d'un claquement de crocs.

Une main se posa sur son épaule. Il tressaillit violemment et reconnu juste à temps l'odeur de Vitaly. Le jeune homme releva la tête.

- Tu devrais allumer une lumière, signa-t-elle.

Il allait lui répondre qu'il y voyait très bien comme ça, mais en la voyant tâtonner dans la pièce pour trouver l'interrupteur, il se ravisa. L'ampoule nue qui pendait du plafond au bout de ses fils s'alluma, l'aveuglant un cours instant. La lumière crue éclaira le rectangle de huit mètres par deux qui lui faisait office de chambre. Une série de locaux fermés par des portes rouillées, s'alignant dans un couloir sous-terrain poussiéreux où flottait une odeur chimique de raticide, c'était-là leur nouveau chez-eux. Merci Ryo.

Akira examina brièvement Vitaly du regard. Ses prunelles sans pupilles et son opulente chevelure étaient d'un rose très doux, nuancé d'orange. Signe de compassion et d'un brin de dynamisme. Le jeune homme était naturellement doué pour lire le langage corporel. Rien que son acuité visuelle lui permettait d'enregistrer les micros-expressions au niveau conscient. Avec Vitaly cependant, il suffisait de regarder quelle teinte pigmentait ses yeux et ses cheveux pour connaître son état d'esprit. L'expression «vivre sa vie en couleurs» prenait pour elle un sens extrêmement littéral. Vitaly s'exprimait en couleurs, entendait en couleurs, ressentait en couleur. Cela partiellement grâce à son Alter : Vital Prism.

𝐓𝐰𝐢𝐬𝐭 ᴛᴏᴍᴇ 1 ᴬᵇ ᵒʳⁱᵍⁱⁿᵉ ᶠⁱᵈᵉˡⁱˢ 【MHA】Where stories live. Discover now