Chapitre 15

2.4K 213 68
                                    

Thomas avait passé beaucoup de temps à réfléchir. Ce qu'il avait vu dans la chambre de son camarade le laissait toujours un peu perplexe, mais ses pensées avaient fait leur cheminement dans son esprit. Il avait cru que Mika refusait d'entendre raison et de faire des efforts, mais c'était faux. Il en faisait. Il en faisait même beaucoup. Des efforts que personne ne voyait, car c'était un comportement de base pour tous les mortels de ce monde. Il avait même fini par prendre conscience que ses agissements étaient mauvais. Il était même allé jusqu'à les écrire dans un livre afin de ne pas recommencer.

Toutes ses révélations tracassaient énormément Thomas parce qu'il comprenait enfin ce qui coinçait depuis le début avec le jeune homme. Bien qu'il ait tenté de lui apposer son point de vue afin de lui faire comprendre l'horreur de ses gestes, il n'avait pas pris en compte la compréhension étriqué du châtain. Fautes d'informations, bien entendu, mais ils auraient pu mieux communiquer s'il avait eu connaissance de son "problème". Il lui en voulait toujours, c'était un fait (d'autant plus qu'il avait souffert de cet acte), mais il avait l'impression de nourrir une rancœur auprès d'un enfant. Parce que c'était ainsi qu'il le percevait. Les mots dans ce cahier, la tournure de ces phrases, donnait l'impression qu'il voyait le monde par un prisme de poupon, encore incapable de comprendre dans son intégralité la conception de "bien" et de "mal".

Mika n'était pas gentil, il n'était pas parfait et il laissait ses émotions contrôler ses gestes, pourtant, il tentait de parer à ses défauts. Il cherchait de la reconnaissance dans chacun de ses actes, des encouragements, des félicitations. "C'est bien, tu as été gentil", c'était sûrement tout ce qu'il réclamait. Sauf que personne ne lui disait ce genre de chose parce que personne ne semblait voir ses efforts. Son propre père le dénigrait en assurant que sa situation était sans espoir, Laurent se servait de son caractère pour le mettre en porte à faux et lui l'avait fui dans l'espoir que plus rien de ce genre ne recommence. Thomas n'était pas en train de lui trouver des excuses, mais il comprenait que l'handicap de Mika ait poussé à toutes ces conclusions, à tout ce ressentiment et cette peur.

Dans son carnet, il avait écrit que seule sa mère le voyait comme un être humain ayant quelques difficultés à s'intégrer dans la société. La seule personne qui croyait en lui et qui l'aimait avait disparu. Et Mika était redevenu un petit garçon perdu, seul, incompris.

En réfléchissant, Thomas se rendait compte que l'adolescent n'avait pas eu pour but premier de le blesser. Il avait agi par envie, comme un enfant désirant une sucette et la réclamant avec acharnement. Il avait pris ce qu'il voulait sans même se rendre compte qu'il lui faisait du mal. Bien sûr, Thomas était toujours quelque peu effrayé et nauséeux en repensant à tout cela, mais il s'en voulait également de ne pas avoir pris le temps d'analyser la situation, de voir au-delà du masque que portait inlassablement le châtain. Ce dernier avait besoin d'aide, besoin de quelqu'un capable de lui dire en tout temps si ses actes étaient correctes ou interdits.

Il ne voulait pas devenir son ami, mais il pouvait au moins l'encourager à s'améliorer dans l'espoir qu'il ne fasse de mal à personne d'autre. Lui montrer que ses efforts étaient reconnus. Que quelqu'un voyait qu'il y mettait du sien. Un simple message d'encouragement.

Le lendemain matin, il se réveilla en de meilleures conditions. Pour une fois, pas de cauchemars. Pas d'angoisse venue lui ronger les tripes. Il n'était pas au meilleur de sa forme, mais la petite visite chez son camarade lui avait vraisemblablement fait du bien. Et la nuit lui avait porté conseil. Un message et il pourrait vivre sa vie comme bon lui semblait sans avoir à s'inquiéter que le châtain aux yeux bleu-gris ne fasse de nouveau une connerie.

Il avait téléphoné à sa mère avec le téléphone de Mika. Son numéro était enregistré sur le répondeur et il le rajouta à son smartphone. Puis il s'enferma dans sa chambre. Il ne voulait pas le voir. Il ne voulait pas lui parler, mais il pourrait envoyer un simple texto afin de lui dire qu'il ne lui en voulait plus autant qu'avant, car ses efforts portaient ses fruits. Il écrivit message après message, les supprimant tous à tour de rôle. Peut-être que ce n'était pas une bonne idée. Non, il devait le faire. Il le fallait. Il sentait que cela l'aiderait à aller mieux. Il se prit en photo, affichant un regard fâché et son doigt d'honneur levé vers la caméra. Puis il l'envoya à Mika. Ainsi ce dernier saurait qu'il ne lui écrivait pas pour être ami.

Je te déteste (BxB)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant