XXXII

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Anaïs, Mary et Lola partirent en courant en direction des appartements des professeurs ; néanmoins, Aurélien ne s'y trouvait pas. Alors, elles partirent directement dans la salle de classe attitrée d'Aurélien, à côté de celle de Philomène. Mary fut la plus courageuse : elle frappa à la porte. Anaïs avait dit qu'elles se feraient tuer par le professeur, car il savait très bien qu'elles étaient censées être en cours ; néanmoins, il fallait suivre les ordres d'Elysia.

  — Entrez !

  Les trois filles entrèrent sans attendre. Aurélien se tenait debout face à son tableau noir, une craie en main, et dessinait visiblement un tableau. Il fronça les sourcils en voyant le trio, et dit :

  — Que puis-je faire pour vous ?

  — On vient pour Elysia, on doit vous parler en urgence.

  — Elle a parlé d'avocat, mais pas de fruit, ajouta Mary. C'est elle qui a dit qu'elle parlait pas de fruit, par ailleurs.

  — Et elle veut qu'on vous parle, termina Anaïs.

  Aurélien hocha la tête. Il demanda à sa classe d'attendre sagement, et sortit avec les trois filles. A peine la porte fermée, Lola lâcha d'une traite :

  — Visiblement, Elysia a été arrêtée pour tentative de meurtre. Elle nous a demandé de vous prévenir, et de protéger l'école et les élèves des journalistes.

  — Elle a été arrêtée ? C'est-à-dire ? grinça Aurélien, le regard assombri.

  — Menottée et emportée par la police et des soldats d'Okeanos. Il faut à tout prix faire quelque chose, Monsieur !

  Aurélien fronça les sourcils, d'autant plus grave. C'était mauvais signe. Elysia n'avait rien fait, mais on ne savait jamais ce que l'Okeanos pouvait inventer.

  — Vous n'êtes pas censées être en cours, vous trois ? demanda-t-il.

  — Je... On avait mal à la tête, bredouilla Mary.

  — Très mal, aïe aïe aïe ! s'exclama Anaïs en se tenant le front.

  — On s'effondrait de douleur ! termina Lola en grimaçant. Regardez, nos yeux portent encore les traces de notre souffrance !

  Les trois firent des yeux similaires au Chat Botté à leur professeur. Aurélien poussa un soupir : il s'en chargerait plus tard.

  — Allez faire vos bêtises, lança-t-il. Je dois reprendre mon cours.

  — Merci Monsieur ! s'exclamèrent les trois en chœur.

  Elles partirent en courant sans demander leur reste.

  Quelque temps plus tard, Anaïs, Mary et Lola avaient rejoint un de leurs repaires. L'Académie était très grande, et il suffisait de se rendre au premier étage pour trouver des merveilles. En se rendant derrière une des salles de classe, dans un tout petit couloir jamais emprunté, une porte cachée dans le mur permettait d'accéder à une salle minuscule. De là, une grande fenêtre traversée par une fissure permettait aux trois jeunes femmes de s'installer sur le rebord et d'observer l'ensemble de la forêt, à l'abri. En plus, c'était sécurisé : personne ne connaissait cette salle, et le muret sur lequel elle s'asseyait était large, et possédait une barrière qui les empêchait de chuter. Impeccable !

  Alors, les trois jeunes femmes s'installèrent. Anaïs prit au passage un plaid qu'elles avaient caché là, et le plaça sur leurs jambes, tandis qu'elles observaient le paysage. Les oiseaux volaient et discutaient entre eux. Seuls leurs chants et le vent qui venait se frapper contre les arbres se faisaient entendre.

  — Je suis inquiète pour Elysia, déclara Lola. Elle ne mérite pas d'être enfermée, surtout que je lui ai déjà parlé de l'Okeanos, et qu'elle m'a jurée qu'elle avait simplement toujours rêvée que leurs familles soient unies. C'était tout.

  — Elle va s'en sortir, répondit Anaïs, qui l'observait, le dos appuyé contre le mur. Une garde à vue, ça dure jamais bien longtemps.

  Mary avait déjà plongé sur son téléphone. En une recherche, elle trouva la réponse à la question sous-entendue de son amie. Elle déclara :

  — « Une garde à vue dure normalement 24 heures, mais peut monter à 48 heures lorsque la peine encourue est de plus d'un an de prison. Cela peut aussi monter à 96 heures » Donc...

  Mary ouvrit sa calculatrice. Elle finit :

  — Elle restera en garde à vue entre un et quatre jours. Tu vois, elle va finir par sortir !

  Lola haussa les épaules. Mary soupira en voyant son amie aussi abattue : c'était souvent le cas depuis la mort de sa sœur, mais elle s'appuyait constamment sur Elysia, depuis, alors... Anaïs et elle avaient cru que Lola allait de mieux en mieux. Cependant, cela faisait deux jours que Lola semblait de nouveau tendue, car Halloween approchait, et que c'était une des fêtes préférées de sa sœur.

  — Eh... lança Anaïs, un sourire malicieux aux lèvres. Et si on proposait aux S3 de faire une journée bûcher ?

  Lola et Mary sentirent leur bouche s'ouvrir seule. Une journée bûcher ? Mais non !

  — J'envoie immédiatement un message aux S3, déclara Anaïs, étincelante.

  Une belle journée s'annonçait, le lendemain. Même si les journalistes traînaient autour de l'Académie, qu'Ayden quittait en courant son bureau et qu'Elysia restait assise à l'arrière de la voiture de police, les mains menottées. Ah, çà, ses ancêtres devaient s'en retourner dans leur tombe. Elle observait autour d'elle, plutôt sereine : elle se savait innocente, mais elle craignait de ne pas réussir à le prouver.

  Elysia baissa simplement la tête. Elle resta quelques instants immobile, et murmura :

  — Mes ancêtres, protégez-moi de cet incident, je vous en prie.

  La policière à sa droite fronça les sourcils. Dans la voiture, le silence était de mise, malgré le talkie-walkie du conducteur qui ne cessait de se lancer. Et soudain, assez fort, une voix s'éleva.

  On avait bien dit à Philippa qu'épouser Béryl était une folie.

  — D'façon, vous êtes jamais contents, maugréa Elysia. Toujours de la perfection, tout le temps, de tout le monde : acceptez que nous sommes à votre image. Imparfaits.

  Les policiers sursautèrent tous. La voix reprit.

  Courage pour cette épreuve, Elysia. On ne vous aidera pas. Rien que parce que votre mère n'avait qu'à nous écouter.

  Elysia marmonna un juron. Tête baissée, elle tremblait ; les policiers l'interrogèrent, mais elle ne répondit rien, secouant simplement la tête de gauche à droite. Ses ancêtres la laissaient tomber, désormais. Elle était seule.

L'Académie d'Écriture [TERMINE]Where stories live. Discover now