48. Remède.

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16 février 2020.

Les lèvres de Pierre tremblent, incapables de prononcer le moindre mot. Il fixe les yeux embués de la brune. Les larmes les rendent encore plus transparents. Il ne comprend pas pourquoi elle prend cette décision si ça l'affecte autant. Arracher le pansement d'un coup, tant qu'il est encore temps, au lieu de vivre dans un bonheur qui ne ferait que peu à peu se ternir.

« Tu ne peux pas me demander ça, parvient-il à murmurer. Tu ne peux pas me demander de t'abandonner.

- Je ne te demande pas ça. Je te demande d'avancer, elle marque une pause. Sans moi. »

Le pilote inspire. Il a l'impression que rien de ce qu'il ne pourra dire ne changera cette décision qui est claire dans son esprit. Aucun mot ne sera assez fort pour la convaincre de rester un peu plus avec lui. Alors il se contente de réciter des vers.

"I'll sing my song to the wide open spaces
I'll sing my heart out to the infinite sea
I'll sing my visions to the sky high mountains
I'll sing my song to the free, to the free"

Il en appelle à la liste de leurs rêves. Il en appelle à ces points qu'ils ont déjà cochés et à ceux qu'ils restent réaliser. Il en appelle à ces cadeaux qu'elle lui a faits pour être présente avec lui quand il aurait du temps à consacrer à ces moments de répit qu'il souhaitait s'accorder.

« Mais tu sais comment se termine la chanson ? Demande-t-elle. »

Bien sûr qu'il connaît la fin. Il n'a simplement pas le courage de la prononcer. Alors Asha le fait à sa place, elle maintient la pression sur ses mains. Le contact de leurs peaux semblent essentiel à cet instant, alors qu'elle énonce ces mots.

"The song is over
Excepting one note, pure ans easy
Playing so free, like a breath rippling by"

« Il suffit de retourner le vinyle pour écouter la suite, réplique-t-il sans grande conviction.

- Tu pourras en profiter avec quelqu'un d'autre. »

Pierre est déconcerté. Elle semble le pousser dans les bras d'une autre personne avec tellement de facilité qu'il se demande si elle tient ne serait-ce qu'un tant soit peu à lui.

Il est bien conscient qu'elle n'a reçu que très peu d'affection. Aussi il veut s'assurer qu'elle ait bien compris que tous les sentiments qu'il nourrit pour elle sont fondés. Et qu'ils ne s'évanouiront pas du jour au lendemain. Jamais il ne pourra lui reprendre tout cet amour qu'il lui a donné.

Il passe ses doigts sur les joues rougies de la brune pour essuyer ses larmes qui contredisent ses horribles pensées.

C'est une évidence.
Pierre a compté pour Asha.
Comme Asha a compté pour Pierre.
Un sentiment indélébile qui marquera leurs coeurs pour l'éternité.

« J'aurai aimé te faire découvrir tellement plus... souffle-t-il alors qu'elle frissonne sous son contact.

- Quoi donc ?

- Sauter en parachute, tomber en chute libre, suer après avoir trop dansé lors d'un concert, chanter à perdre sa voix, lutter contre la fatigue, apprendre à faire du surf, il esquisse un sourire, et puis toutes les facettes de l'amour, dit-il dans un dernier murmure.

- Il n'est pas trop tard. »

Leurs lèvres sont des aimants. Ils s'attirent de façon irrépressible mais jamais ne viennent se toucher. Pierre et Asha retardent le moment, testant leurs limites, jouant avec ce baiser annonçant un goût d'adieu.

REMÈDE - PIERRE GASLYWhere stories live. Discover now