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Elysia avait passé sa soirée au téléphone. Elle s'était arrangée pour qu'Ayden reste à l'Académie, ce soir-là, et il avait suivi tous ses appels, assis sur un fauteuil dans la chambre de la jeune femme. Sa présence s'était imposée avec délicatesse et sans qu'il n'insiste réellement, car Elysia avait voulu qu'il reste ; Aurélien, l'air ennuyé par la présence du journaliste, avait fini par se retirer, non sans jeter un regard dégoûté à Ayden.

  — Vous êtes Guy Dubois, Monsieur ? demanda Elysia, au bout du quinzième appel.

  A chaque fois, on la redirigeait vers un nouveau numéro, et à chaque fois, ce fameux directeur de cette fichue Gazette n'était pas au bout du fil.

  — C'est bien moi, répondit-il. Qui est-ce ?

  — Je suis Elysia de Clermont, directrice de l'Académie d'Ecriture. J'ai appris que votre édition de demain porte à mon égard et je tenais à échanger avec vous à ce sujet.

  Guy Dubois se mit à rire grassement. Elysia ouvrit la bouche, prête à ajouter quelque chose, mais l'homme lui raccrocha au nez. Lorsqu'elle tenta de rappeler, elle remarqua, tremblante, qu'il l'avait bloquée.

  — C'est un connard, lâcha Ayden, qui observait Elysia d'un air presque attendri. Tu n'arriveras pas à le convaincre d'annuler son article.

  — Je pense que si. Peux-tu me prêter ton téléphone, s'il te plaît ?

  Ayden fronça les sourcils. Il déverrouilla l'appareil, puis laissa Elysia ouvrir l'application pour envoyer des messages. Elle y rentra le numéro de Guy, et envoya :

  « Rendez-vous demain matin à six heures pétantes à l'Académie d'Ecriture. J'ai un marché à vous proposer. Ne publiez pas l'article en attendant, cela vous intéressera certainement. E.C. »

  Il ne restait plus qu'à croiser les doigts. Elle poussa un long soupir et rendit le téléphone à Ayden, avant de le remercier. Le jeune homme glissa le mobile dans sa poche, puis dit, l'air malicieux :

  — Tu vas donc rester une boule de nerfs toute la soirée ? C'est la deuxième fois que nous nous voyions et hormis les discussions par messages où tu restes très distante, je n'ai pas eu le loisir de te parler depuis.

  — Cela fait à peine plus d'une semaine, Ayden. Il faut laisser poser les choses, non ?

  Elle souriait, moqueuse. Debout face au jeune homme, qui levait la tête pour mieux observer sa mine soudainement plus illuminée, elle s'approcha pour poser les mains sur les accoudoirs. Le sourire d'Ayden s'élargit, et il dit, son regard clair allumé d'une lueur enchantée :

   — C'en est assez. Une semaine, c'était assez long. Surtout loin de tes beaux yeux, Elysia.

  — Tu es un vil flatteur, Ayden. 

  — Et que veux-tu faire contre cela ? Me mettre en retenue ?

  Cela fit rire Elysia. Elle imaginait aisément Ayden en retenue ; tête baissée, avec une moue indignée aux lèvres, à gratter sur la feuille les quelques lignes qu'il devait copier. Le jeune homme se redressa sans attendre et presque immédiatement, il scella ses lèvres à celles d'Elysia. Elle se sentait attirée par lui, sans qu'elle ne comprenne réellement pourquoi : elle s'installa sur ses jambes, assez assurée. En tout cas, elle rêvait d'en apprendre plus sur lui, et surtout, de pouvoir se tenir de nouveau dans ses bras. 

  — Tu as pu terminer ton article sur cette association à Verdun ? demanda Elysia, en rompant leur baiser.

  Ayden hocha la tête. Il fit glisser la main posée sur sa nuque jusqu'à sa joue, pour la caresser lentement du pouce. Il ne savait pas pourquoi, mais son estomac se tordait en la voyant : il ressentait un mélange entre de l'appréhension, de l'ébullition et des sentiments qu'il n'aurait su nommer. Tout en enroulant les bras autour d'elle, il répondit :

  — Oui. C'était peu plaisant, mais... Mon chef veut me placer sur une mission plus intéressante, qui se passe sur Paris.

  — Sur Paris ? répéta Elysia, sourcils froncés.

  Ayden acquiesça de nouveau. Il expliqua :

  — Je partirais un mois, mais rien n'est sûr, et je n'ai même pas encore de dates. Il doit vérifier ses informations avant de m'envoyer là-bas, pour être sûrs de ne pas gâcher d'argent.

  — Oh. Eh bien, j'espère que cela sera plus intéressant, en tout cas.

  Le jeune homme haussa les épaules. Elysia le dévisagea quelques instants, le regard brillant, et l'écouta murmurer :

  — Je ne vais pas te manquer ?

  — Hum... Peut-être un peu.

  — Il faudrait déjà que tu répondes à mes messages sans être froide pour que nous puissions discuter. Qu'est-ce qui t'empêche d'être toi-même ?

  — Tu as vraiment envie de me voir moi, au travers des messages ? demanda Elysia. Je crains toujours que tu ne veuilles collecter des informations sur la directrice Elysia, avant tout, et... Je ne peux pas prendre le risque d'entacher ma réputation. Surtout après cet article qui risque d'être publié à n'importe quel instant au sujet d'Ondine et moi.

  Une lueur effrayée était passée dans le regard d'Elysia. Ayden leva une main vers elle, pour caresser de nouveau sa joue, de son index cette fois-ci. Il répondit :

  — Si tu veux, nous pouvons parler sur une application qui efface immédiatement les messages, comme cela, tu n'auras aucun risque que je puisse les utiliser.

  C'était une bonne option. Elysia réfléchit quelques secondes, avant d'acquiescer. Ce serait beaucoup mieux. Le jeune homme reprit :

  — Parfait, alors. Et, au sujet d'Ondine, cet article est vrai ? Si tu cours autant pour le faire supprimer, cela me surprendrait que cela ne le soit pas.

  — Je... Je n'ai pas le droit d'en parler, murmura Elysia. Je suis désolée.

  Ayden sourit simplement. Il comprenait. Il se redressa pour embrasser de nouveau Elysia, qui sourit à son tour contre ses lèvres. La douceur de son baiser la laissa presque chancelante : comment était-il possible qu'en deux rencontres à peine, ils aient autant d'alchimie ? C'était si surprenant, mais... Elle avait l'étrange impression qu'ils se connaissaient depuis toujours. Ou alors, peut-être qu'ils trouvaient mutuellement l'un chez l'autre ce qu'ils cherchaient depuis longtemps ? Peut-être. Mais en tout cas, ils avaient besoin l'un de l'autre, et ils ne se voyaient pas se laisser tomber aussi vite.

L'Académie d'Écriture [TERMINE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant