Chapitre 34

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2 Juin

Revenir au Fox après ces deux éprouvantes semaines est une épreuve aussi ardue que lors de mon premier jour. J'ai peu dormi la veille, angoissé à l'idée de ne plus y retrouver mes marques.

Des pensées parasites ont encore tourné dans ma tête. Est-ce que mes collègues me détestent ? A-t-on dit des horreurs à mon sujet ?

Rien de très sain ni de pertinent. Il m'a fallu faire preuve de toute ma volonté pour calmer le Monstre et son essaim.

Parce que je dois continuer de reprendre ma vie en main. Me relever et avancer. Bosser est la solution idéale. Même si Charles m'a encore assuré que je n'avais pas à m'inquiéter, je ne veux pas le mettre davantage dans l'embarras.

Pousser les portes de ce lieu si familier est étrange. Rien n'a changé, ce qui est logique vu que je ne suis juste plus venu pendant quelques semaines. Pas des mois voire des années.

Pourtant, c'est comme revenir sur des lieux que l'on n'a plus fréquenté depuis des lustres. Comme son ancienne école primaire.

Sauf qu'ici, l'accueil y est bien plus chaleureux. Mahdi n'hésite pas à me faire une vigoureuse accolade, tandis que Yasmine s'est changée en vraie maman-poule. Tous deux parlent gaiement, ce qui me déride.

Juste un peu car le nuage de tristesse est toujours là, prêt à déverser sa pluie.

Il ne me faut pas plus de quelques heures pour redevenir aussi efficace qu'avant. Refaire les mêmes gestes, reprendre la routine. Face aux clients, le sourire revient. Certains parmi les habitués me demandent comment je vais, si j'étais parti en vacances. Je reste vague, mais assure que je suis en pleine forme.

Semi-mensonge. Je suis dans un meilleur état qu'il y a deux semaines, mais je reste en équilibre précaire. Tout peut vriller d'un instant à l'autre.

Surtout si l'on venait à parler de Logan. Ce qui, à mon grand soulagement, n'est pas le cas. C'est comme s'il n'avait jamais fait partie de l'équipe.

Ou peut-être est-ce simplement car il n'a pas beaucoup travaillé avec mes collègues plus âgés.

Quand arrive ma pause, je suis dans un état étrange. Fatigué, toujours sur le qui-vive, mélancolique et... heureux. Juste un peu. Au moins, j'ai pu distraire efficacement mon esprit, l'occuper et le mettre en sommeil pour me concentrer à mes tâches.

Une chose n'a pas changée après tout ce qu'il s'est passé ces dernières temps : la routine est toujours efficace chez moi. Contrôler et répéter. Rien d'angoissant ou d'anxiogène.

Comme il y a trois ans, le Fox m'aidera peut-être à reprendre mon souffle. Même si retourner dans la pièce des employés est un choc.

C'est là que Logan et moi avons parlé pour la première fois. Vraiment. On nous avons plaisanté, que je me suis senti gêné. Qu'il m'a rassuré.

Mon cœur se serre face à ces souvenirs qui remontent. Le manque de sa présence est douloureux. Je rêverais pouvoir lui dire qu'il me manque.

Sauf que je ne le peux plus. Pas après ce qu'il s'est passé.

Notre histoire se méprend à des pages déchirées dans un journal intime qui sont ensuite jetées au feu. Nous ne sommes plus que des cendres, dispersées par des vents contraires.

—Hugo ?

Je détourne mon attention de l'endroit où s'était placé Logan la première fois où l'on s'était parlé, reviens au présent et éteins le feu des souvenirs. Charles se tient dans l'entrebâillement de la porte.

Ce qu'il reste de toiWhere stories live. Discover now