Chapitre 25

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3 Mai

La salle d'escalade où va Logan se situe à cinq minutes en voiture de chez moi. J'aurais pu y aller à pied – trois kilomètres, ce n'est pas grand-chose – mais il a tenu à venir me chercher. Le voir m'attendre en bas de mon immeuble, avec son sourire éclatant à peine rentré dans l'habitacle, a déjà rendu ce dimanche meilleur sur bien des points.

Nous nous sommes quittés la veille au matin car il devait travailler pour son stage et son mémoire. Pourtant, j'ai déjà l'impression que cela fait plus longtemps. Le fait qu'il ait dormi chez moi sans doute. Ou notre amorce de dispute suivie de la réconciliation qui a contribué à me rendre encore plus accro que je ne le suis déjà.

Je sais que ce n'est pas la meilleure chose qu'il me manque déjà autant. La dernière fois que cela m'est arrivé, l'issue en a été désastreuse.

Il suffit pourtant d'un regard ou d'une parole de Logan pour que je repousse ma raison dans un endroit d'où elle ne peut revenir.

J'ai été raisonnable au-delà du possible beaucoup trop longtemps pour que je m'inquiète d'aller trop vite. Mes angoisses fragilisent déjà cette relation, autant ne pas y ajouter une peur de l'engagement comme décoration finale à cette pièce montée en équilibre précaire.

La seule chose qui m'inquiète vraiment, c'est comment me comporter vis-à-vis de Logan dans cet environnement. Nous plaisantons sur le chemin vers la salle, sommes plutôt proches l'un de l'autre, mais comme deux amis peuvent l'être.

Or, je rêve de glisser ma main dans la sienne, voire passer un bras autour de sa taille.

Mais je ne le fais pas. Car, même à notre époque, ce genre de geste innocent peut nous mettre en danger. Sans compter que mon partenaire n'est pas out auprès de tout le monde.

Alors je retiens cette envie, tel un maitre qui tire la laisse de son chien un peu trop vivace durant une promenade. Je ne sais même pas comment il m'a présenté à ses amis, autant ne pas bruler les étapes.

J'ai attendu trois ans qu'on vienne réanimer mon coeur mort. Je peux attendre que l'on se retrouve à nouveau dans un cadre plus intime.

Surtout qu'une fois les portes de l'entrée poussées, je réalise qu'il y a vraiment pas mal de monde. Pour être honnête, je ne pensais pas qu'une compétition d'escalade pouvait attirer autant de gens.

Ni que ce serait aussi bruyant. Les conversations sont amplifiées par l'acoustique de la salle, un capharnaüm agressif qui me fait serrer un peu les dents et me met mal à l'aise.

Je ne pense pas que ce genre d'ambiance, chargée de présence humaine et de nuisances sonores, me soit désagréable à cause de mon anxiété. Plutôt mon tempérament introverti qui est mis à rude épreuve.

Tel un gosse qu'on aurait jeté dans un environnement inconnu, je reste collé à Logan qui a décliné son identité à l'accueil. Le temps qu'on lui remette son dossard avec son numéro – le vingt – et qu'il finalise la fiche d'inscription, j'ai le temps d'observer la salle.

Avant de venir ici, dans ma tête, tous les murs de ce genre d'endroit se ressemblent plus ou moins. Je vois encore celui de mon école primaire, minuscule avec ses petites prises colorées de formes variées. De ce que je vois, les similitudes existent, même si les surfaces sont bien plus hautes. Rien que les regarder, j'en ai déjà le vertige.

Ce qui me surprend plus, c'est qu'à certains endroits, il y a des cordages où y mettre les crochets. D'autres sont absolument vides mais avec des blocs très imposants.

—C'est bon, me dit Logan – ce qui me tire de mon observation. On va retrouver Ulysse et Grace, puis je vais aller me changer.

J'acquiesce avant de me glisser vers son oreille pour éviter de crier.

Ce qu'il reste de toiWhere stories live. Discover now