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Le premier chapitre est un des plus longs, promis les suivants sont plus courts ! Bonne lecture :)

  Le silence. Ce silence glacial revenait sans arrêt ; n'était-ce point une fatalité, au bout du compte ?

  Nul son ne se faisait entendre entre les murs de l'école, qui se tenait bien calmement en attendant que les élèves ne viennent poser leurs pas lourds sur le riche parquet des couloirs. A vrai dire, peu de personnes s'y trouvaient encore durant les vacances d'été ; seule la directrice, une femme d'une trentaine d'années aux allures assez sévères, et quelques professeurs qui vivaient au sein du bâtiment toute l'année, demeuraient entre les murs de l'établissement.

  La directrice se nommait Elysia. Elle se chargeait de l'Académie depuis la mort de sa mère, auparavant responsable de l'établissement également. Fondée en 1223, cet héritage se transmettait généralement de mère en fille, même si de temps à autres, des hommes avaient été en charge de l'établissement. C'était, à vrai dire, une question de mentalité : généralement, les frères des directrices estimaient que leur place n'était pas au sein d'une école, mais plutôt dans une carrière militaire. Et pour ceux qui appréciaient le calme reposant des salles de classe et de la bibliothèque, ils avaient plutôt fait le choix d'être professeur : un rôle différent de celui de directeur ou directrice, car moins d'affaires administratives étaient à régler.

  Elysia portait donc sur ses épaules huit cent ans d'héritage familial. Entre les guerres, les Révolutions et les problèmes financiers, la noblesse du sang et de l'âme des différents directeurs et différentes directrices avaient permis à la jeune femme d'hériter, en l'an 2022, de cette école tout aussi riche qu'originale. En effet, le créateur de l'école, Aymeric du Berry, avait décidé de fonder une école réservée aux hommes, afin qu'ils apprennent l'art de l'écriture. Il fallut attendre 1448, avec un des descendants d'Aymeric qui mourut sans héritier mâle, pour que Mathilde du Berry, mariée à un certain Guy de l'Indre, reprenne la tête de l'établissement. Elle avait été formée par Christine de Pizan, considérée comme la première femme autrice de l'histoire. Elle pouvait écrire. Ce n'était pas à cause de sa "vulgaire condition féminine" qu'elle devait s'empêcher de réaliser son rêve : faire comme tous les hommes de sa famille, et écrire.

  La machine était lancée. Mathilde se mit à accueillir toutes les personnes qui désiraient se lancer dans l'écriture. Talentueux ou non, déjà lettré ou non, tout le monde pouvait espérer siéger sur les sièges de l'Académie. A une unique condition.

  Être accepté(e) par l'école.

  Car, évidemment, rien ne pouvait être amusant sans un peu de magie. Certains disaient que cela n'en était pas, d'autres que cela en était ; la moralité était tout de même que le blason de l'école devait s'allumer lorsqu'on s'inclinait devant lui, sans quoi, vous ne pouviez espérer siéger en ses salles de classe. Et, avec le temps, ce fichu blason était devenu la hantise de bon nombre de famille. Lorsque quelques héritiers de grande lignée venaient se présenter face à lui, et qu'aucune lumière n'apparaissait, la honte pouvait être jetée sur la famille ; sans compter que l'école était réputée pour la qualité de ses cours et la célébrité souvent apportée à ses élèves. Lorsque certains enfants ne savaient tenir une arme en main, ou ne se vouaient pas à une vie religieuse, les parents appréciaient souvent se tourner vers cette Académie d'Ecriture.

  Mathilde avait ensuite laissé la place à ses enfants, jusqu'à en arriver à Elysia. La jeune femme était née au sein de l'Académie, un beau jour de septembre 1988. Elle avait passé une enfance heureuse, à courir entre les différentes salles pour écouter les cours en secret, et à transmettre à sa mère Philippa les demandes, lettres et fiches d'appels des professeurs. Ensuite, en l'an 2000, alors que l'anniversaire de ses douze ans approchaient, elle put enfin s'approcher du blason au mur, pour savoir si elle serait oui ou non acceptée dans l'école. Avec une joie non dissimulée, elle put enfin aller s'installer avec les autres élèves sur les tables rondes de la salle à manger. Elle put s'installer à côté d'eux en classe, et put même suivre les cours sans que personne ne la chasse comme on renvoie un vulgaire chat.

L'Académie d'Écriture [TERMINE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant