Chapitre 1

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17 Avril

Le Monstre s'est levé en même temps que moi aujourd'hui. Il est là, dans ma tête, à affuter ses griffes, prêt à ronger les bouts de mon esprit petit à petit.

Cela fait deux semaines qu'il est calme pourtant. Rien ne l'a encouragé à se réveiller.

Enfin, ce n'est pas comme si je n'avais pas l'habitude. Des années que je vis avec cette saloperie qu'on appelle : trouble anxieux généralisé. Ainsi que tout un tas d'autres merdes qui transforment parfois ma vie en cauchemar ambulant.

Aujourd'hui pourtant, c'est à nouveau un jour où je ne laisserai pas tout ça gagner et ruiner les efforts que je mets en place pour contrôler les ténèbres dans ma tête.

Les yeux clos, je croise les bras sur mon torse et prends de lentes et profondes inspirations. Bien se concentrer sur le rythme. Sur le même tempo, je bouge mes doigts. Main droite. Main gauche. Se focaliser sur cette sensation.

Ensuite, je me mets à compter à l'envers à partir de vingt. Puis à donner les chiffres et les nombres dans le désordre. Toujours aussi concentré.

Dans ma tête, je sens le Monstre reculer. Cette inquiétude qui couvait bat en retraite face à mes rituels. Oh il reviendra dans la journée, je le sais. Quand il est là, difficile de le faire partir pour de bon.

On apprend juste à vivre avec. A le combattre pour vivre un peu mieux, sans avoir ce truc qui nous dévore l'esprit et notre cohérence. C'est ça ou les médicaments et, soyons honnêtes, je n'en veux pas. Ce serait admettre que je suis malade et je me refuse à ça.

Ça me soulagerait pour de bon, qui sait. Mais il m'a fallut déjà tant de temps pour enfin me décider à aller voir un psy, alors prendre des antidépresseurs ? Sans moi.

Enfin, mes techniques fonctionnent depuis un peu plus d'un an maintenant. Je respire et vis à peu près normalement. N'est-ce pas ce que tout le monde cherche au final ?

Je sais ce qui peut me faire basculer de toutes façons. Du coup, je l'évite avec soin et je ne m'en porte pas plus mal.

Enfin, si on excepte cette sensation de vide qui m'envahit parfois à la tombée de la nuit, lorsque je suis seul dans ma chambre sans la moindre lumière. Là, c'est plus compliqué. En face à face avec ma solitude et mes peurs, dans ce corps si grand et fragile à la fois. Ce réceptacle à un esprit dysfonctionnel, où tout est susceptible de craquer à un moment où à un autre.

Aujourd'hui est un nouveau jour où je vais tenir.

***

Il me faut à peine cinq minutes en métro depuis chez moi pour arriver à la gare. De là, il est encore plus facile de me rendre jusqu'au boulot à pieds. C'est un des avantages de Charleroi : facilité des transports et proximité du centre-ville.

La métropole est considérée pour beaucoup comme une des pires villes au monde. Pour y vivre depuis ma plus tendre enfance, je ne crois pas en cette affirmation. Certes, il y a des choses à revoir et il faut aimer le côté hérité de la révolution industrielle. Ce n'est pas Paris avec ses bâtiments historiques à tous les coins de rues. Ni même Bruxelles et ses quartiers hyper chics ou petites rues chargées d'histoires.

Pourtant, c'est la ville où j'ai grandi et où je vis. Alors que je traverse le pont qui surplombe la Sambre et relie la gare à la ville-basse, mon regard se pose sur les bâtiments des quais. De nouvelles constructions datant d'il y a quelques années, supposées redorer le blason de notre ville si mal-aimée. Je dois admettre que c'est plutôt réussi, en particulier sous le soleil qui commence à se lever de plus en plus tôt.

Ce qu'il reste de toiWhere stories live. Discover now