Ce qu'il reste de toi

Chapitre 5

La météo maussade a sans doute joué sur le nombre restreint de clients aujourd'hui. Peu de gens ont envie de sortir – en particulier à Charleroi – alors qu'il pleut. Sauf en cas d'absolue nécessité, cela se comprend. Mais du shopping juste pour le plaisir ? Les gens préfèrent rester au chaud, couverts, comme en allant à Rive Gauche ou Ville 2.

Cela a néanmoins eu un avantage certain : peu de clients, plus de temps pour Logan de se faire la main. Force d'admettre qu'il s'est débrouillé comme un chef. Une seule explication de ma part et il a jonglé entre les machines, le service et l'encaissement. Mon angoisse quant à ses capacités est partie en une heure de temps, ne laissant plus qu'un vague souvenir déplaisant et une envie de me flageller pour m'être pris la tête pour si peu.

Après, je sais comment je fonctionne. Je n'ai que peu de contrôle sur mon mental et es divagations. Même si j'aurais pu éviter d'alimenter davantage ces spéculations plus toxiques qu'utiles.

Rémy avait raison, comme d'habitude. C'est la première chose que je lui envoie maintenant que je suis en pause, vu qu'il me demande de mes nouvelles. J'ai décidément une chance inouïe de l'avoir, lui qui prend ma santé mentale au sérieux, sans jugements et en essayant continuellement de s'améliorer.

Ma réponse envoyée, je mets mon portable dans ma poche, prends ma nourriture et me dirige vers la salle qui nous est réservée. Yasmine y est encore, étant sur la fin de son temps de pause. Elle réajuste son hijab et me lance un doux sourire.

Elle est peu sociable, tout comme moi, mais je m'entends très bien avec elle malgré tout. Enfin, je n'ai pas de problèmes avec qui que ce soit au Fox, c'est juste que les interactions avec Yasmine sont plus simples. Peut-être cela vient-il du fait qu'elle est la plus âgée d'entre nous, à peine plus jeune que Charles, qu'elle est mère de famille célibataire avec deux enfants et donc plus terre-à-terre ?

Dans tous les cas, c'est une personne que j'apprécie. Me concernant, c'est presque un exploit.

—Il est chouette le petit nouveau, tu ne trouves pas ? me demande-t-elle. Et quel beau sourire il a.

—Il est sympa oui.

—Et efficace. Je t'avoue que je ne me voyais pas devoir tout réexpliquer à quelqu'un encore une fois. J'ai déjà deux enfants, pas besoin d'un troisième.

Nous rions tout deux. Je comprends ses appréhensions sans doute mieux que quiconque ici. Même si je suis heureux que Logan les ait balayées par la qualité de son travail. Ainsi, il ne me reste plus qu'une seule chose à affronter ce week-end : la réunion parentale de demain.

Yasmine se lève de table, la débarrasse et retourne à l'avant après m'avoir souhaité un bon appétit. Une fois installé et seul, je déballe mon sandwich, prêt à manger. Logan arrive alors que je suis en train de mâcher un énorme morceau de pain et que de la mayo me couvre le menton.

Je n'ai jamais été très doué pour manger correctement sans m'en mettre partout. Mettez-moi un dürüm entre les mains et il y a d'immense chances qu'il y ait plus de viande à côté que dans mon estomac à la fin. Avec une tâche de sauce sur mes vêtements en prime, sinon ce n'est pas amusant.

Le sourire de Logan est toujours aussi immense, si pas plus que d'habitude. Je ne sais pas s'il se moque de moi ou si juste me voir le fait réagir comme ça. Dans tous les cas, le rouge me monte aux joues tandis que je m'essuie le menton à toute hâte avec une serviette.

—Bon appétit ! lance-t-il avec un petit rire. Ça a l'air grave bon en tout cas vu à quel point tu le dévores.

—J'ai juste la dalle, je grommèle.