XXVI

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Après la visite, ils partirent manger, comme prévu : ils discutaient à table, assez simplement, des études du Président et de son épouse, mais aussi des différentes manières, de l'Académie et des professeurs.

  — Madame, Madame ! s'écria soudainement Romane en accourant. Désolée de vous déranger. Monsieur le Président, jolie cravate ! Bref, j'ai eu Lola au téléphone, elle prend le premier train qu'elle peut lundi prochain pour rentrer à l'Académie.

  — Parfait, répondit Elysia en souriant. J'irais la chercher à la gare, si elle a besoin.

  — Impeccable ! Merci, Elysia !

  Elysia lui fit un signe de tête. Le Président attendit que Romane ne retourne s'asseoir pour demander :

  — Cette Lola est une élève ici ?

  — Oui. Elle... Enfin... C'est assez compliqué, mais elle est venue me voir un soir car sa sœur avait eu un grave accident. Je l'ai accompagnée moi-même à l'hôpital où sa famille était, et elle y a perdu sa sœur. Depuis, je l'ai laissée avec ses parents pendant une semaine et demie le temps que l'enterrement ait lieu, et il était prévu qu'elle revienne la semaine prochaine.

  — C'est très navrant. Vous l'y avez conduite vous-même ?

  Elysia hocha la tête. Elle ajouta :

  — Je ne me voyais pas laisser mon élève partir seule en train en Normandie. J'ai préféré l'accompagner plutôt que de regretter mon égoïsme s'il s'était passé quelque chose. Au moins, elle a pu dire adieu à sa sœur, et moi, eh bien... J'ai rencontré ses parents. Et Lola sait qu'elle sera accompagnée ici, et qu'elle ne sera pas seule.

  Elysia jouait négligemment avec sa fourchette, songeuse. Le Président l'observait, calculateur : elle paraissait affectée par la situation. Sans doute s'était-elle attachée à ses élèves, et les voir souffrir était douloureux...

  — Je vous ai dit, ce matin, que l'Académie était faite pour que les élèves s'ouvrent à la culture littéraire, et à plein de domaines liées à elle. Mais en réalité, l'Académie fait plus que cela.

  Le Président releva la tête, intéressé. Elle continua :

  — Mes ancêtres l'ont créée pour leur propre gloire, et pour que leurs héritiers puissent continuer de transmettre leur nom et leur mémoire au travers des murs de ce château. Cependant, avec le temps, elle a commencé à changer, et à devenir un lieu de paix, où l'on pouvait apprendre à mieux se connaître. On peut mieux se comprendre, ici, et mieux savoir qui l'on est et qui l'on veut être.

  Elysia posa sa fourchette. Les élèves mangeaient tranquillement, et l'ambiance dans la pièce était plutôt festive. Ils n'avaient pas changé leurs habitudes pour accueillir le Président, ce qui plaisait grandement à la directrice. Elle préférait montrer la vérité plutôt que de faire semblant qu'elle dirigeait quelque chose d'autre que l'Académie. Elle tourna finalement la tête vers le Président, et termina :

  — Je veux que tous les élèves ici trouvent leur place. Je les laisse faire des bêtises, je les laisse se disputer, je les laisse s'aimer ou se haïr, tout en contrôlant les déboires. Je les laisse être qui ils veulent, tout en leur donnant un cadre qui leur permet de conserver les règles de base, comme le respect, la liberté, l'égalité et la fraternité, en réalité. Et quand des élèves se retrouvent face à de telles difficultés comme Lola, je... Je me dis que cela fait partie aussi de mon rôle, de les soutenir.

  Le Président écoutait sagement. Il finissait ses lasagnes, attentif, et songeur à la fois. Il dit :

  — Vous voulez faire d'eux des personnes qui ont confiance en elles, en quelque sorte ?

L'Académie d'Écriture [TERMINE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant