Chapitre 9

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21 Avril

Pour la première fois de ma vie, une journée à bosser au Fox m'a semblé interminable. Pourtant, j'ai fini à quinze heures mais tout m'a paru se dérouler avec une lenteur exécrable.

Le problème ne venait pas des clients, encore moins de mes collègues. En cuisine, tout a roulé comme sur des roulettes et la nouvelle recette de beagle fait un tabac. En caisse et en salle, j'étais avec Mahdi.

La trentaine et père de deux gamines pour qui il ferait tout, Mahdi est une crème. Toujours d'un calme olympien avec pourtant un humour piquant et un rire communicatif.

Mais aujourd'hui, ses blagues n'ont pas réussi à totalement me détendre. Je suis un mélange d'impatience et de stress, ce cocktail n'a fait que bouillonner toute la journée.

Encore plus maintenant que l'heure du rendez-vous approche à vive allure. Les aiguilles de l'horloge dans mon salon ne vont pas assez vite à mon goût, tout en tournant à une allure trop soutenue.

Comme d'habitude, je suis déchiré entre deux concepts opposés. Mais j'ai l'habitude à force de cohabiter avec ce genre de pensées depuis vingt-six ans.

Ce à quoi je ne suis pas habitué à contrario, c'est le fait d'avoir un rencard. Même avant Maxime, je sortais finalement assez peu avec des garçons. Pas très sûr de moi, gauche et pas out auprès de ma famille.

Je n'ai pas vraiment eu le loisir d'expérimenter tout ça en secondaire : dans le placard, avec des parents stricts sur les sorties, j'ai eu droit à un baiser à quinze ans par un gars d'une autre école avec qui je discutais via nos skyblogs respectifs puis par MSN.

Un baiser dans une rue pas très fréquentée de Charleroi : bref et pourtant si intense à l'époque pour moi. Loin des regards. Un peu naïf, j'espérais que ce gars allait devenir mon premier petit ami.

Il ne m'a plus jamais parlé après ça. J'en ai déprimé pendant des semaines. Parfois, je me demande ce qu'il est devenu.

Je ne l'ai jamais retrouvé sur les réseaux sociaux et avec la disparition de MSN et la suppression de mon skyblog – parce que je ne voulais pas que ce truc honteux refasse surface un jour – je n'ai vraiment plus aucun moyen de savoir ce qu'il lui est arrivé.

Ce n'est que lors de ma deuxième année d'études supérieures que j'ai commencé à vraiment sortir avec les garçons. Avoir un kot ayant pas mal aidé.

J'ai expérimenté ma sexualité de diverses façons, me suis perdu dans des étreintes d'un soir. Parfois, dans des relations de quelques semaines. Avec de la chance, quelques mois.

Il y a eu des rires et des joies. Des larmes et des peines.

Puis est arrivé Maxime, un tsunami qui a emporté avec lui le peu de confiance que j'avais réussi à rassembler.

Impossible de ne pas penser à lui. Il est encore sur ma peau, comme une couche de poussière après une journée de grand ménage. Même en frottant, il reste incrusté dans toutes les fibres de mon être.

Je me déteste de l'avoir encore en moi. Le temps a quelque peu apaisé mes blessures mais elles restent douloureuses et susceptibles de s'ouvrir au moindre faux pas.

Il faut que j'évite de ressasser tout ça avant de sortir ce soir. Quel est le risque de sortir avec un gars pour un soir. C'est presque comme trainer avec Rémy. Ou d'autres collègues.

Sauf qu'aucun d'eux ne veux te pécho.

L'équation est en effet légèrement différente, sur ce point je ne peux pas contredire le chaos de pensées dans mon esprit. Pourtant, je n'ai pas de problèmes quand il s'agit de voir des plans culs.

Ce qu'il reste de toiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant