11. Sa mission.

447 29 33
                                    

9 août 2019.

Le trajet s'est déroulé en silence. L'atmosphère semble chargée de craintes. Asha et Pierre poussent tous les deux leur bicyclette jusqu'à un chemin de terre. Il est peu fréquenté mais le revêtement est bien régulier. Ce sera parfait pour débuter.

Le pilote dépose son engin sur le sol et s'approche de la brune. Sa lèvre inférieure paraît trembler. Signe qu'elle est pétrifiée. Il pensait cela impossible mais il a l'impression que sa peau est encore un peu plus pâle.

« Avant tout, il faut que tu te détendes, indique-t-il. »

Elle lui jette un regard menaçant. Le bleu transparent n'est plus d'actualité. C'est un noir de tempête qui s'annonce dans ses pupilles. Pierre se reprend. Il doit oublier ses phrases toutes formulées. Après tout, c'est bien plus facile à dire qu'à faire.

Il donne quelques conseils. Lui explique les bases pour tenir en équilibre sur un cycle. Être bien droit. Regarder loin devant. Se projeter à l'horizon. Ne jamais cesser de pédaler. Freiner. À l'arrière si possible. Éviter un coup brusque sur la roue avant.

La voilà prête à s'essayer à cette nouvelle activité. Asha regarde le vélo avec une certaine appréhension. Et elle sent renaître au fond de ses entrailles cette peur et cette tension. Elle sait que c'est pour le monde entier, une banalité. Pédaler. Rouler. Avancer. Cela semble si simple sur le papier.

Elle enjambe le cycle alors que Pierre tient le guidon. Elle y pose ses mains et se dresse sur la pointe des pieds pour se positionner sur la selle. Malgré la présence du pilote, l'angoisse de tomber est encore bien présente. Son corps est déjà tremblant et chacun de ses micro-mouvements se répercute sur le cadre, lui donnant l'impression d'être instable.

Le châtain la regarde avec bienveillance. Il l'encourage de ses iris bleutés. Alors, elle décolle un pied du sol pour le positionner sur la pédale de droite. Un léger cri franchit la barrière de ses lèvres lorsqu'il lui semble que l'apesanteur fait son œuvre, menaçant de la ramener instantanément vers le sol. Mais d'une poigne ferme, le pilote s'empresse de stabiliser l'engin.

Elle prend une grande respiration pour calmer ses émotions. Elle sent des doigts se glisser avec douceur sous son menton.

« Il ne faut pas que tu regardes tes pieds. Tu dois toujours fixer l'horizon, rappelle-t-il. »

Elle hoche la tête. C'est une leçon. Il espère qu'elle parviendra à l'appliquer. Et pas seulement pour réussir à pédaler.

La jeune femme se mord la lèvre. Il est temps d'y aller. Pierre lui demande silencieusement si elle est prête et elle n'a pas le courage de défier ses yeux qui n'acceptent pas l'échec.

Elle inspire. Stocke l'air dans ses poumons de peur d'oublier de respirer tant elle sait qu'elle va se concentrer sur les gestes à effectuer. Elle se remémore les conseils que le normand lui a prodigués.

Elle appuie sur l'épaisse plaque sous son pied droit et essaye de lever le pied gauche pour enclencher le mouvement asymétrique. Le premier tour de roue est difficile, instable et incertain. Mais le jeune homme veille au grain. Une main sur l'extrémité du guidon, l'autre sous la selle, il lui apporte son soutien.

Asha tremble un peu moins. Elle s'arrête pour savourer ce premier pas. Une perle salée quitte ses yeux et se fraye un chemin sur sa joue pâlie par la crème qu'elle s'est employée à appliquer. Pierre s'inquiète, il l'a peut-être un peu trop poussée. Il l'a peut-être trop rapidement jetée dans ce combat acharné.

Il s'empresse d'essuyer l'unique larme qui roule sur son visage. Il est désemparé.

« Hey, ne pleure pas. Je suis désolé. On peut aussi arrêter. »

REMÈDE - PIERRE GASLYWhere stories live. Discover now