REMÈDE - PIERRE GASLY

4. Particulier.

7 août 2019.

Le ciel est d'un bleu éclatant. Profond.
Le soleil est puissant. Brillant.

Mais Asha déteste cet astre lumineux et elle ne perçoit que l'absence des nuages qui filtrent les rayons ultra-violets. Alors, elle a couvert au maximum sa peau blanche, autant que la chaleur le lui permettait. Elle a passé un chapeau à bords larges et de grandes lunettes de soleil. Les parties de son corps qui ne sont pas cachées luisent encore de la crème solaire qu'elle s'est employée à appliquer en couches épaisses.

Elle aurait pu rester à l'intérieur. Mais si elle déteste le soleil, elle adore le chant des oiseaux. Le bruit de la petite brise fraîche qui se fraye un chemin à travers les feuilles des arbres. Les allers et venues de l'océan qui, au loin, se heurte au sable. Alors, elle s'est installée sous un parasol pour être sûre que sa peau ne soit pas confrontée aux rayons lumineux.

Plongée dans son livre, elle parcourt les pages avec envie. Ce ne sera pas la première fois qu'elle le dévorera d'une seule traite. Asha est une solitaire. Ses romans sont l'une de ses seules sources de distraction. Ils lui permettent de s'évader et de découvrir un nouveau monde, tout en restant enfermée chez elle.

C'est comme ça qu'elle occupe la plupart de ses journées. A lire ou à jouer de la harpe. La littérature et la musique. L'art. La culture. Ses seuls échappatoires en plus des cours qu'elle prend par correspondance. Elle aime apprendre. Elle aime comprendre. Et surtout, elle aime nourrir son imagination. Parce qu'Asha n'aime pas sortir de chez elle.

Elle n'a jamais été habituée à le faire. Elle n'a jamais rien connu d'autre. On l'a éduquée dans la prudence abusive. Le risque zéro. C'est ce qui a guidé sa vie jusque ici. Mais elle s'y est faite. Et à vrai dire, il est tellement difficile de se rebeller et de s'émanciper. Il lui paraît impossible de surmonter ses plus grandes angoisses qui semblent l'attendre dès qu'elle fait un pas en dehors de chez elle et qu'elle s'écarte de ses pratiques routinières. Le monde extérieur est devenu sa plus grande peur.

La sonnerie de son téléphone la sort de sa rêverie. La brune soupire. Elle se saisit de l'appareil pour le faire taire. Ce doit être l'alarme qu'elle a programmée pour se rappeler d'aller s'enfermer dans sa chambre comme sa soeur le lui a demandé. Elle ne se vexe pas du comportement de son aînée. Cela fait bien longtemps qu'elles ne partagent plus rien. Que leurs chemins ont dévié.

Bien qu'elles se ressemblent comme deux gouttes d'eau, elles sont désormais l'exact opposé.
Cléo est sociable, extravertie et imprudente.
Asha est solitaire, timide et précautionneuse.
Et leurs caractères sont si différents qu'il semble impossible pour l'une de comprendre l'autre.

A sa grande surprise, la jeune femme constate que c'est le prénom de sa sœur qui s'affiche sur le smartphone. Elle est étonnée qu'elle prenne la peine de l'appeler pour s'assurer de ne pas la trouver quand elle rentrera pour le petit-déjeuner. Il doit y avoir autre chose. Alors, elle décroche dans un soupir.

« Oui Cléo ?

- Asha ? »

Ce n'est pas la voix qu'elle s'attendait à entendre qui raisonne dans le combiné. C'est celle d'un homme. Et il semble préoccupé. En réponse à cette inquiétude, ses muscles se tendent. Elle est replongée dans ses plus grandes peurs. Dans ses pires cauchemars. Elle tentait de se persuader que tout ce qu'elles avaient traversé était derrière elles, mais c'était sans compter sur sa sœur et son caractère de tête brûlée.

Asha est trop naïve. Seulement, plongée dans sa bulle, elle a du mal à se l'avouer. Sa perception de la réalité est erronée, biaisée, parce qu'elle n'a côtoyé que peu de monde en dehors de son aînée. C'est pour ainsi dire son seul repère, son pilier.