Chapitre 19

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Un soir, après l'école, il décida d'aller courir. L'hiver approchait à grand pas et il voulait profiter des derniers moments sans neige pour se défouler. Avant son viol, il courrait souvent. C'était la seule activité physique qu'il faisait et qu'il aimait énormément. Peut-être que cela allait lui changer les idées. Il se motiva donc à courir jusqu'au parc dans le centre-ville. Il y arriva en sueur et sur le bord de l'évanouissement. Son corps avait repris un peu de poids, mais il n'avait pas couru depuis deux mois. Il n'était plus habitué. Il aurait sûrement dû recommencer, mais en allégeant les kilomètres. Son cœur battait la chamade et il avait l'impression qu'il allait s'effondrer. Il vint s'accoler à un arbre, fermant les yeux et tentant de reprendre une respiration normale. En les rouvrant, il observa une partie de soccer qui se déroulait devant lui. Un petit garçon grassouillet d'environ dix ans tentait de reprendre le ballon de foot que son père, dos à Thomas, lui empêchait de toucher avec son jeu de pieds.

Il fut un temps où il savourait ce genre de moment avec son géniteur. Un temps où le rire prônait sur leur vie, insouciant. Et puis, plus rien. La veille, ils se battaient dans un jeu de cartes le sourire aux lèvres, et le lendemain il disparaissait en ne laissant qu'une simple lettre. Thomas, très sensible, ne put retenir ses larmes. Et même s'il détestait cette part de sa personnalité, il ne contint pas ses sanglots. La douleur était trop grande. Cruelle. Pourquoi avait-il une vie aussi merdique ? Pourquoi ne pouvait-il s'empêcher d'être trop gentil ? Pourquoi se sentait-il obligé d'aider les gens ? Pourquoi faisait-il confiance si rapidement ? Ne pouvait-il pas être un peu plus égoïste ?

Perdu dans ses pensées, il n'en fut sorti que lorsque le visage de l'homme se tourna vers lui à cause d'un jeu de pied. Ils étaient loin l'un de l'autre et cela ne dura que quelques secondes avant que l'homme lui fasse de nouveau dos, mais Thomas n'avait pas besoin de plus. L'inconnu qui jouait au ballon avec cet enfant, ce n'était autre que Mika. Soudainement plus attentif, il focalisa son attention sur eux.

''Mickey ! Ce n'est pas du jeu. Donne moi une chance.'' ronchonnait le petit garçon.

''Tu n'as qu'à être meilleur, pauvre tâche.''

Le garçon fit une grimace avant d'essayer de pousser le plus grand. Celui-ci abandonna rapidement la balle pour agripper l'enfant qu'il souleva dans les airs. En état d'alerte, Thomas se détâcha de l'arbre en se demandant quoi faire. S'il le laissait agir à sa guise, Mika risquait de faire du mal au petit ! Cependant, ce dernier riait à grands éclats dans les bras du plus grand.

''Non ! C'est pas du jeu !''

''Tu ne me diras pas quoi faire.''

Inconscient, Thomas fit un pas en avant en les observant. Mika avait toujours ce sourire radieux sur les lèvres. Le même qu'il avait avec sa mère sur la photo dans sa chambre. Son regard ne reflétait pas autant d'éclat, mais il semblait paisible. Presque normal.

''Mikaël dépose ton cousin maintenant !'' ordonna une voix grave.

Le châtain fit la sourde oreille, continuant de faire voler son cousin dans les airs. Ce gamin riait tellement fort qu'on ne pouvait pas voir la scène comme un dérapage potentiel de violence. Curieux, Thomas tourna la tête et observa les personnes qui se trouvaient de l'autre côté de la clôture. Le directeur était accompagné d'une femme qui ressemblait à s'y méprendre à la mère de son camarade. D'ailleurs, celle-ci défendit son neveu avec un petit sourire.

''Ça va, il ne va pas lui faire de mal. Ils s'amusent.''

''Caroline, je ne te demande pas d'aide pour élever mon fils, alors ne t'en mêle pas.''

''Bien entendu. Tu fais un très bon travail. Voilà pourquoi quand j'ai débarqué chez toi, il était enfermé dans sa chambre.'' railla la mère.

''Il a essayé de tuer quelqu'un ! Il ne coopère pas et refuse de faire semblant d'éprouver des regrets, ce qui aiderait son cas. S'il continue de m'opposer résistance, la prochaine étape est de l'enchainer dans la cave !'' ragea le père.

La femme leva les yeux aux ciel.

''Ton fils a des besoins particuliers. Il doit comprendre pour agir de la bonne façon. Le priver de tout contact avec les gens du monde extérieure ne va en rien...'' commença la jeune femme.

''Il me coûte une fortune en avocat ! rouspèta le directeur. Sans parler de l'argent que me réclame sa psy ! Des progrès, il n'en fait pas. La seule raison qui ne me le fait pas interner sur le champ, c'est parce que... ma femme refusait qu'on fasse ça..."

''Justement ! contre-carra Caroline. C'était exactement ça que ma sœur te reprochait. Tu es plus inquiet à propos de ton argent que de ton fils. Mikaël est capable de comprendre et de faire les bonnes choses si on les lui montre. Il veut les faire ! Arrête de le rabaisser et montre lui de l'intérêt.''

Puis la femme quitta la clôture pour se diriger vers le couple de garçons. Mika avait redéposé son cousin au sol et le petit lui courait après, sans succès.

''Les garçons, venez ! On va s'arrêter à un restaurant pour manger."

Le petit se mit à hurler de joie :

''Oui ! J'adore les hamburgers.''

Mika poussa un soupir en levant les yeux au ciel avant de marmonner :

''Pas pour rien que tu es gros.''

Aussitôt, l'enfant se tourna vers lui en prenant une mine sévère, poings sur les hanches :

''Mal.''

Mika arqua un sourcil, dubitatif. Il semblait comprendre, mais se trouvait en opposition.

''Non, c'est un fait.''

''Mal, car c'est un fait blessant pour moi.'' riposta le gamin.

''Tu n'as qu'à pas être gros et ça ne serait pas blessant.''

La femme intervint avec douceur :

''Mickey, tu dois arrêter de donner des faits si on ne te les demandes pas.''

Le châtain s'insurgea :

''Mais ça fait avancer les choses !''

Sa tante le regarda surpris :

''Pardon ?''

''J'ai le droit de dire des faits si ça fait avancer les choses. Il est gros dû à son alimentation. S'il veut maigrir, il doit manger moins. C'est pour sa santé.''

Sa tante le regarda complétement déboussolée. La mâchoire de Thomas se décrocha. C'était lui qui lui avait dit cela. Et Mika semblait l'appliquait avec force. Il rougit en se sentant gorgé d'un sentiment de fierté avant de baisser la tête. Même si son commentaire n'était en rien agréable, il faisait au moins des progrès.

''Mickey, c'est... bien, mais ton cousin ne t'a pas demandé d'aide pour son alimentation. Tu ne dois donc pas la lui donner.''

Mika crispa la mâchoire et regarda au sol pour se concentrer sur les nouvelles indications. Les adultes se contredisaient tout le temps. Comment pouvait-il trier les informations de façon claire et précise ?

''Tu es capable de t'excuser de l'avoir offenser Mickey ?'' demanda sa tante avec tendresse.

Il tourna la tête. Il n'avait aucune envie de s'excuser, ce n'était pas son problème si de simples paroles pouvaient offenser son cousin. Il observa sa tante, le portrait craché de sa mère, et répondit d'une voix sans vie, sans conviction :

''Navré.''

Sa tante lui sourit et indiqua la voiture aux deux garçons. Le directeur avait déjà pris place derrière le volant et quand Mika s'approcha, il fit un doigt d'honneur à son paternel avant d'ouvrir la portière arrière. À ce moment, son regard balaya le parc et croisa celui du brun, debout, à l'endroit même où il se trouvait encore quelques secondes plus tôt. Leur regard resta ancré dans celui de l'autre assez longtemps. Thomas sondait ses émotions, mais il n'éprouvait rien. Pas de dégoût, pas de nausée. Le châtain leva la main en guise de salue, gardant un visage de marbre, puis entra dans le véhicule sans attendre de réaction particulière de sa part. 

Je te déteste (BxB)Where stories live. Discover now