XXI

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Lola se tenait debout, immobile. Elle serrait contre elle sa fine veste en cuir, alors que la pluie lui tombait dessus, avec une force qui la faisait trembler. Cependant, elle restait immobile, comme si elle ne sentait pas la fraîcheur de l'eau atteindre sa chevelure blonde.

  Elle avait appris une mauvaise nouvelle, et elle avait eu besoin de prendre l'air. Elle n'aimait pas cette étrange sensation de sangloter au-dessus de son oreiller, silencieusement, pour ne pas qu'on ne l'entende. Les respirations de ses trois camarades de dortoir étaient régulières, mais tout de même. Si une d'entre elles restait éveillée, cela pourrait être embarrassant.

  La jeune femme essuya ses larmes. Il faisait nuit, et la pluie venait arroser les quelques parterres, entretenus par le très aimable jardinier qui vivait au village. Elle devait garder la tête haute : elle était à l'Académie d'Ecriture, elle devait profiter pleinement. Même si dehors, au-delà de la forêt, la vie était plus dure, plus grave, et... Et elle craignait d'affronter la vérité en face.

  — Qu'est-ce que tu fais dehors à cette heure-ci ? Il est au moins deux heures du matin.

  Lola sursauta vivement. Elle se retourna de moitié, et resserra sa veste contre elle. C'était Ysa, une fille de S3, qu'elle côtoyait régulièrement. Elles ne se parlaient pas beaucoup, car Ysa était le genre de personnes très introverties, calmes et posées que Lola n'appréciait pas côtoyer. Elle avait besoin de frissons, de rire, de crier, de danser : lire était intéressant, et elle adorait ça, mais elle avait besoin de plus. C'était vital.

  — Bah, euh... J'ai fait un cauchemar.

  — Ah.

  Ysa n'aimait pas Lola. Elle la jugeait superficielle, idiote et trop rebelle pour l'Académie. Son lien avec Elysia, dont elle était proche avec Théia et les autres, agaçait terriblement Ysa. Etait-ce parce qu'elle était jalouse, ou encore parce qu'elle n'aimait pas que cela aille à l'encontre des règles ? Elle n'en savait rien, mais cela l'agaçait.

  — Et toi ? demanda Lola.

  Ysa remarqua immédiatement les yeux rougis de la jeune femme, éclairée uniquement par un vieux lampadaire près de l'Académie. Elle fronça les sourcils, et répondit :

  — J'ai lu toute la nuit, et j'avais envie d'aller me promener.

  — Oh. Super.

  Le silence se fit de nouveau. Ysa s'approcha pour se placer à la droite de Lola, et elle dit :

  — Je ne t'aime pas trop.

  Lola releva la tête vers elle. Ysa faisait une tête de plus qu'elle, et portait toujours des vêtements bruns ou sombres, rappelant le dark academia, ce courant d'esthétique assez en vogue.

  — Mais tu as l'air d'avoir pleuré, et je n'aime pas laisser des personnes mal ainsi. Alors, dis-moi ce qu'il se passe, si tu veux.

  Lola baissa la tête de nouveau. Avait-elle vraiment envie de se confier à Ysa, alors qu'elles ne s'aimaient respectivement pas ? La jeune femme était grande, avec de courts cheveux bruns très fins, qui étaient coupés en un carré très court. Oh, et au pire, ce n'était pas grave : Ysa ne pourrait rien faire de l'information.

  — Ma grande sœur a eu un accident de voiture, à vingt-deux heures. J'ai reçu un message à vingt-trois de mes parents, qui m'annonçaient que les médecins ne savaient pas s'ils allaient réussir à la sauver ou non. Elle rentrait de soirée, elle avait bu, elle était seule, et elle n'a pas voulu appeler mes parents pour qu'ils viennent la chercher.

  — Je... Je suis désolée, Lola. Tu comptes te rendre à l'hôpital ?

  — J'habite en plein milieu de la Normandie, grinça Lola. Je vais galérer pour m'y rendre.

L'Académie d'Écriture [TERMINE]Wo Geschichten leben. Entdecke jetzt