18. Réessayer.

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19 novembre 2019.

Pierre sourit en arrêtant la voiture. Il retrouve le paysage tel qu'il l'a laissé au milieu de l'été. Ces vastes étendues d'eau qui se perdent au loin pour se mêler à l'horizon. Les vagues qui déferlent avec fougue sur le sable doré ravivé par endroit par les rares rayons de soleil. Il soupire de satisfaction. Excitation et mélancolie s'emparent de son esprit.

Il inspire profondément, emplissant ses poumons d'air frais et iodé. Il sent l'air marin s'échouer sur son visage apportant sa dose de fraîcheur qui lui fait du bien. Le vent souffle dans ses cheveux qu'il renonce à garder impeccablement coiffés. Il regarde les dunes qui s'étendent à perte de vue. Sur leurs flancs, les pins maritimes se balancent doucement. Le normand trouve leur mouvement apaisant. Il contemple simplement la beauté de cette région qu'il a dû précipitamment quittée en août dernier.

L'environnement n'est pas silencieux. Il y a la brise qui fend les aiguilles des arbres. Il y a les vagues qui viennent et s'en vont sur le sable. Mais Pierre aime ces bruits qui contrastent totalement avec le vacarme des paddocks où vrombissent les moteurs et acclament les foules.

Pierre regarde l'océan avec émerveillement. Il laisse ses pensées vagabonder. Il s'avance finalement sur la plage déserte et ôte ses baskets et ses chaussettes. Il enfouit ses pieds dans le sable froid et humide et s'installe là pour contempler ce paysage sauvage et apaisant. Il trouve que c'est enfin le bon moment. Il peut se laisser envahir par les émotions qu'il tente de contenir depuis le week-end dernier. Les larmes coulent sur ses joues. Le châtain ne cherche pas à les retenir. Simple bonheur ou habituelle douleur.

Il n'a toujours pas vraiment assimilé ce qu'il s'est passé. Et il reste là, face à l'océan, pendant un moment qui lui parait une éternité. Il ferme les yeux pour se remémorer. Il veut garder chaque instant dans son esprit pour ne rien oublier.

...

Le pilote arrive sur le circuit brésilien. Dans sa tête, les pensées s'emmêlent. Il a marqué quelques points avec sa nouvelle écurie. Mais tout est si compliqué depuis la fin de l'été. Et il y a cette dernière course qu'il n'a pas terminé. Pour autant, il retrouve peu à peu cette envie de courir. Et il apprécie cette excitation qui imprègne l'air en arrivant sur le circuit. Il se réfugie dans le bruit des moteurs qui vrombissent, un espace toujours propice à son plaisir. Ça doit lui permettre de retrouver une confiance inébranlable en ses capacités de pilotage.

Pierre prend une grande inspiration alors que la course débute. Il chasse tout ce qui peut parasiter ses pensées. Et il se laisse tomber dans une bataille sans merci avec les autres voitures. Il se doit de rester concentré. Rien ne peut lui échapper.

Chaque virage est un défi. Chaque accélération, une course effrénée contre le temps pour remonter sur l'homme devant lui qu'il refuse de laisser filer. Il est déterminé. Il essaye d'oublier qu'il ne porte pas ses seuls rêves et espoirs. Pour certains, ça serait une pression supplémentaire. Mais pour lui, c'est une motivation complémentaire. Il a l'impression que rien ne peut venir le détourner de sa mission.

Le français se montre rapide et audacieux. S'il veut briller, il lui est impossible de rester dans cette zone de confort qu'il n'ose plus quitter depuis les premiers reproches qui sont tombés en début d'année. Mais c'est loin d'être une raison pour foncer tête baissée. Il a encore quelque chose à perdre, et tellement à gagner. C'est pourquoi, chaque risque est analysé. Mesuré. L'erreur n'est pas permise. Il doit continuer, d'avancer, de rouler. Parce que c'est sa raison de vivre.

La course est serrée. Les positions changeants et les dépassements sont spectaculaires s'il se fie aux réactions de la foule. Pour la première fois depuis longtemps, il se sent bien derrière un volant. Pierre impose son rythme et, évitant les pièges de la piste, il s'applique à préciser ses trajectoires à chaque nouveau tour. Il essaye d'oublier cette tension qui le gagne un peu plus à chaque tour. Cette sensation qu'il est en train de toucher du doigt un rêve de gamin. Il ne sent plus la fatigue, mais il sait qu'elle est présente. Alors il redouble de vigilance.

REMÈDE - PIERRE GASLYWhere stories live. Discover now