8. Se réveiller.

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8 août 2019.

La pièce est plongée dans la pénombre qui incite ce calme absolu. Seul le bruissement des draps vient perturber le silence qui pèse sur l'esprit de la jeune fille. Elle se tourne et se retourne, se débattant avec ses couvertures. Elle a bien trop chaud. Puis bien trop froid. Elle s'agace. Elle s'énerve. Elle rumine. Elle ne parvient pas à s'endormir.

Et elle n'a aucune envie de lire. Les écrits qu'elle dévore ont pourtant toujours été un échappatoire. Aujourd'hui, ils semblent seulement être une source de tristesse.

Ils regorgent d'héroïnes qui n'ont aucune peur d'affronter leurs faiblesses. Asha sait qu'elle ne ressemblera jamais à ces portraits. Les femmes décrites sont tout ce qu'elle n'est pas. Elles ont tout ce qu'elle n'a pas.

Elle aurait pu dire à Pierre qu'elle mourrait d'envie de faire du saut à l'élastique. Mais ce n'est qu'un rêve qu'elle ferait mieux d'oublier.
Parce que ses peurs n'ont été que trop confortées. Que bien trop cultivées. Et même encouragées. Jamais détrompées.
Parce qu'elle aurait dû affronter sa sœur et son besoin de la contrôler. Elle aurait dû justifier cette folie passagère. S'immiscer dans sa vie et dans son intimité.
Parce qu'elle aurait dû sortir de chez elle. Quitter ce cocon, cette bulle de confort dans laquelle elle s'est installée. Et à laquelle elle s'est habituée.

Mais dire oui représentait beaucoup trop d'obstacles à surmonter. Et la voilà désormais toute seule, comme à chaque nuit tombée, avec pour seuls amis, ses regrets.

La brune est bien consciente qu'il lui suffirait d'un peu de courage pour agir comme les protagonistes de ces histoires qui la fascinent. Mais elle s'en sent démunie. Et surtout, elle relativise. Ce qui est conté dans ces livres n'est que fictif. Bien loin de la vraie vie. Et très très loin de sa propre réalité.

Un profond soupir s'échappe de ses lèvres. Elle sent le mal de tête la gagner et sans plus y réfléchir, elle sort de son lit. Elle évolue dans l'obscurité et passe le premier maillot de bain qu'elle trouve dans son armoire. Elle s'enroule dans une douce serviette épaisse, de peur que la fraîcheur de la soirée morde sa peau blanche.

Ses pieds frôlent le parquet alors qu'elle traverse la bâtisse. Puis ils entrent en contact avec les dalles froides à l'extérieur. Elle entend les lents mouvements de l'eau provoqués par la brise calme et contemple ce tableau. La lune se reflète dans l'eau.

Elle trempe ses orteils et apprécie la chaleur de l'élément. Elle pénètre doucement dans le bassin et finit par y plonger son corps entier. Elle fait quelques brasses puis passe ses mains dans ses cheveux pour les plaquer en arrière. Asha apprécie ce sentiment de légèreté.

Elle s'approche du bord, et remplit ses poumons d'air, avant de retenir sa respiration. Ses bras s'écartent, ses jambes se détendent. Elle flotte, glissant dans l'eau, son cœur battant. Elle essaye de calmer son organe vital alors qu'elle est enveloppée par l'obscurité. Et le silence qui l'accompagne.

Son apnée lui permet de tout oublier. Ses soucis. Sa douleur. Son cœur qui souffre. Et son esprit qui ne la laisse aucunement en paix.

Cette baignade est salvatrice. Sous l'eau, la brune se sent libre, apaisée. Voilà un autre échappatoire à la réalité. Ses émotions se dissipent, emportées par le flot de l'eau qui vient caresser sa peau. Elle semble presque sereine.

Elle ne sait pas depuis combien de temps elle a plongé. Mais elle se sent soulagée. Là, au creux de la nuit, sans aucun mouvement, se laissant porter. Bien loin de tout ce qui pourrait la blesser. Et elle retrouve cette paix intérieure qui fait battre son cœur.

Alors qu'elle lâche quelques bulles d'air pour prolonger ce moment qui la maintient hors du temps, elle sent des doigts empressés s'enrouler autour de son poignet. Ils la tirent à la surface et l'oblige à affronter à nouveau cette réalité. Prise par surprise, elle avale quelques gorgées de cette eau chlorée et manque de s'étouffer. Avec facilité, l'intrus de cet instant d'intimité la soulève pour l'extirper de son élément. Mais pour qui il se prend ?

REMÈDE - PIERRE GASLYWhere stories live. Discover now