2. Mentir.

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6 août 2019.

Il suit la jeune femme qui remonte sur la plage, sa planche sous le bras. Ils longent ensuite le front de mer pendant une dizaine de minutes sans échanger un mot, simplement des sourires. Pierre ne trouve pas ce silence gênant et apprécie même de ne pas avoir le contrôle et de se laisser porter.

Ils tournent finalement dans une impasse alors que Cléo lui annonce qu'ils sont arrivés. Elle pousse la porte d'un large portail et l'invite à la suivre. Le pilote découvre une traditionnelle maison de plein pied à colombages qui trône au milieu d'un large terrain verdoyant. La brune lui prend la main et l'entraîne alors qu'ils contournent la bâtisse.

Le jardin est, lui semble-t-il, un véritable coin de paradis. Tout est calme et rien ne vient troubler cette atmosphère des plus paisibles. Le chant des oiseaux perchés dans la multitude d'arbres qui rafraichit l'air. Le ruisseau en contrebas qui délimite le terrain. Les rayons du soleil qui se reflètent sur l'eau transparente de la piscine. On peut seulement percevoir le bruit des vagues qui s'échouent de l'autre côté de la barrière de végétaux. Pierre se plairait à rester là, coupé du monde.

Mais la jeune femme le sort de sa contemplation lorsqu'il s'aperçoit qu'elle a ôté sa combinaison en néoprène. Il l'imite et elle le tire à l'intérieur par une grande baie vitrée. Le pilote détaille tout son environnement d'un œil curieux, essayant de capter des indices qui lui permettraient de cerner la personnalité de son hôte.

Il ne peut s'empêcher de remarquer le tatouage sur la tranche de son poignet qui représente un poignard dessiné d'un trait très fin. Elle lâche sa main, l'empêchant de le fixer davantage, alors qu'ils pénètrent dans la cuisine.

« Tu aimes quoi pour le petit-déjeuner ? lui demande-t-elle en ouvrant la porte du réfrigérateur sur lequel trônent plusieurs photos et souvenirs. Pierre ne répond pas, trop concentré à observer l'évolution à travers les âges de la tête brune sur les différents clichés. On peut faire réchauffer des gaufres, avec des fruits frais et du sirop d'érable, non ?

- Tu offres des petits déjeuners de roi à toutes les personnes que tu croises sur la plage ? Sourit-il.

- Seulement à celles que je trouve mignonnes. »

Le châtain lâche un petit rire nerveux. Il ne s'attendait pas à une telle réponse et se trouve légèrement déstabilisé mais il essaye de ne pas le montrer bien qu'il apprécie son assurance et son franc-parler. C'est quelque chose dont il a cruellement besoin en ce moment. D'honnêteté.

« Moi qui me croyais privilégié, s'amuse-t-il. »

Il la regarde réchauffer les gâteaux et couper des bananes. Le châtain demande poliment ce qu'il peut faire pour aider et elle lui désigne le frigo et l'invite à leur servir le smoothie qu'il préfère. Cela lui permet de s'approcher davantage des photos qui ont attiré son regard un peu plus tôt. Il contemple les sourires, qui semblent parfois forcés. Mais autre chose retient son attention. Le regard vide que la brune, alors beaucoup plus jeune, arbore. Pourtant, c'est très irrégulier. Elle semble tantôt heureuse, tantôt désemparée malgré son air candide.

Un second élément le frappe. La fillette est seule sur chacun des clichés. Ce constat est bien différent de celui qu'il connaît en pensant au réfrigérateur de la maison familiale à Rouen. Il est rempli de souvenirs où un maximum d'entre eux apparaissent.

« Tu l'es. J'ai des critères plutôt haut placés. N'importe qui n'a pas la chance de partager mes gaufres, explique Cléo en posant une assiette garnie sur le comptoir devant lui.

- Encore un compliment. J'ai bien fait d'aller surfer aujourd'hui. »

Pierre la remercie alors qu'elle s'assoit sur un tabouret pour prendre une photo de son petit-déjeuner avant de commencer à déguster ce qui s'apparente pour lui à un festin. Il n'avale pas grand chose depuis qu'il est arrivé il y a deux jours pour profiter de ses congés.

REMÈDE - PIERRE GASLYWhere stories live. Discover now