L'Académie d'Écriture [TERMINE]

XLI

TW : Violence, sang. -13 ans déconseillés pour ce chapitre :)

Août 1992

  L'Académie était silencieuse. Philippa était installée dans son bureau, des dizaines de dossiers face à elle. Il fallait qu'elle confirme l'inscription de tous les élèves de l'Académie, un par un, et cela prenait des heures. Elle avait pris un mois de vacances avec son époux Béryl et leur fille unique, Elysia, qui n'avait encore que quatre ans ; alors, en ce début du mois d'août, Philippa plongeait dans l'administratif pour rattraper son retard.

  Soudainement, elle entendit que l'on frappait à la porte, deux discrets coups. Dans ces cas-là, c'était forcément Béryl qui venait voir son épouse. Le jeune homme était né sur une île, l'Okeanos, mais était parti avec son père dès la naissance de l'enfant. Ils s'étaient établis à Nice, puis à onze ans, le jeune homme était venu à l'Académie d'Ecriture, où il avait rencontré Philippa, la fille de la directrice. Il venait à peine de fêter ses quinze ans lorsqu'ils ont commencé à parler ; et à dix-neuf, après avoir eu son diplôme, il s'installait avec elle, qui avait deux ans de plus que lui. Leur romance avait commencé sur les bancs de l'école ; des années plus tard, leur première fille était née, après de grandes difficultés pour Philippa de tomber enceinte. Leur chère Elysia, qui enchantait leurs journées, malgré son sale caractère.

  — Chérie, j'ai un soucis assez important, déclara Béryl en entrant.

  — Je t'écoute, répondit Philippa en fermant le dossier qu'elle tenait en main, la tête levée vers son époux.

  Béryl parut hésiter. Il déglutit, et balbutia :

  — Nérée est là.

  Le visage de Philippa blêmit. Nérée était le demi-frère de Béryl, et avait juré plusieurs années de cela « d'avoir sa peau ». En effet, selon les règles de succession à la Couronne d'Okeanos, Béryl aurait dû hériter du trône, en tant que premier fils de la princesse héritière. Néanmoins, son père l'avait emmené loin de l'île, car il savait qu'Alcyone devait épouser un homme quelques mois plus tard, qui ne tolérerait pas un enfant illégitime. Ainsi, Béryl avait grandi à Nice, loin des problèmes liés à son sang, qui l'avaient pourtant rattrapé dès son adolescence. Il était fils d'une Reine, et aurait dû avoir la place qui lui était dû. 

  Il aurait dû être Roi. 

  Nérée, nouveau Roi d'Okeanos, ne pouvait l'accepter. Alcyone était morte en avril, et Béryl se doutait que Nérée reviendrait à la charge pour être sûr qu'il ne réclame pas le trône. Cela aurait été dans le droit de Béryl, en tout cas, de réclamer sa place... Mais il ne l'avait pas fait.

  — Là ? C'est-à-dire, il est à l'Académie ?

  Béryl hocha la tête de haut en bas. Tout son visage, et tous ses gestes trahissaient son angoisse. Le seul rapport qu'ils avaient eu avait été une simple missive, à la mort d'Alcyone, qui disait à Béryl de se tenir éloigné de Nérée. Evidemment, ils l'avaient menacé de le tuer s'il s'approchait d'une manière ou d'une autre de l'Okeanos. Béryl ne put même pas assister à l'enterrement sa mère, ainsi. Même s'il ne l'avait pas connu, il aurait apprécié lui dire adieu.

  — Il veut te voir, je suppose, grinça Philippa en se mettant debout.

  — Oui.

  Philippa poussa un long soupir. Elle possédait de courts cheveux bruns coupés à la garçonne et un visage rond assez large ; son mari, plus petit qu'elle que ce soit en hauteur ou en largeur, avait de fins cheveux blonds et un visage fin. Ils semblaient tous deux opposés l'un à l'autre physiquement. La directrice de l'Académie s'approcha pour serrer son époux dans ses bras, afin de le rassurer. Elle remarquait aisément ses tremblements à cause de l'angoisse, et n'aimait pas le voir ainsi.