Chapitre 33

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27 Mai

Les jours restent interminables et semblables en tout point. La seule différence, c'est que je me traine un peu moins. Je me lave quotidiennement et je mange presque normalement : mon appétit n'est plus aussi grand qu'avant.

Je gribouille un peu aussi. C'est moche, sans logique et c'est juste pour dire de m'occuper un peu les mains. Tout plutôt que d'aller sur les réseaux : si je le fais, je vais espionner Logan.

Il continue de me manquer terriblement. La douleur est toujours là, un peu plus supportable mais reste un sentiment dont je me passerais bien. Comme mon esprit qui continue de ressasser les évènements.

Je n'ose pas envoyer de nouveau message. Parfois, je passe des heures entières à en rédiger un. Puis l'effacer.

Logan m'a écarté de sa vie. Je dois en faire autant. Même si je n'y arrive pas.

Rémy est là pratiquement chaque soir. Il me distrait autant qu'il peut, me pousse à parler de comment je me sens quand il me trouve plus abattu que d'habitude. Il remplit un peu le rôle de Cordino, parti en congé au moment où j'ai besoin de lui.

C'est aussi mon meilleur ami qui joue les intermédiaires avec le monde extérieur. La honte est si grande que je n'ai pas osé répondre à quiconque a demandé de mes nouvelles. Je suis un adulte pourtant : je ne devrais pas déléguer à quelqu'un la responsabilité d'une tâche aussi basique.

Sauf que je n'en ai pas la force. L'impression que tout le monde me juge persiste alors que Rémy me soutient du contraire. Que Charles m'a envoyé un très long message pour me dire de prendre soin de moi, que je n'avais pas à m'inquiéter de quoi que ce soit et qu'il règlerait toute la paperasse administrative suite à ce congé de maladie.

Je suis reconnaissant de tous ces gens qui s'inquiètent. Même si je continue de me dire que je n'en mérite aucun.

Aujourd'hui est une journée où j'essaie en vain de dessiner quelque chose de potable. Rien ne me plait dans ces silhouettes sans visages. Je trouve même que certaines pourraient s'y méprendre à Logan.

Son visage me hante. Pour longtemps encore, je pense. Après tout, il a été un de mes modèles les plus réussis et inspirant.

Peut-être est-ce la solution pour débloquer ce verrou créatif. Ou juste que je dois aller mieux, dissiper la noirceur dans ma tête et enchaîner le Monstre.

Bien évidemment, ça n'arrivera pas avant un certain temps. Temps auquel je refuse de penser tant je suis las de toute cette douleur.

Je reste un désastre ambulant et tourmenté qui ploie sous le poids de la tristesse mais je reste debout. Bancal, certes, mais je tiens.

Mon téléphone vibre sur la table, ce qui me fait sursauter. Nous sommes mercredi matin, les seuls messages que je reçois en ce moment sont ceux de Rémy. Vu l'heure, il donne encore cours.

Je regarde l'appareil de la même façon qu'une victime de film d'horreur, lorsqu'elle réalise que l'entité ou le tueur après elle se tient juste en face. Sans doute n'est-ce rien d'important. Ça ne peut pas être Logan. Je ne pense pas. Ce serait trop beau.

Arrête d'être con et regarde.

Je me frotte les mains, déglutis et prends cet appareil. Un SMS. D'une personne assez surprenante, encore moins celle à qui je m'attendais :

Ulysse : Yo !

J'ai appris ce qu'il s'est passé entre toi et Mister Teubé.

Je savais pas trop comment tourner ça.

Surtout que je suis pas la personne vers qui tu te tournerais vu la situation.

Ce qu'il reste de toiWhere stories live. Discover now