REMÈDE - PIERRE GASLY

33. Aimer.

31 décembre 2019.

Asha regarde la neige tomber derrière la fenêtre. Elle trouve que ce spectacle a quelque chose d'hypnotisant et d'apaisant bien qu'il lui donne terriblement froid et qu'elle ne sait pas comment parvenir à se réchauffer. Alors, elle se contente de boire son chocolat brûlant par petites gorgées, emmitouflée dans d'épaisses couvertures.

Elle se demande pourquoi elle a accepté de prendre part à ce voyage avec sa sœur et ses parents. Peut-être que la perspective de passer les fêtes seule l'angoissait. Pourtant, au sein du chalet familial, elle est bien loin d'être beaucoup plus accompagnée.

Elle n'a pas osé sortir de tout le séjour et son comportement n'a pas étonné grand monde. À vrai dire, la brune n'a plus trouvé le courage de sortir de chez elle depuis ce jour où Pierre a disparu avec la possibilité de réaliser la liste de ses rêves.

Elle espère qu'il a repris sa vie de son côté et qu'il a trouvé le temps de réaliser quelques uns de ses souhaits. Elle l'imagine tourner les pages d'un livre dans l'avion. Recommencer tous les lundis à préparer des plats qu'il finit par commander dès le mercredi ou le jeudi. Froncer les sourcils devant des partitions qui doivent lui sembler incompréhensibles.

Elle voit son profond regard bleu qui la rassurait tant. Elle voit son sourire et ses fossettes. Et elle voit ses lèvres qui lui ont offert son premier baiser. Peut-être qu'elles embrassent une autre bouche à l'heure qu'il est. Et son coeur se serre un peu plus à cette idée. Il est un peu plus brisé.

La jeune femme regrette de ne pas avoir sa harpe à proximité pour se calmer. Elle aurait tant aimé que ses doigts puissent frôler les cordes pour les faire vibrer à l'unisson. Elle aurait tant aimé avoir cette possibilité d'exprimer un peu plus ses pensées. Elle aurait tant aimé pouvoir s'évader hors de cette prison qu'elle s'est de nouveau créée.

Les livres ont toujours constitué une autre alternative. Mais depuis qu'elle a goûté à une autre réalité, elle n'a plus envie de vivre à travers les histoires de héros inventés. Elle aimerait écrire ses propres récits. Mais elle ne sait plus comment faire depuis que son pilier s'en est allé.

Elle a bien pensé à essayer de retrouver ces sensations qu'elle a connu grâce aux activités auxquelles il l'a initiée. Pourtant, ces angoisses sont de retour et elle a l'impression qu'elles se sont intensifiées. Et puis, la perspective de faire du vélo dans cette neige épaisse alors qu'elle ne jouit pas d'une grande stabilité ne fait que l'effrayer.

Alors Asha s'est renfermée.

Et personne n'a ce pouvoir de transpercer ses barrières solidement armées pour, de nouveau, la toucher.

Elle a écouté en boucle ses playlists pour apaiser son rythme cardiaque qui ne fait que tambouriner dans sa poitrine. Mais elle la connaît par coeur alors, elle profite du silence qui s'est imposé dans le chalet. Ses parents et sa soeur sont sortis pour fêter la nouvelle année. Mais le double vitrage n'est pas assez efficace pour filtrer les cris de joie des fêtards.

Ils célèbrent la fin d'un chapitre et le début d'un nouveau. D'habitude, la brune est loin d'avoir des choses à commémorer. Le passage d'un an à l'autre n'est qu'un signe supplémentaire du temps qui passe mais qui n'a aucune incidence sur elle. Les mois ne font que se ressembler, n'apportant ni promesse, ni nouveauté.

2019 a été différente.

Parce qu'elle est enfin sortie de la forteresse derrière laquelle elle s'est retranchée. On lui a tendu une main qu'elle n'a fait qu'accepter et qui l'a guidée à travers les méandres de ses doutes et de ses pensées.

Mais il faut croire que ce n'était qu'une exception. Et que 2020 va ressembler à toutes les autres années qu'elle a pu connaître. Et elle ne peut qu'être triste à cette idée de perdre l'opportunité de vivre toute ce dont elle a toujours rêvé.