Chapitre 36

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6 Juin

—T'as un succès monstre avec Aaliyah sur les réseaux !

Je lève la tête de mon dessin en cours pour regarder Rémy, avachi dans mon canapé. Je me suis installé dans un des fauteuils du salon avec le pupitre transportable acheté hier. Ça me change de bosser sur la table, mais j'aime bien ce nouveau point de vue.

Cela m'inspire suffisamment en tout cas pour dessiner comme si je voulais rattraper tous les moments sans crayonner ces derniers temps. Tout n'est pas réussi, mais cela me fait du bien. De puiser dans mes souvenirs pour les croquer, les sublimer.

Parfois exposer leur laideur ou leurs nuances plus obscures.

—Tu te prends pour mon agent ? je plaisante.

—Pas besoin, tu te débrouilles très bien sans moi. Je scrollais juste sur Facebook et j'ai vu le nombre de likes sur la photo.

—Ouais, moi qui tiens un gros smiley. Il doit y en avoir encore plus sur Insta.

—Bah tu protèges son visage tout en partageant ta joie d'être parrain. C'est normal. Et j'ai pas Insta, donc prends ton téléphone et tiens-moi au jus.

—Quand j'aurai terminé ici.

Je me concentre à nouveau sur mon dessin. Il s'agit de l'Impasse. Basé sur mes souvenirs, un peu flous et si vifs à la fois. Ce lieu est un de ceux que j'évite depuis trois ans, mais y plonger dans ma tête est presque rassurant et familier.

Au milieu, un homme de dos dans un des fauteuils. Je me suis arrangé pour qu'on ne voit que l'arrière de sa tête et ses épaules.

Je n'étais pas prêt à représenter Maxime de face. Juste que l'on sente son arrogante assurance dans la posture, avec le verre de vin qu'il tient à la main.

Aussi difficile qu'il soit à donner vie, j'aime ce dessin. Parce que je contrôle ce que j'y mets et comment le faire. Je décide de ce qui peut me faire du mal ou pas. Exorciser cette douleur, l'apprivoiser et essayer de faire du beau avec.

Je pense que c'est pour ça que j'ai du mal à m'arrêter depuis hier. Il est définitivement rassurant d'avoir une totale maîtrise. Ne plus être une victime à la merci de l'océan.

Rémy se redresse et prends les quelques dessins laissés sur la table. Il les regarde pendant un certain temps, tandis que je continue à représenter la scène présente dans ma tête.

—Tu veux que je te dise quelque chose ? dit-il en reposant les feuilles en paquet.

—Vas-y.

—Je suis content que tu te remettes à dessiner.

—Je n'ai jamais vraiment arrêté. C'était juste plus compliqué.

—Ouais mais là c'est encore différent. Ça se voit. Ils sont très beaux d'ailleurs. Et j'ai l'impression que ça te fait du bien.

Je relève la tête pour lui sourire. Je confirme ses assertions d'un signe de tête.

—C'est toujours douloureux mais c'est plus supportable, j'avoue.

—Normal. Je ne pense pas que la thérapie par l'art règle tout en même pas vingt-quatre heures. Mais je pense sincèrement que ça t'aidera.

Il reprend les dessins en main et me les montre.

—Tu comptes en faire quoi ?

Je hausse les épaules.

—Aucune idée. Les peaufiner et les poster sur Instagram. Comme d'habitude.

Ce qu'il reste de toiWhere stories live. Discover now