6. Sécurité.

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8 août 2019.

Pierre est déjà levé depuis plusieurs heures quand il passe le portail de la maison des deux soeurs. En réalité, il a tourné en rond toute la nuit dans son lit, sans aucun répit. Son esprit ne cesse de ruminer. Et ses yeux refusent de se fermer. Il a tenté de chasser ses idées. Mais elles reviennent sans cesse le hanter. Ses pensées ne lui laissent aucun repos. Et il ne fait qu'ignorer les signaux de son corps fatigué. Il sait que le lendemain sera un peu plus dur. Sans sommeil. Sans force. Au bord de la rupture.

Comme la veille, il contourne la bâtisse pour pénétrer à l'intérieur et annoncer sa présence. Il a tenu sa promesse sans trop savoir pourquoi. Peut-être que ça le sortira un peu de sa détresse. Mais il se stoppe avant d'avoir atteint la baie vitrée. Son regard est attiré par une âme solitaire.

Asha est là, assise au bord de l'eau. Il s'approche en douceur, ne voulant pas une nouvelle fois lui faire peur. Elle a l'air si fragile, emmitouflée sous des couches de vêtements, recroquevillée sur une chaise longue, le nez plongé dans les pages de son roman.

Il ne sait comment l'aborder. Alors, il se racle la gorge.

« Pas de poêle à l'horizon aujourd'hui ? »

Le pilote se maudit alors que les mots ont à peine franchi la frontière de ses lèvres. Il se trouve ridicule, maladroit. C'était sûrement la pire façon de se présenter. Elle lève ses yeux bleus incroyablement transparents vers lui et il est frappé par son visage qui ne laisse passer aucune expression. Aucune émotion.

« Je crois que Cléo n'est pas rentrée, l'informe-t-elle d'un ton détaché. »

Il avale difficilement sa salive. Son ton est froid. Il se sent terriblement mal à l'aise. Soudainement, il se demande pourquoi il s'inflige de vivre cette situation. Lui qui cherche de la solitude, et éventuellement quelques rencontres sans pression. Pierre est un paradoxe. Il a toujours redouter de se retrouver seul. Personne à qui parler. Personne pour l'écouter. Une peur qui s'est immiscé en lui, peut-être un sentiment naturel lorsque la maison de son enfance est toujours remplie.

Et pourtant, son âme solitaire apprécie de souffler dans sa vie mouvementée. Lui qui est toujours entouré. Ça semble passer par devoir se retrouver. Mais il n'a jamais su se ménager. Et écouter les signes de son corps messager.

« Je... Je peux attendre avec toi ? hésite-t-il. »

A nouveau, elle le regarde et finit par hocher la tête avant de se replonger dans le livre qu'elle tient entre les mains. Le normand se sent un peu gauche et s'assoit à ses côtés. Ses yeux s'attardent sur le jardin qu'il avait jugé réconfortant la première fois qu'il y avait pénétré. Aujourd'hui, il ne sait plus ce qu'il pense. Et il ne se rend pas compte à quel point le paradis de verdure qui l'entoure est une prison dorée.

« Ça va mieux ta main ? Il désigne sa paume blessée.

- Oui, merci.

- Et... ça va mieux avec ta... enfin avec Cléo ?

- Je... Elle soupire. Ça ira mieux. »

Il la sent distante et se mord la lèvre inférieure. Il doit simplement se rendre à l'évidence et arrêter de lui imposer sa présence.

« Je... Je vais te laisser. Je ne veux pas te déranger plus longtemps. »

Elle semble instantanément gênée mais il se lève, résolu à mettre un terme à cette situation qui n'a que trop duré.

« Non, souffle-t-elle alors qu'il se retourne vers elle. Enfin, tu veux commencer le petit-déjeuner ?

- C'est toi qui l'as encore préparé ? sourit-il. Elle hoche la tête pour simple réponse. Et tu vas au moins y goûter ? »

REMÈDE - PIERRE GASLYWhere stories live. Discover now