Ce qu'il reste de toi

Chapitre 12

23 Avril

—J'ai rencontré quelqu'un.

Mon psy, Jules Cordino, réajuste ses lunettes et hoche la tête. Je profite de ma matinée de libre pour cette séance mensuelle, sinon mes rendez-vous avec lui ont souvent lieu les lundi.

Je vois Cordino depuis deux ans et demi maintenant. Il m'a beaucoup aidé à surmonter tout ce que j'ai traversé. C'est lui qui m'a appris des techniques pour affronter le Monstre, qui a pu mettre le mot exact sur l'origine de ma souffrance.

Les choses ne sont pas parfaites, je ne suis pas entièrement guéri. Loin de là. Mais rien que ce qu'il m'a enseigné pour calmer mes crises d'angoisse m'aide à mieux vivre.

Même si je pense que mes blessures sont trop profondes pour un jour être libéré des spectres de mon passé. Mais parler à quelqu'un d'extérieur d'absolument tout me fait du bien.

Puis, cela épargne un peu Rémy.

—Quand vous dites quelqu'un, dit Cordino en levant la tête de son calepin, vous dites bien ça d'un point de vue romantique ?

—Hum, je ne sais pas si le terme romantique est approprié dans ce cas-ci ?

Après tout, Logan et moi ne sommes... qu'amis. Je veux dire, il n'y a pas eu de baiser. Juste des regards appuyés. Un sentiment d'entente et d'écoute.

Une excellente soirée en somme, qui m'a laissé un goût de trop peu. J'aurais voulu que ce moment avec Logan se prolonge à l'infini.

La façon dont il parle de sa passion pour l'escalade et la randonnée me reviennent en mémoire. Il brillait en me racontant tout ça : les décors qu'il a pu photographier et l'adrénaline qu'il ressent à chaque compétition d'escalade.

Il y a quelque chose de magnifique d'écouter quelqu'un parler des choses qui l'animent et je l'avais oublié. Avec Logan qui dégageait tant de chaleur humaine et de gentillesse, l'ombre permanente de mes pensées s'est éclaircie.

—Peut-être pas romantique, reprend Cordino, mais avec un potentiel romantique ? Ce n'est pas juste une amitié classique n'est-ce pas ?

—Effectivement, il y a eu aveu d'attirance. De sa part comme de la mienne.

—Très bien. Et comment vous sentez-vous par rapport à ça ? Pas de symptômes anxieux ?

Cela fait fait deux jours que le Monstre ne s'est pas manifesté et qu'un sentiment de joie flotte au-dessus de moi. Amplifié à chaque fois que le nom de Logan s'affiche sur mon téléphone.

Je reprends plaisir à discuter et recevoir des notifications. Comme il y a trois ans et que tout était plus ou moins normal.

—Plutôt bien. Et j'ai été angoissé quand il a proposé le rendez-vous et un peu avant. Mais après, ça s'est bien passé.

—Le stress du début est tout à fait normal. Le plus important, c'est qu'il n'ait pas continué pendant et après.

—Non, ça s'est vraiment amélioré. Enfin... j'étais un peu bizarre au début, ça fait longtemps que j'ai plus eu ça, mais il m'a rassuré.

Même si j'ai du faire un défi en fin de soirée, au moment où Logan a repris sa voiture. Juste parce que je me suis excusé d'avoir été bizarre.

Enfin un défi... Plutôt une proposition qui m'a quelque peu désarçonné :

—C'est toi qui décide de notre prochain rendez-vous vendredi. Après le boulot. Sauf si tu es occupé. Alors on se fait ça à un autre moment.