21. Victoire.

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21 novembre 2019.

On dit que la nuit porte conseil.

Et Pierre a fermement essayé d'y croire.

Cela fait des mois que, dans l'obscurité, il tente de se libérer de ses inhibitions et de ses peurs. Cette nuit, il a tâché de trouver la force de révéler ce qu'il ne veut pas s'avouer et qu'il a désespérément enfoui au fond de son esprit. Il espère que la douce lueur du disque d'argent pourra l'éclairer.

Des secrets insondables masqués par des ténèbres dans lesquelles il refuse de s'aventurer. Et la clarté de la lune les met en lumière à chaque fois qu'il reste éveiller.

Pierre a juste décidé d'aller mieux. Il est monté sur ce podium et il a réfuté toutes les pensées négatives qui pouvaient l'assaillir. Parce que c'est un moment auquel il avait toujours aspiré. Et on se doit d'être heureux quand on atteint ce rêve qu'on poursuit avec tant de ferveur.

Mais c'est loin d'être aussi simple. Il s'en est rendu compte alors qu'il a pensé un instant que la veille était une victoire. Il a vu dans les yeux de la brune cette joie l'envahir alors qu'elle goûtait à cette liberté dont elle s'est trop souvent privée. Ses pupilles d'un bleu transparent étaient remplis d'une lueur qui avait réchauffé son propre coeur. Et puis ses paupières s'étaient refermés, entraînant son esprit tout entier.

Un retour en arrière. Une nouvelle chute.

Asha avait tout simplement refusé ce bonheur qui lui était offert. Peut-être qu'il était trop grand. Peut-être que qu'il était trop effrayant.

Il était tellement fier d'avoir vu les progrès qu'elle avait réalisées que le pilote s'était montré bien trop gourmand. Il était toujours pressé, trop impatient. Il devait tout simplement accepter de prendre son temps.

Il s'était emballé et quand il avait vu la jeune fille reculer, il s'était bien trop vite énervé. Il culpabilisait de ne pas parvenir à l'aider. Et il avait rejeté sur elle ses propres problèmes. Surtout que le comportement de la brune lui avait peur. Le bonheur avait été de courte durée. Un bien-être éphémère. Et il avait été effrayé de constater que lui aussi pourrait peut-être bien rechuter.

Et le travail qu'il a tenté de réaliser ces derniers mois vient de s'envoler. Sa confiance en lui, évaporée.

Mais Pierre se retrouve devant cette baie vitrée alors que le soleil vient de se lever. Il veut s'excuser. La convaincre de ne pas lâcher. De réessayer. Parce qu'il en est persuadé, un jour, elle va y arriver.

Il regrette de l'avoir poussée. Il a l'impression d'avoir gâché cette journée qui avait si bien commencé.

Son poing frappe contre la baie-vitrée pour s'annoncer. Une épaisse chevelure brune s'empresse d'ouvrir. Il observe son visage et plonge son regard dans ses yeux bleus pétillants. Ses joues rebondies. Ses lèvres fines étirées en un large sourire mettant en valeur ses pommettes légèrement rosées.

« Oh... Salut Pierre ! s'exclame-t-elle.

- Salut... Cléo. »

Le normand est gêné. Il se balance d'un pied sur l'autre, dans une danse maladroite. Sa main droite se glisse dans sa nuque. Il est déçu, mais il doit le masquer. Il ne sait par où commencer. Il veut s'excuser et s'en aller.

« Je ne savais pas que tu étais de retour dans la région, souligne la jeune fille.

- Je... Je voulais faire une pause avant la dernière course de la saison.

- Félicitations pour ton premier podium !

- Merci, souffle-t-il.

- J'allais prendre un petit-déjeuner. Tu veux le partager avec moi ? Il hésite. Il réfléchit à la manière la plus polie de refuser. Allez, le supplie-t-elle. En souvenir de cet été. Et pour fêter ton résultat au Brésil.

REMÈDE - PIERRE GASLYWhere stories live. Discover now